Les lycéens décrocheurs : de l’impasse aux chemins de traverse

Collectif La Bouture, Chronique Sociale (7 rue du Plat 69002 Lyon), 1998, 305 p.

Les « décrocheurs » ne se situent pas à la  marge de la crise du système scolaire, mais à son épicentre. La démocratisation de l’école a permis qu’à 17 ans, 9 jeunes sur 10 soient encore scolarisés ou en apprentissage contre 5 sur 10 en 1970. Pour autant, l’exclusion se situe au sein même du lycée au travers d’un processus d’abandon progressif et de démobilisation envahissante qui touche un certain nombre d’élèves qui s’engagent dans un engrenage d’inattention, d’absentéisme et d’indiscipline. Trois facteurs peuvent permettre de comprendre ces mécanismes de désaffiliation. Ce sont d’abord les fonctionnements psychologiques de l’élève lui-même : inappétence à l’intégration des connaissances, à l’abstraction et à la démarche d’apprentissage liée à un vécu familial ou personnel spécifique. C’est ensuite le contexte socio-culturel : certains élèves ne disposent pas dans leur entourage d’interlocuteurs pouvant les aider à organiser leur travail et surtout à décoder des énoncés scolaires qui sont encore bien imprégnés d’une ambition élitiste et se trouvent par là même très éloignés de leur culture et de quotidien de vie. Enfin, il ne faut pas oublier l’institution dont l’offre scolaire se fige encore dans une approche encyclopédique bien éloignée de ce qui semblerait le mieux correspondre aux exigences de notre époque : développement des compétences d’action sur l’environnement, co-construction des cheminements dans lesquels le jeune est acteur de sa formation … Face à cette réalité quatre stratégies ont été mises en œuvre, chacune ayant ses avantages … et ses effets pervers. C’est d’abord, celle de l’action précoce et préventive (mais le risque réside bien dans la stigmatisation toujours possible des enfants ainsi repérés). C’est ensuite, l’intervention au moment de la rupture (mais n’est-ce pas alors trop tard ?) C’est encore, l’ouverture à une possibilité de retour dans le système scolaire (mais le vide social qui s’étend entre le départ et l’éventuelle réintégration n’est pas toujours facile à combler). Enfin, il y a l’écoute et l’accompagnement individuels (si cela peut résoudre des souffrances psychologiques, la problématique scolaire n’en est pas pour autant réglée). Ce n’est pas dans la recherche d’une solution universelle, mais dans la combinaison  des unes et des autres que se situe la meilleure perspective : aménager des lieux de médiation favorisant la communication et l’expression des difficultés des jeunes, reconstruire la volonté d’apprendre et la motivation, favoriser la possibilité de prendre des périodes sabbatiques tout en permettant ensuite la réintégration du système scolaire, tutorat, formation en alternance, auto-apprentissage, programmes individualisés… Ce dont il s’agit finalement c’est de donner du sens à une école qui en manque si cruellement.

 

Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°539 ■ 13/07/2000