Passer de l’autre côté de la barrière
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dans Billets d'humeur
Quand on a accompagné plusieurs centaines d’enfants, il n’est pas rare de les rencontrer, quand ils sont devenus adultes. C’est d’ailleurs plutôt eux qui viennent vers leur ancien éducateur, le temps ayant changé leur physionomie … Il est pourtant des endroits bien improbables où on ne s’attend pas de les croiser. Ce jour-là, j’intervenais devant les nouvelles promotions d’étudiants réunies dans le grand amphi de cet institut de formation multi filière du social. A la pause, une jeune femme me rejoignit pour m’indiquer que je l’avais accompagnée, un temps. Avec son masque, je ne l’identifiai pas d’emblée. Quand elle le baissa un instant, j’hésitai encore. Ce n’est qu’au prononcé de son prénom, que tout s’éclaira. Quelques semaines plus tard, j’assurai la même intervention dans l’antenne du même organisme situé dans la ville voisine. Et là, même scénario : une jeune femme masquée vint se présenter à moi. Il fallut qu’elle me donne son prénom, pour que je la reconnaisse. L’une et l’autre étaient en première année de formation d’éducatrice spécialisée. Séquence nostalgie … Quelle place dans nos professions pour des anciens de l’ASE ? Déjà que j’avais été échaudé par les réticences de mon équipe, quand une étudiante ayant le malheur d’être la fille d’une famille d’accueil de notre délégation me sollicita pour un stage. Imaginez quand une autre stagiaire m’expliqua avoir été placée pendant plusieurs années dans une famille d’accueil avec qui je travaillais encore ! J’avais choisi, en accord avec elle, d’en n’informer personne. Ces deux stagiaires sont devenues depuis des professionnelles dont l’excellente n’est plus à démontrer. Un intervenant doit-il avoir dépassé sa propre problématique, pour être vraiment disponible à celle des usagers ? Et si le savoir expérientiel acquis était un atout, plutôt qu’un frein à la qualité de son implication ? Et puis, que celui ou celle qui n’a rien à réparer dans son histoire personnelle, en choisissant d’être travailleur social, lève le doigt !
Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°1311 ■ 15/02/2022