Sanctions et discipline à l’école

Bernard DEFRANCE, Syros, 1999, 192 p.

Pour sa troisième réédition, l’ouvrage de Bernard Defrance n’a pas perdu de pertinence. L’actualité en fait même un propos des plus précurseurs. L’argumentation relève d’une logique implacable : « l’école fonctionne trop souvent dans l’injustice et le non-droit » (p.14) affirme l’auteur d’emblée. A l’heure où de plus en plus d’enseignants se plaignent de la violence qu’ils subissent n’est-ce pas paradoxale de placer l’école en situation d’accusée ? En réalité, il convient de revenir à la source de cette violence. La question de l’ordre et des punitions en cas de transgression des règles est essentielle dans la structuration de l’enfant et de l’adolescent dans son rapport à la loi. Or,  quel est le schéma disciplinaire qui prédomine à l’école sinon l’alternance entre la soumission et la domination ? Tous les pouvoirs sont concentrés entre les mains du seul professeur qui est amené à la fois à enseigner, à juger des résultats de son enseignement et à sanctionner en cas de transgression. Comment se départir du sentiment d’arbitraire et de confusion des pouvoirs quand la note sert non seulement pour évaluer des compétences (ce pour quoi elle est faite), mais aussi à normaliser des comportements ? Qui plus est, alors même qu’un principe de droit élémentaire veut que nul ne puisse être sanctionné pour des actes qui ne portent tort qu’à lui-même et que les textes officiels ont rappelé qu’« aucune sanction ne peut être infligée à un élève pour insuffisance de résultats » (arrêté du 26 janvier 1978), il est fréquent de voir infliger des punitions pour manque de travail. L’école, en privilégiant le savoir et l’effort au détriment de l’éducation à la citoyenneté ne fait que refléter la violence qui sévit dans le reste de la société. La revendication première n’est pas que cette institution devienne un lieu démocratique mais (et la nuance est de taille) un lieu d’apprentissage de la démocratie. « On sait qu’il n’y a de possibilité d’accès à la notion de loi et donc de véritable ’’autorité’’ qu’à partir du moment où la force et le droits sont distincts » (p.90) Et l’auteur de proposer un lieu où les élèves pourraient se faire entendre en cas de litige avec un professeur. Une instance de médiation permettrait alors de réguler les conflits au civil entre élèves et entre élèves et adultes. Un conseil de discipline siégeant régulièrement serait chargé quant à lui de gérer les infractions au « pénal » (non-respect du règlement). Il conviendrait en outre, d’associer bien plus largement adultes et jeunes à l’élaboration d’un règlement intérieur comportant clairement les règles de procédure et de recours évitant ainsi l’arbitraire et la toute-puissance des adultes. Mais, c’est là concevoir une école qui travaillerait à construire des citoyens et pas seulement des êtres instruits certes mais soumis et résignés.

 

Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°507  ■ 11/11/1999