Un dispositif de prévention précoce: le Relais parental
Quand un placement d’enfants intervient, on se demande souvent comment on aurait pu l’éviter. Mais il est trop tard. Les relais parentaux, eux y pensent avant.
Il arrive parfois qu’une famille soit confrontée à une difficulté majeure dans la relation à ses enfants: maladie ou hospitalisation d’un parent, horaire de travail très décalé, brutale montée de tension, difficulté psychologique passagère, indisponibilité d’un parent trop submergé par ses propres problèmes etc… Dans ces circonstances, le groupe familial élargi peut servir de relais, grands-parents, fratrie, oncles, tantes, cousins accueillant pour quelques jours les enfants, le temps que le problème soit résolu ou que l’orage passe. Cette communauté fortement affaiblie ne joue plus toujours ce rôle. Et puis, il y a le réseau des amis ou de voisins. Cela fonctionne aussi, parfois. Mais, chacun ayant ses propres soucis et les liens n’étant pas ceux du sang, le sens de la solidarité est moins fort. C’est alors l’impasse, aucune solution ne pouvant être trouvée. Si le parent doit s’absenter, les enfants sont laissés seuls, du moins quand ils ne sont pas trop petits. Si c’est la discorde qui domine, elle va s’aggraver, transformant les enfants en persécuteurs, chacune de leurs réactions étant vécue de façon de plus en plus insupportable. Le malaise se résorbera tant bien que mal ou perdurera, jusqu’à ce qu’une crise plus aiguë provoque un signalement et un placement en urgence. Dans tous les cas, c’est l’enfant qui subit les conséquences. Toute chose qui aurait pu être évitée si un relais ponctuel avait pu être réalisé. Il y a là un besoin auquel la société n’a, pendant longtemps, pas répondu. C’est en 1985, que se crée à Gennevilliers « passerelle 92 ». Son objectif est d’offrir un lieu d’accueil ouvert 24 heures sur 24, tout au long de l’année, à des enfants que leurs parents ne peuvent garder momentanément. La structure remporte tout de suite un vif succès, au point de rendre nécessaire la création d’une seconde maison en 1989 et d’un réseau de familles relais en 1991.Le Relais de Saint Nazaire
Très progressivement, la démarche va essaimer : Besançon, Montpellier, Nantes, Cherbourg … et Saint Nazaire, petite dernière à s’être vue doter de cette nouvelle structure proposée aux familles. Le Relais parental situé en plein centre ville, dans une vaste maison aux pièces larges et lumineuses, est composé de trois pièces de vie et de sept chambres (dont l’une au rez-de-chaussée est accessible en fauteuil roulant), avec une capacité d’accueil de 12 enfants âgés de 0 à 10 ans (12 ans en cas de fratrie). Pour bénéficier de ce service, il suffit de téléphoner. Un rendez-vous est proposé rapidement par la responsable du relais. L’exposé de la situation permettant de vérifier l’adéquation de la demande avec les missions de la structure, un contrat d’accueil est signé qui précise les modalités et la durée du séjour. La maison a été inaugurée le 26 mai 2009. Et pourtant, l’information diffusée par les assistantes sociales de secteur, les puéricultrices, le CMPP, le CAMPS et le service petite enfance de la mairie, entre autres ont déjà fait leur office, efficacement relayée par le bouche à oreille. C’est cette maman d’un petit garçon handicapé de 4 ans qui confie son bébé de 18 mois quelques heures, à chaque fois qu’elle doit se rendre aux différents rendez vous spécialisés pour son fils. C’est ce couple dont l’enfant atteint de troubles du comportement vit en famille d’accueil thérapeutique la semaine et qui demande à être soulagé certains week-ends, quand la cohabitation devient trop épuisante. Ce sont ces grands parents qui ont pris le relais de leur fille hospitalisée et qui ne peuvent assurer l’accueil de leurs petits enfants en continu et sollicitent l’accueil de leurs petits-enfants,pour quelques jours. C’est cette maman reprenant le travail après un congé maternité, l’assistante maternelle qu’elle a trouvée lui annonçant au bout de quelques jours qu’elle renonce à garder son enfant.Le quotidien
Le choix a été fait de pourvoir cet équipement de professionnels compétents. L’équipe est composée de huit personnels titulaires de diplômes du CAP petite enfance, d’éducateur de jeunes enfants, d’AMP, d’auxiliaire de puériculture, d’éducateur spécialisé, complété par une psychologue intervenant une journée par semaine. La vie s’organise autour d’une maîtresse de maison qui prépare les repas pris en commun. Les habitudes de vie des enfants sont préservées : ils continuent de fréquenter leur école, pratiquer leurs activités sportives. Même s’il est nécessaire à un moment donné d’organiser une séparation, le lien familial n’est jamais rompu, afin d’assurer à l’enfant un sentiment de sécurité dans un souci de continuité. Il ne s’agit pas d’un changement définitif, mais d’une parenthèse destinée à se refermer assez rapidement. C’est pourquoi les parents sont en contact permanent avec leurs enfants et l’équipe qui les encadrent. Ils peuvent même venir sur un temps ponctuel : donner un bain, passer dire bonjour. Sauf très rares cas d’urgence, une période d’adaptation est aménagée, permettrant à l’enfant de ne pas se sentir abandonné. Quand plusieurs séquences d’accueil se sont succédées, un bilan est proposé à la famille avec la responsable du relais, la psychologue et une des accueillantes référente : Comment se vivent les temps d’accueils de l’enfant au relais, comment les parents se saisissent ils de ces temps de séparation, quels sont les réajustements possibles dans la cellule familiale ? S’esquisse alors ce qui se rapproche du projet individualisé prévu par la loi 2002-2. On se situe là dans la banalité de la vie quotidienne, mais un ordinaire qui peut se transformer très vite en cauchemar. Autant dire qu’un tel service devient vite incontournable. Mais, nous ne sommes pas ici dans un dispositif direct de la protection de l’enfance.Mission et limite du relais
Le Relais parental n’a pas pour mission de prendre en charge les situations de danger. Il n’accueille pas d’enfants, après un signalement. Pas plus qu’il ne sert de relais à une famille d’accueil prenant des vacances ou à une maison d’enfant à caractère social cherchant un point de chute lors d’un week-end de fermeture. Même s’il entretient avec les services socio-éducatifs d’excellentes relations, le Relais parental n’accepte de demandes qu’en provenance directe des parents qui doivent être directement impliqués. Son action va bien au-delà d’une halte garderie ou d’une crèche, en raison de l’amplitude de l’âge ( de 0 à 10 ans ) et d’un accueil de nuit. Mais, il s’adresse aussi et surtout aux familles fragilisées par l’isolement social ou la solitude face à l’éducation d’un enfant. Cela va souvent au-delà du simple accueil. Certains parents, mis en confiance par la bienveillance et l’accueil chaleureux de l’équipe, ne mettent pas longtemps avant de livrer leurs angoisses et leurs difficultés. Même si la psychologue du service peut les recevoir, pour les écouter, les soutenir, et les orienter vers d’autres lieux, ce n’est pas le Relais parental qui va pouvoir leur répondre. Ils sont orientés vers les structures sociales du département. Le relais quant à lui reste centrée sur l’enfant. Pour autant, elle ne peut servir de relais dans la durée. Ainsi, cette jeune maman reçue récemment qui séjournant en CHRS demandait à être aidée à se séparer de son bébé qui dormait avec elle. Les accueils se sont ensuite poursuivis, à sa sortie du CHRS, car elle souhaitait protéger son enfant de ses fréquentations qu’elle estimait peu structurantes. Ces demandes réitérées ont amené l’équipe à cheminer avec elle sur un projet d’accueil séquentiel auprès d’une assistante familiale. Cela a pu se faire progressivement, en douceur, en pleine collaboration avec cette maman. Si une continuité peut donc s’instaurer, dans quelques cas, entre le Relais parental et la protection de l’enfance, ce n’est pas là la vocation essentielle de cette structure. Nous sommes là dans une action de prévention en amont d'une crise plus grave. Il s’agit d’aider les familles à faire face à des difficultés temporaires ou périodiques, justement pour éviter que cela ne dérive vers le placement des enfants et une séparation douloureuse.
Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°946 ■ 22/10/2009