Service Médiation Pénale - Nantes (44)

Un service de médiation pénale en action

Quand on pénètre dans le nouveau palais de justice de Nantes, c’est toute la solennité de l’institution qui vous prend à la gorge : l’immeuble est monumental, les plaques de marbre noire qui le recouvrent du sol au plafond vous écrasent avant que la décision judiciaire ne s’impose à vous. Aux dires de certains justiciables, « on est déjà jugé avant de passer en jugement ». Plusieurs bureaux hébergent les services de médiation pénale. Y travaillent deux éducateurs spécialisés, un juriste et un officier de police judiciaire en retraite, pour un total de 2,4 postes équivalents temps plein. S’y succèdent les contrevenants dont les infractions auraient été, il y a encore quelques années, classées sans suite. Aujourd’hui, rappels à la loi, classements sous condition ou médiation pénale se succèdent  à raison de près de 1.200 réquisitions en 2000. Monsieur Dupont a été entendu par la gendarmerie. Une enquête auprès de France Télécom a permis de confirmer que c’était bien lui qui passait les mêmes communications téléphoniques malveillantes à une vieille dame. Le parquet a décidé de le convoquer pour un rappel à la loi. Le médiateur le reçoit et commence par lui lire les articles du code pénal le concernant : tout commence par les peines d’emprisonnement ou d’amende auxquelles il s’expose. Puis, vient le temps de la demande d’explication. Il ne s’agit pas de recueillir simplement une déclaration, comme peuvent le faire les services d’enquête judiciaire, mais de rentrer dans un dialogue permettant d’identifier certes les motivations, mais aussi les difficultés d’ordre personnel, social ou psychologique que peuvent traduire ces comportements. Cet échange permettra alors d’envisager d’éventuels relais vers des services sociaux ou médicaux. Ce n’est pas un contrôle, mais plutôt un accompagnement : chercher avec le mis en cause les outils permettant une gestion de ses difficultés. Le second volet de l’intervention concerne l’attitude adoptée à l’égard de la victime. Le degré de culpabilité permet-il à l’auteur de l’infraction de reconnaître les faits, de s’engager à ne plus les réitérer et peut-être à présenter des excuses ? Parfois, la réparation symbolique est exigée par le parquet : c’est le classement sous condition. Un compte-rendu de l’entretien est rédigé avec la personne qui la contresigne et en reçoit une photocopie. Ce document est ensuite adressé au parquet qui garde toute latitude quant à la suite donnée. Si la bonne volonté manifestée aboutit au classement de l’affaire, cette suite donnée n’est nullement une obligation. Si, au contraire, le rappel à la loi semble ne pas avoir d’impact, le magistrat est alors informé de l’échec prévisible de l’action engagée. Mais, la mesure étant destinée au primo-délinquants, la plupart du temps, elle porte ses fruits. Il n’est pas rare d’entendre certains mineurs concernés par un rappel à la loi exprimer leur soulagement du coup d’arrêt qu’a constitué leur convocation à la gendarmerie. Quand ils se retrouvent avec leurs parents devant le médiateur, c’est l’occasion de resituer la place et la responsabilité des uns et des autres. Ainsi de Jérôme, âgé de 17 ans, surpris en état d’alcoolisation sur sa mobylette. A la suite de la confrontation avec le médiateur, il rédige un courrier pour résumer ce qu’il a compris de ce qui s’est dit : « je m’engage à ne plus boire d’alcool lorsque je devrai prendre mon vélomoteur et ma voiture par la suite, à éviter de fréquenter les copains qui ne pensent qu’à boire de l’alcool, à essayer d’empêcher quelqu’un qui a bu de prendre le volant (...) Je demande qu’on m’aide si j’ai des problèmes, je ne veux pas devenir un assassin sur les routes ». Parfois, il apparaît que l’infraction justifie d’une procédure plus importante : c’est la médiation pénale. Ce terme générique désigne les mesures en direction des adultes et celles en direction des mineurs (on l’ appelle alors médiation-réparation ). La démarche consiste à organiser la rencontre entre le plaignant et l’auteur afin d’organiser la réparation du premier et d’organiser les modalités d’acquittement de la dette du second. Une altercation entre jeunes dégénère en bagarre. Le médiateur qui reçoit chacune des personnes concernées séparément, puis qui les réunit toutes, réussit à resituer les responsabilités des uns et des autres. Les agresseurs acceptent d’adresser une lettre d’excuses à la victime. « Cette affaire est entièrement de ma faute et je suis conscient de la douleur que j’ai pu causer (...) Ce qui me fait le plus mal, c’est d’avoir embêté une personne innocente » affirme Sandra. « L’intelligence de ma part a fait que ce jour là j’aurais du réfléchir avant d’agir » renchérit, par écrit, Tony. « Je demande à Olivier de bien vouloir accepter mes excuses pour l’avoir mis dans une situation inconfortable et assure qu’il n’y aura aucune représailles » s’engage de son côté Mickaël. L’écriture est ici libre. Elle est de l’initiative du médiateur, mais relève dans son contenu de la responsabilité des mis en cause. Un groupe de jeunes est interpellé un soir après avoir commis quelques dégâts dont le plus grave est d’être allé déféquer dans une piscine municipale. La médiation engagée aboutira à deux demi-journées consacrées à aider les agents municipaux à entretenir la piscine et au versement de 1000F au CCAS de la commune. Il arrive parfois que la rencontre soit évitée. Ainsi, cet ancien militaire pris d’un coup de folie, qui, n’arrivant pas à dormir, revêt son treillis, sort dans la rue et se met à crever tous les pneus de voiture qu’il rencontre. Quand la police prévenue arrive à sa hauteur, il se met au garde à vous, en criant « mission accomplie ». Hospitalisé, il est reçu par la suite par un médiateur et négocie la possibilité de rembourser sa dette (près de 40.000F), tout en restant dans l’anonymat, pour que son geste ne nuise ni à sa femme, ni à ses enfants.

On imagine que si une telle approche répond bien à certains conflits, elle se heurte aussi à des limites, notamment quand le mis en cause refuse de reconnaître ses responsabilités ou que la victime n’arrive pas à dépasser le contentieux. Elle nécessite que chacun de son côté ait le désir de faire un pas vers l’autre. De fait, le service de Médiation Pénale de Nantes obtient un taux de réussite de l’ordre de 68%. Le pourcentage le plus bas concerne les conflits familiaux (tels les non-présentations d’enfants) dont les échecs se montent à 50% des cas.

 
Contact : Service Médiation Pénale (dépendant de l’Association d’Action Educative) Tribunal de Grande Instance, quai François Mitterrand 44921 Nantes Cedex 9 , tél. : 02 51 17 97 38
 

Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°578 ■ 31/05/2001