Éduquer après les attentats

MEIRIEU Philipe, Ed. ESF, 2016, 253p.

Les attentats se sont imposés comme une béance impensable au coeur de nos catégories de pensée habituelle. Parmi les causes possibles, certains ont pu évoquer l’échec de l’École républicaine. Philippe Meirieu le proclame avec force : la pédagogie et la démocratie, cela ne marche pas à tous les coups. Il faut défendre leur fragilité face à tous les dogmatismes et tous les totalitarismes. L’intégrisme et la radicalisation promettent la sécurité des certitudes et une identité où se lover, la protection d’un clan et l’inscription dans une histoire accessible, la réduction du monde et de l’autre à ce qu’on en décide et un dualisme rejetant toute altérité dans le mal absolu. Face à cette réification qui enkyste le sujet dans une vision totalisante, l’École doit dépasser plus que jamais l’horizon de « l’instruction pure ». L’éducation est une démarche globale où intervient une pluralité de registres que l’on ne peut isoler que de façon artificielle. L’École doit tout autant se méfier du modèle marchand valorisant l’urgence, l’utilitarisme et la rentabilité. Les valeurs de la République sont perverties, quand la productivité est préférée à la réflexion et l’individualisme concurrentiel à la coopération. Quant à l’aspiration d’un retour à l’autorité, elle s’oppose à l’idéal d’autonomie, de pensée critique et d’accès démocratique à la culture. Tout l’enjeu est de combattre la vision manichéenne du monde et de favoriser la lecture complexe des situations et des contradictions qui la traversent. L’apprentissage du débat et de l’échange contradictoire est à cet effet central. La pensée de l’enfant doit être structurée autour d’une reconnaissance de l’autre, de son argumentaire et de sa logique au point de se laisser éprouver par lui : convaincre sans vaincre, débattre sans exclure, rassembler sans brutaliser.

 

Jacques TrémintinLIEN SOCIAL ■ n°1212 ■ 07/09/2017