Les classes relais: un dispositif pour les élèves en rupture avec l’école
Elisabeth MARTIN, Stéphane BONNERY, ESF, 2002, 256 p.
Voilà un ouvrage qui, à chaque page, respire l’intelligence. Fort bien écrit et structuré à partir de réflexions pertinentes, il ne faut surtout pas le manquer. Les auteurs interpellent tout d’abord le dispositif des classes relais à partir d’une question essentielle : ces structures sont-elles là pour donner bonne conscience à l’institution et pacifier le parcours des élèves les plus perturbateurs ou est-ce l’amorce d’un authentique questionnement sur la pédagogie du collège unique et ses pratiques éducatives ? Centrées dans la période 1984/1991 sur les élèves, ces classes vont répondre entre 1991 et 1998 au souci d’un certain nombre d’établissements de réagir à la violence en se débarrassant des jeunes les plus agressifs. Il faudra le début de leur institutionnalisation, qui date de la circulaire de 1998, pour que les orientations soient reprécisées : accueillir des élèves en voie de déscolarisation (ou déjà déscolarisés), complètement démotivés par l’apprentissage des savoirs et tenter de les réconcilier tant avec la vie scolaire qu’avec la vie de groupe. Le label qui a ainsi été officialisé se décline toutefois avec une grande souplesse. Sur le terrain, la classe relais peut être gérée au sein du même collège par l’équipe enseignante, soupape permettant à des élèves d’être pris en charge sur quelques jours, d’une façon individualisée. Elle peut aussi fonctionner à temps plein, sur plusieurs mois, avec une équipe composée d’un instituteur spécialisé (souvent issu de SEGPA) et d’un éducateur spécialisé (souvent de la PJJ). L’accueil peut se faire dans les locaux scolaires ou hors les murs et le départ être assuré par retour progressif dans l’établissement d’origine ou inscription dans un autre collège ... Mais les auteurs ne se sont pas contentés d’une simple étude bien documentée. Ils l’ont enrichie d’analyses percutantes. Ils rappèlent ainsi que les difficultés vécues par les jeunes les plus en difficulté ne font qu’amplifier un malaise que rencontre une majorité d’élèves : vivre l’école avant tout comme un lieu de rencontre avec leurs pairs au détriment de la transmission des savoirs qui est perçue comme un parcours d’obstacles éminemment ennuyeux. Ce qui caractérise bien l’enseignement actuel, c’est la tentative de perpétuer des formes scolaires immuables et de répondre à un objectif de normalisation : rendre l’enfant conforme et l’amener à se soumettre et à obéir aux normes. Tout autre, est pour les auteurs, la normativité qui propose au sujet de s’approprier les règles à partir de l’évaluation de ce qu’elles ont de nécessaires et pertinentes. Si « il faut être » caractérise la première approche, « je dois être » définit bien la seconde, proche de l’éthique. Tant que l’enseignement restera normatif et ne tendra pas vers la normativité, les élèves continueront à être étranger aux finalités du savoir, concluent-ils.
Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°677 ■ 11/09/2003