Les pièges de la mixité scolaire

Michel FIZE, Presse de la renaissance, 2003, 274 p.

L’école va mal. Sont fréquemment mis en accusation des savoirs trop abstraits et indigestes, des programmes trop lourds, des rythmes trop élevés. A-t-on jamais pensé à mesurer les effets délétères de la mixité ? Question provocante s’il en est, tant la cohabitation des filles et des garçons semble s’imposer comme une évidence démocratique et égalitariste. Pourtant, à y regarder de plus près, la qualité des relations entre les deux sexes et l’efficacité des performances scolaires ne gagnent pas forcément au mélange des sexes. Ainsi, la mixité n’a pas permis depuis 40 ans que disparaisse le sexisme, ni la hiérarchisation de la virilité (considérée comme un attribut masculin) sur la sensibilité (attribuée traditionnellement aux femmes). Qui plus est, mélangés, les filles et les garçons mettent tout en œuvre pour garder leurs marques les uns par rapports aux autres, préserver leurs repères respectifs, réaffirmer leurs différences et élaborer des conduites spécifiques. Il n’est qu’à regarder comment se forment les groupes dans les cours d’école ou à la sortie des collèges : les voies de socialité se trouvent essentiellement entre pairs ! Quant aux résultats scolaires, si les filles, longtemps considérées comme seulement aptes à apprendre leur métier de femme au foyer, semblent avoir profité de l’émulation de la présence des garçons, il est démontré qu’elles obtiennent de meilleurs résultats quand elles se retrouvent seules, notamment dans les matières considérées comme masculines. Ainsi, ce lycée réservé aux filles, ouvert dans l’East Harlem qui obtient 100% de réussite au même examen de niveau qui emporte dans le reste de New York seulement 42%. Et pourtant, cet établissement est fréquenté à 90% par des élèves de familles n’ayant pas fait d’études. Et puis la réussite scolaire qui est nettement le privilège des filles par rapport aux garçons n’est-elle pas un facteur favorisant la violence masculine : la construction de leur personnalité s’appuyant sur la seconde à défaut de pouvoir s’appuyer sur la première... Est-ce à dire que la séparation des sexes à l’école serait devenue le nouveau paradigme de la réussite scolaire ? Entre le tout mixité et le tout séparation, l’auteur choisit la solution du panachage : mixité maintenue en primaire et au lycée, modulée au collège. Après tout, explique-t-il, la mixité n’est déjà pas respectée dans la plupart des filières techniques : si la section  littéraire regroupe 82,4% de filles, la section science et technique industrielle n’en compte plus que 7,6%, idem pour le travail social (97,6%) comparé à l’électricité (4,1%). Rompons donc avec l’idée reçue selon laquelle, la mixité serait spontanée et générale et acceptons de faire sortir cette question du tabou qui actuellement l’étouffe. S’il appartient au lecteur de trancher entre les arguments présentés par Michel Fize, reconnaissons à l’auteur son honnêteté (notamment quand il expose clairement l’hostilité des élèves, des enseignants et des parents à toute remise en cause de la mixité) et son talent à nous présenter les tenants et aboutissants de cette question.

 

Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°680  ■ 02/10/2003