Elèves “difficiles”, profs en difficulté

Marie-Thérèse AUGER et Christiane BOUCHARLAT, Chronique Sociale (7 rue du Plat 69002 Lyon), 1999, 129 p.

De 1880 à 1968, l’école a été un facteur essentiel de l’unité nationale, en diffusant largement les valeurs républicaines. Les établissements secondaires étaient alors tournés vers l’élite, favorisant l’écrit au détriment du technique et du professionnel. La démocratisation a créé l’illusion qu’on pouvait élargir massivement cet enseignement à des élèves ne possédant pas les codes nécessaires à son intégration. L’enseignement inadapté, la sélection permanente, une parole non prise en compte, un mépris intériorisé enferment un certain nombre d’élèves alors dans une situation de non réussite et d’échec qui les dévalorisent. Cela débouche sur des jeunes agités, contestataires, provocateurs, agressifs et des classes passives, bavardes et refusant de se mettre au travail. D’où ce malaise et ce sentiment de découragement, d’impuissance et d’inutilité ressentis par des enseignants qui ont perdu leur identité antérieure sans avoir pu intégrer des nouvelles missions claires et visibles. Il est vrai que leur formation les incite à privilégier l’élève non dans sa globalité, mais dans ses seuls aspects cognitifs et attitudes face au travail. D’où la tentation de réagir par le déni, par la fuite, ou encore par la tentation d’incriminer la responsabilité des élèves. Les auteurs évoquent ici toute une série de propositions permettant d’armer les enseignants face aux élèves les plus difficiles : porter sur eux un regard positif, sans s’arrêter sur leur agressivité, accueillir le groupe classe en établissant avec lui des règles permettant de sécuriser, structurer, socialiser et construire ensemble une relation basé non sur le pouvoir mais sur l’autorité (chacun étant alors auteur de soi-même), s’appuyer sur une pédagogie de la motivation, être à l’écoute de ses propres sentiments afin de mieux être à l’écoute des autres, apprendre à gérer les situations de conflit, savoir moduler selon les circonstances les attitudes possibles, et enfin travailler en équipe … Toutes choses qui ne font pas partie des habitudes a priori des enseignants, mais qui constituent un ensemble d’attitudes efficaces les orientant vers un accueil chaleureux, une présence physique tout en maintenant la distance, un respect des élèves dont les besoins doivent servir de base de départ de l’apprentissage des savoirs, une disponibilité de l’adulte et un encouragement de l’entraide. Il s’agit de redonner à l’école sa fonction définie ainsi par M. Gentzbittel : «  si l’école n’autorise plus la subversion, la facétie, la rébellion, elle ne remplit plus son contrat. Son contrat fondateur, c’est la formation de l’esprit critique … la plate soumission devrait être antinomique de la condition de l’élève. Etre élève et soumis, cela me paraît un naufrage. » (cité p.32)

 

Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°539 ■ 13/07/2000