Commerce-solidaire.com - Internet (49)

Un site Internet au service du tiers secteur

Le 27 avril 2001 une conférence de presse annonçait la création sur Internet d’une galerie marchande de l’économie solidaire. Lien Social a voulu en savoir plus. Il s’est rendu au coeur de l’Anjou, pour rencontrer les initiateurs et acteurs de cette expérience tout à fait innovante. Reportage.

Qu’y-a-t-il de commun entre un pauvre du tiers-monde et un pauvre de pays riche ? Patrick Valentin, Directeur général du CAT de la Gibaudière, dans la région d’Angers en est convaincu : « l’un et l’autre partagent ce besoin essentiel d’accéder à la dignité qui passe par la participation active aux conditions économiques de leur existence » Quand, dans les années 70, il passe dix semaines au contact de la misère de Calcutta, il vérifie que s’il est essentiel de distribuer de la nourriture pour assurer l’alimentation d’une population au bord de la famine, il est tout aussi important de permettre « à des gens qui sont écrasés par la recherche des moyens élémentaires de survie, de trouver l’investissement miminum pour ne plus seulement mendier, mais participer à l’organisation de leur vie quotidienne. » Cette conviction a traversé ses 25 ans d’expérience professionnelle au service des adultes handicapés et l’a incité à créer tout un tissu d’associations dont l’objectif reste le même : permettre à l’individu de se réapproprier sa dignité (association sportive, association d’hébergement, association intermédiaire ...). C’est dans cette dynamique que s’ébauche l’idée d’utiliser le commerce en ligne pour valoriser le tiers secteur.
 
 

Un maillon de l’économie solidaire

Patrick Valentin l’explique d’emblée : il s’inscrit dans la logique de l’économie solidaire : « c’est une autre logique qui est intermédiaire et équidistante entre la logique de la fonction publique et la logique commerciale. A la première nous empruntons l’objectif d’intérêt général, de la recherche de service public. A la seconde, une méthode de gestion basée sur la liberté d’action et l’initiative de terrain. Nous ne sommes pas là pour gagner de l’argent, mais pour gérer le mieux possible une oeuvre. » C’est au cours des échanges avec une association proche, « ECHOPPE », qui allie à la fois le développement local en Afrique (micro-prêts, aide à l’investissement ...) et la commercialisation en France de produits locaux (« Artisan du soleil »), que se profile le projet. Pourquoi ne pas offrir aux producteurs tant des pays pauvres que du travail protégé en France, un circuit de distribution pour des marchandises qui ont parfois du mal à trouver à se commercialiser et n’ont pas forcément vocation à se retrouver uniquement dans le circuit lucratif ? Pourquoi ne pas proposer aux consommateurs des marchandises dont les conditions de production respecteraient des règles éthiques strictes qui donneraient un contenu citoyen à leur acte d’achat ? Pourquoi ne pas utiliser, comme support privilégié de ces échanges, le commerce en ligne sur Internet, aujourd’hui en pleine expansion. Commerce-solidaire.com était né !
 Les choses, ici, sont claires : pas de place pour les entreprises privées à but lucratif. La charte qui a été élaborée est très explicite : seules sont acceptés les associations et sociétés qui « utilisent l’activité économique dans le but clairement identifié d’œuvrer pour un développement humain et social plus harmonieux. » Les bénéfices qui peuvent être issus de la vente des biens marchands doivent être réinvestis dans des actions permettant de financer l’insertion et le développement de personnes en situation de misère ou d’exclusion tant dans les pays en voie de développement qu’en France. L’association Commerce-solidaire.com se porte garant de l’appartenance de tous ses fournisseurs au mouvement de l’économie solidaire. Elle-même, s’engage à ne prendre comme marge bénéficiaire que ce qui lui permet de garantir le fonctionnement et la promotion du site. Aujourd’hui, cette marge n’est que de 30%, là où dans le commerce lucratif, elle se situe entre 100 et 250%. « Permettre aux pauvres franco-français et aux pauvres nord-sud de se rencontrer dans une logique résolument orientée contre l’inéquité dans les relations nationales et internationales » tel est l’objectif affiché par Patrick Valentin qui est devenu le tout nouveau Président de la nouvelle association.
 
 

Les partenaires

On les retrouve autant dans le travail protégé en France que dans l’artisanat des pays en développement.
Le CAT Saint Jean à Saint Brice (33) produit avec ses 60 salariés, des conserves de foie gras, de confit et de pâté, ainsi que du mobilier et abris de jardin.
Aprobois, atelier protégé situé dans la commune des Cars (87), qui emploie 14 personnes, fabrique du mobilier extérieur en bois (bac à fleurs, bancs, clayette...).
L’Association Pour l’Insertion des Handicapés Adultes gère 7 ateliers protégés sur le département du Lot et Garonne (195 travailleurs handicapés). Elle propose, entre autres, des tricycles adaptés aux Infirmes moteurs cérébraux.
Le CAT de la Rebellerie (49) comporte, quant à lui, une activité centrée sur l’exploitation de la vigne : 15 personnes  produisent un vin d’appellation d’origine contrôlée « Anjou village », « Anjou » et « Coteaux du layon ».
« Azimuts artisans du Népal » commercialisent en France des vêtements pour enfants, hommes et femmes (chemises, vestes, vareuses, pantalons, robes) fabriqués à partir de fibres naturelles sans aucun traitement chimique et selon des méthodes de tissage traditionnel. 10% des bénéfices retournent au Népal et permettent de financer une école recevant 40 enfants (dans un pays où l’instruction est payante). Les projets à l’avenir prévoient le soutien à une action qui propose des formations très concrètes et gratuites à des jeunes filles de milieu rural, leur permettant de devenir autonome.
Artisal a été créé en 1997 par l’Association de Solidarité avec les Peuples d’Amérique Latine qui cherche à montrer qu’un commerce équitable est non seulement souhaitable mais possible. Il diffuse des produits en provenance de groupements de producteurs paysans ou périurbains du Pérou, d’Equateur et du Mexique. Ces groupements investissent régulièrement dans des projets économiques et sociaux qui intéressent tout leur environnement (formation, santé, agriculture...).
Artisans du Soleil s’adresse tant aux petits producteurs du tiers monde qu’aux personnes sans emploi en France. Ils commercialisent des productions en provenance du Togo et du Bénin.
 
 

Commerce-solidaire.com : mode d’emploi

En composant l’adresse Internet de l’association, le client potentiel voit apparaître une page d’accueil  qui comporte en index, trois rubriques : les « Informations » (qui sommes-nous, magazine, coups de coeur...), les « Producteurs »  et les « Catégories ». Les produits proposés se trouvent dans ce dernier onglet : ils sont classés en allant de l’«  Alimentaire » à « Tissus », en passant par « Art de la table », « Bureau, papeterie », « Loisirs », « Mode, vêtement » et autres « Le coin des enfants » et « Produits d’entretien »... en tout, 13 regroupements. En cliquant sur l’un d’entre eux, apparaît la page de présentation des produits concernés : photo, caractéristiques, prix. Une icône (« panier ») permet de constituer la liste des achats souhaités. Ses emplettes finies, un récapitulatif est établi. Il suffit de valider pour qu’une facture pro forma soit proposée. Vous voulez payer en carte bancaire ? Un système sécurisé vous le permet. Vous préférerez un paiement par chèque ? Il suffit d’imprimer la facture et de l’adresser par la poste avec votre paiement. La livraison sera assurée sous quelques jours. Le site vient de s’équiper d’une nouvelle facilité : faire adresser directement un produit à une tierce personne (pratique par exemple, pour les cadeaux). L’association s’est donnée pour objectif de travailler à partir d’Internet. Cet outil apporte toute la souplesse que n’offre pas un support papier qui ne peut être réactualisé en temps réel. Pour favoriser la diffusion de son service, un catalogue est en train d’être mis au point. Mais, il s’agira surtout d’un moyen de présentation et de promotion, l’essentiel des échanges devant rester sur Internet. De même, pour l’empaquetage et la livraison qui est actuellement du ressort des fournisseurs. A terme, les marchandises seront stockées et expédiées à partir d’un lieu central, ce qui permettra de traiter les commandes avec plus d’homogénéité et ainsi, de mieux contrôler tant le colisage que les délais d’expéditions, en améliorant ainsi le service rendu.
Aujourd’hui, le site tourne avec 1.500 visites et 10 ventes par semaine pour un chiffre d’affaire de 20.000 F par mois. Pour permettre la survie de l’expérience, il lui faudrait atteindre 3 millions de Francs de ventes par an, soit un décuplement de son activité actuelle. Avec ses 600 produits disponibles et la centaine de nouvelles marchandises susceptibles d’être mises en ligne mensuellement à l’avenir, il y a là matière à développement.
Les travailleurs sociaux sont intéressés à double titre. D’abord au niveau professionnel : s’il n’a pas été difficile de démarcher les associations s’inscrivant dans la démarche du commerce solidaire (elles sont toutes, la plupart, regroupées dans des labels ou dans une plate-forme), il n’en va pas de même des milliers de CAT et d’ateliers protégés qui fonctionnent dans leur coin à bas bruit et qui pourraient être intéressés par le service proposé ici. Mais les travailleurs sociaux sont aussi concernés à titre privé. Certes, ils trouveront certainement moins cher, ailleurs. Mais peuvent-ils continuer à acheter dans certaines chaînes de magasin discount, ces produits au prix dérisoire, obtenus grâce à des heures de travail payées quelques dizaines de centimes, quand ce n’est pas le résultat du travail plus ou moins forcé d’enfants ? Nous, qui nous nous honorons de rechercher la justice et l’équité pour les populations que nous avons en charge, n’est-il pas temps de mettre en phase notre comportement de consommateur ? Mais, c’est là une question de philosophie de vie et de choix de société qui appartient à chacun... Reste le mot de la fin, que nous donnerons aux promoteurs de cette initiative originale : « Le site commerce-solidaire.com donne la possibilité au grand public de privilégier, dans ses achats de tous les jours, des produits différents. Des produits qui favorisent le développement des petits producteurs et artisans du sud, en leur garantissant une juste rémunération de leur travail.
Des produits qui soutiennent, en France, l'activité des entreprises d'insertion et de travail adapté, dont la mission est l'emploi des personnes défavorisées.
Ce site permet à chacun de devenir un "consom'acteur" en faveur d'une société plus juste, plus équitable, plus "solidaire". »

 
« Commerce-solidaire.com » a été créée à partir du partenariat de trois associations qui ont mis en commun leur savoir-faire dans le domaine du travail protégé et du commerce équitable :
▪     l’Association Angevine des Parents d’Adultes Inadaptés (AAPAI) qui gère 3 CAT,
▪     l’Association Insertion Sociale par le Travail Adapté (ISTA) qui gère 3 ateliers protégés,
▪     l’association ECHanges pour l’Organisation et la Promotion des Petits Entrepreneurs (ECHOPPE)
 L’activité de l’association est régie par une Charte dont le respect est imposé par les statuts.

Contacts et renseignements 

Adresse postale : 28 rue de la Gibaudière 49124 Saint Barthélemy d’Anjou
Tél. : 02 41 42 87 43 Fax : 02 41 43 57 56Mail : pdorand@commerce-solidaire.comSite Internet : Commerce-solidaire.com
  

Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°586 ■ 30/08/2001