Qu’est-ce qui pousse une école de pensée à élever ses hypothèses au rang de dogmes ? L’illusion d’avoir découvert le Graal, parfois. La conviction de toucher à cette vérité qui, à l’image de la ligne d’horizon, s’éloigne quand on s’en approche, souvent. La volonté de réussir enfin à déchiffrer la réalité, toujours. La psychanalyse a divinisé certains de ses concepts parmi les plus abscons. La systémie n’échappe pas à cette règle. L’un de ses mentors, Guy Ausloss, est à l’origine de sentences constamment reprises. Commençons par : « une famille ne peut se poser que des problèmes qu’elle est capable de résoudre ». Toutes les familles ? Dans toutes les circonstances ? Rien ne lui échapperait donc jamais ? Puis, vient : « l’information pertinente est toujours celle qui vient de la famille et y retourne. » Aucun élément renvoyé par un observateur extérieur ne serait donc pertinent ? La famille possèderait donc seule la « Vérité » ? Enfin : « Les familles ont les compétences pour effectuer les changements dont elles ont besoin à condition qu’on leur laisse expérimenter leur auto-solution et qu’on active le processus qui les y autorise. » Seule la famille serait donc capable d’enclencher son propre changement, l’intervenant ayant pour seule fonction d’activer cette dynamique. On retrouve là l’héritage de la maïeutique de Socrate (« vous ne savez pas que vous savez ») reprise en son temps par Carl Rogers. Sauf qu’à l’origine, le philosophe grec préconisait la réminiscence de savoirs cachés issus de vies antérieures, preuve de l'immortalité de l'âme. La conviction d’une compétence naturelle et innée, au cœur d’une famille essentialisée relève du mystique ... Libérons-nous du fantasme voulant tout maîtriser de la compréhension d’autrui et abordons chaque situation dans sa complexité à chaque fois unique et singulière, plutôt que de l’enfermer dans des schémas rigides et figés. Plus que jamais : « la certitude est l’ennemi du changement » (Minucchin). 

Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°1310 ■ 01/02/2022