La revanche scolaire. Des élèves multi redoublants devenus surdiplômés
BERGIER Bertrand et FRANCEQUIN Ginette, 2011, érès, 285 p.
Voilà une étude solide et bien documentée sur un sujet insolite : des élèves ayant redoublé au minimum deux fois entre la maternelle et la terminale et qui réussissent néanmoins à obtenir un diplôme de second cycle universitaire. Les monographies présentées ici auraient pu servir de prétexte à glorifier une école républicaine et démocratique permettant à tout un chacun d’arriver au sommet de la hiérarchie scolaire, du moment qu’il s’en donne la peine. Il n’en est rien. Les auteurs analysent au scalpel les mécanismes de ces promotions qui ne font que confirmer les principes de sélection sociale que l’on retrouve au cœur de l’école. Les enfants bien nés sont mieux équipés culturellement, économiquement et socialement pour faire face aux aléas scolaires et anticiper les obstacles. Alors que les ouvriers représentent encore 25,6 % de la population active, leurs enfants ne sont que 10 % chez les étudiants, leur destinée scolaire étant bien plus limitée à l’enseignement technique. Et s’il existe bien des voies secondaires et des passerelles (DAEU, Capacité en droit, Commission d’équivalence, Première d’adaptation, Maisons familiales rurales, Lycées autogérés), elles n’interviennent qu’à la marge, ne permettant qu’à un infime pourcentage d’étudiants de poursuivre ses études : ceux dont le capital est le plus en adéquation avec la culture scolaire dominante, dont l’étalon est et reste le degré de connaissance abstraites mobilisées. L’école ne combat pas, mais s’adapte aux divisions sociales. A travers la multiplicité des données agissantes qui ont permis à une poignée d’élèves redoublants de se hisser jusqu’aux sommets de l’université, les auteurs identifient toute une série de facteurs auxquels ils ont su résister, mais qui contribuent à stigmatiser le plus grand nombre. Pour contrer les effets d’une prophétie accablante proférée tant par la famille, que le corps enseignant sur l’échec programmé ; pour contrecarrer des notes dévalorisantes qui contribuent à convaincre l’élève de ses faibles capacités et à détériorer son estime de soi ; pour se relever de l’humiliation et de la honte produites par le mépris subi, il faut s’appuyer à la fois sur des ressources internes (retour critique sur soi, sur le milieu familial et sur son parcours scolaire) et sur des complicités au sein de l’institution (personnes ressources appuyant la démarche et investissant l’effort engagé). Mais, il faut aussi que le contexte sociétal (fort taux de chômage proportionnel au manque de qualification) favorise la croyance dans la rentabilité des études longues. Ce sont là quelques unes des conditions permettant que se mette en œuvre la revanche scolaire qui pour réussir à certains, n’en laisse pas moins la majorité dans l’échec.
Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°1075 ■ 20/09/2012