L’école à la ramasse. L’éducation nationale en faillite
FIZE Michel, Éd. L’Archipel 2019, 222 p.
Que l’on partage ou non l’avis de Michel Fize, on ne peut que rendre hommage au sérieux et à la structuration de sa démonstration qui plonge ses racines tant dans des statistiques actualisées que dans l’histoire de l’école. Pour autant, quelle mouche l’a donc piqué ? Le voilà, vent debout, à présenter le système scolaire comme « foutu », responsable d’une baisse de niveau des élèves et de la déperdition de la langue française, d’une délégitimation des enseignants et du règne de l’indiscipline, voire d’une violence omniprésente. C’est là un refrain connu, que l’on trouve plus souvent chez les « républicains » nostalgiques de l’école d’autrefois. Pourtant, rien de tel ici. Pour iconoclaste qu’il ait toujours été, ce sociologue ne se trompe pas de combat. Ce qu’il cible, c’est cette communauté autoritaire et hiérarchisée qui oppose des dominants (des maîtres sachants) aux dominés (des enfants ignorants), instrument de reproduction des distinctions sociales : réussite pour les enfants de l’élite et exclusion pour ceux des milieux les plus défavorisés. L’école ne cherche pas à rendre ses élèves intelligents et critiques, mais à former des individus conformistes et stéréotypés, des récitants et des re cracheurs des leçons dont ils ont été gavés. Les connaissances encyclopédiques qui encombrent la tête des élèves, sont le plus souvent superficielles et inutilisables, mal assimilées et très vite oubliées. Si la massification démocratique des années 1960 a démultiplié le nombre de titulaires du BAC (69% en 1970 contre 88,3 % en 2018), elle a aussi dévalorisé ce diplôme. Après avoir dressé un constat aussi accablant Michel Fize s’interroge : faut-il tenter de redresser la machine scolaire en faillite ou la liquider ? L’auteur esquisse ce qui pourrait être une autre école : celle où l’on n’apprend pas apprendre, mais à comprendre ; celle où s’articuleraient transmission et formation ; celle où se combineraient acquisition des savoirs et développement de l’esprit ; celle qui ferait la promotion d’être cultivés et de citoyens riches de valeurs du vivre ensemble. Cela implique une pédagogie active et participative, interactive et coopérative fondée sur la confiance, l’autonomie, le dialogue, la responsabilité, l’affectif et l’espoir. L’auteur finit, en se demandant : « peut-on modifier l’école, sans changer préalablement de société ? » Telle est bien la question !
Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°1278 ■ 01/09/2020