Sous la direction de Laurence Lentin, 201 p.

L’association ATD -Quart Monde se bat depuis près de quarante ans aux côtés des familles les plus défavorisées à travers le monde. Créée en 1957 par le père Joseph Wresinski et les 250 familles du camp des sans-logis de Noisy-le-grand, cette O.N.G. a obtenu au cours des années une reconnaissance internationale tant auprès de l’ONU que de l’UNICEF, l’UNESCO ou du Conseil de l’Europe. Elle a réussi à instaurer le 17 Octobre comme journée mondiale du refus de la misère. Son action est avant tout celle de militants bénévoles qui agissent auprès des plus exclus, celles et ceux qui frappées par la plus extrême pauvreté se trouvent souvent privés de leurs droits fondamentaux. ATD-Quart Monde travaille notamment beaucoup avec les enfants pour favoriser leur éveil dès la naissance et accompagner leur progression scolaire.

Les Editions de l’Atelier en collaboration avec celles du Quart Monde ont proposé au cours du premier semestre 1995, dans la collection « des livres contre la misère » un ouvrage dont nous allons rendre compte à présent.

Non, l’échec scolaire des enfants issus des familles les plus pauvres n’est pas une fatalité. Car ces jeunes sont animés du même désir d’apprendre que les autres. C’est l’exclusion et la stigmatisation qui dans un engrenage terrifiant provoquent blocage et difficultés parfois insurmontables. Pourtant, les solutions existent pour aider à une évolution positive: individualisation des apprentissages au travers d’un dialogue qui s’adresse à la personne de l’enfant en particulier (ce qui permet l’émergence d’un langage authentique), reconnaissance de la famille dans son rôle de premier éducateur et des parents comme interlocuteurs valables, adhésion non jugeante de l’enseignant à ce que l’enfant vit dans son milieu, collaboration et non compétition entre le savoir et l’expérience acquis à l’école et ceux acquis dans sa famille etc ...

Ce sont ces méthodes qui ont permis de faire progresser d’une façon spectaculaire les six enfants pris en charge par un groupe de chercheurs en collaboration avec une équipe d’ATD-Quart Monde dans le cadre d’une recherche-action de douze mois. Il s’agissait alors  d’étudier l’acquisition du langage d’enfant d’âge maternel issu de famille vivant dans la grande pauvreté.  Le livre  écrit sous la direction de Laurence Lentin regroupe toute une série de contributions qui permettent de bien replacer le cadre de la recherche. On lira avec beaucoup d’intérêt la monographie d’une famille de  ce quart monde qui démontre -s’il en était besoin- l’inanité de ceux qui veulent renvoyer la responsabilité de la précarité et de l’exclusion à ceux qui en sont victimes. Mais la plus grande partie de l’ouvrage est constituée par un compte-rendu précis et détaillé de l’action menée auprès des six enfants: description minutieuse de la situation de départ de chacun et de son évolution au cours de l’année dans l’acquisition de ce langage qui semblait si difficile au départ.

Au-delà de cette recherche et des résultats expérimentaux, ce qui ressort le plus peut-être de cet ouvrage, c’est bien la profonde dignité et l’humanité intense de ces populations plongées dans la grande pauvreté.

Jacques Trémintin - LIEN SOCIAL ■ n°323 ■ 12/10/1995