Changement de paradigme
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dans Billets d'humeur
Le concours d’assistant socio-éducatif que j’ai passé, il y a près de trente ans, pour intégrer l’Aide sociale à l’enfance, se limitait à un oral. La seule préoccupation du jury fut de connaître ce que je mettrais en œuvre face à un groupe d’ados de quartier qui venaient de défrayer la chronique des faits divers. Le concours d’aujourd’hui est bien différent. L’écrit se compose d’un exercice classique de synthèse suivi de « propositions opérationnelles » relevant de la méthodologie de projet. Expliquer comment l’on mène un diagnostic. Prouver que l’on sait distinguer entre comité de pilotage et comité technique, porteur et chef de projet. Démontrer sa maîtrise des tableaux de bord et des méthodes d’évaluation. Quant à l’oral, il doit confirmer sa parfaite connaissance des différentes étapes de la décentralisation, de la clause de compétence générale, du statut de la fonction publique, du plan pluri annuel d’investissement de sa collectivité ou encore des différents types d’EPCI. Toutes choses dont on conviendra de l’importance pour gérer une famille en crise ! Savoir créer un lien de confiance pour entrer en relation ? On s’en fout ! Savoir se décaler et prendre des risques, dans la gestion de l’incertain des situations ? Sans importance ! Savoir déployer une écoute attentive et une observation vigilante permettant de décoder les signaux faibles autant que les manifestations spectaculaires, afin de réussir à trouver la réponse la plus adaptée ? Ce n’est pas le sujet ! Cette évolution est le symptôme d’un retournement radical : il ne semble plus qu’au sein d’un Conseil départemental, on attende d’un assistant socio-éducatif des compétences pour accompagner les populations les plus fragiles, mais de coordonner une action en se soumettant aux normes, d’animer un projet en suivant des protocoles, de piloter un partenariat en s’astreignant aux exigences technocratiques. Mutation majeure de notre cœur de métier qui change de nature. Avis aux amateurs !
Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°1288 ■ 02/02/2021