Faut-il réformer les diplômes ?

S’il est un sujet qui agite le petit monde du social, depuis six mois, c’est bien celui de la ré ingénierie des diplômes du secteur. Conçu comme l’un des cinq thèmes à traiter par des Assises du travail social qui ne finissent pas d’être reportées de semestre en semestre, ce thème est devenu le premier sujet de préoccupation, celui dont on parle le plus. Fantasmes ou réalité, craintes ou espoirs, avancées ou régression … la refonte des formations provoque un débat passionné qui oppose des représentants institutionnels accusés de concocter cette réforme dans leur coin et des acteurs de terrain étudiants, formateurs et professionnels qui se mobilisent comme ils l’ont rarement fait, pour échanger et dialoguer autour de l’avenir de leurs métiers. Quelle drôle d’idée de vouloir regrouper l’ensemble du travail social sous un seul et même diplôme, par niveau ! Déjà, que le seul éducateur spécialisé -spécialisé en tout, donc en rien- est habilité à intervenir auprès du jeune délinquant comme du polyhandicapé, auprès d’un adulte sans domicile fixe comme d’une personne confronté à la toxicomanie, auprès d’un détenu comme d’un enfant atteint de handicap mental, d’une personne malvoyante comme de celle malentendante. Et là, on voudrait, en plus, lui faire intégrer les compétences d’un éducateur technique ou d’un éducateur de jeunes enfants (et réciproquement). Chacun de ces intervenants serait bien en peine, aujourd’hui, de remplacer son confrère, sauf à suivre sa formation. Y arrivera-t-il mieux, demain, quand il suivra un même cursus, rabouté d’une quelconque spécialisation ? Il faut n’avoir jamais pratiqué le travail social ou s’en être éloigné depuis fort longtemps, pour considérer que ces professionnels pourraient relever d’une même qualification. Mais, il serait bien présomptueux de prétendre réduire la question à l’aide de quelques arguments. Le sujet est complexe, comme le montre le débat croisé proposé dans ce dossier. D’un côté, Bruno Le Capitaine, Directeur général d’un institut de formation, l’ARIFTS, situé dans les Pays de Loire et qui est aussi membre du Conseil d’administration de l’UNAFORIS, la fédération des instituts de formation en travail social. De l’autre, Gabrielle Garrigues, éducatrice spécialisée et membre actif du collectif « Avenir Educs » au nom duquel, elle s’exprime ici et qui mobilise, aux quatre coins de la France, les énergies pour débattre de ce projet. Bruno Le Capitaine est résolument favorable à la réforme des diplômes. Gabrielle Garrigues y est farouchement opposée. L’un et l’autre ont accepté de répondre aux questions de Lien Social. Puis, chacun(e) a eu connaissance de l’entretien de son alter ego et a répondu à ses arguments. Mais, commençons par une petite chronologie permettant au lecteur de s’y retrouver dans la succession des évènements de ces derniers mois.

 

Jacques Trémintin - LIEN SOCIAL ■ n°1164 ■ 28/05/2015