Entre anomie et rigorisme
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dans Billets d'humeur
Le foulard islamique que porte une femme serait un signe d’oppression en Iran et de liberté en France. Alors qu’à la fin des années 1960, des lycéennes peuvent enfin porter un pantalon, la robe leur étant imposée jusque-là, cinquante ans plus tard, d’autres revendiquent de couvrir leur chevelure décrétée impudique par leur religion. Sauf à conjuguer à l’envers le Discours de la servitude volontaire d’Etienne de la Boétie, on aura quand même du mal à démontrer que l’émancipation passe par un signe de subordination. On a aussi connu l’affaire les « crop-top ». Hors de ma vue ces nombrils féminins qu’ils laissent apparaître. Les femmes ne doivent plus se voir imposer une norme vestimentaire, entend-on en réaction. Et si, pour rétablir la parité, on interdisait à l’école ces tee-shirts masculins largement échancrés aux aisselles qui offrent une vue plongeante sur la poitrine ? Et puis, voilà ces amples tuniques portées par les filles (bayas) et les garçons (qamis), qui seraient le symbole d’une pudeur exigée par la religion islamique. Plus « progressiste », la journée de la jupe que des lycéens revêtent parfois, par solidarité avec leurs copines qui en ont marre de se faire siffler, quand elles en portent. Tyrannie de l’apparence pour certains, support à l’estime de soi pour d’autres, emblème du statut social pour d’autres encore, le vêtement est le support de notre culture et de la morale ambiante, des revendications d’appartenance et des idéologies contestées, de la liberté individuelle et des conventions du vivre ensemble. Si l’absence totale d’interdit dans l’accoutrement que chacun(e) adopte est à proscrire, au risque de voir les naturistes se balader nus dans le métro, le carcan identitaire imposé par une censure normative l’est tout autant. Reste à trouver la bonne position du curseur entre ces deux extrêmes, en répondant au cas par cas, ce qui relève de la soumission non librement consentie ou d’un choix éclairé. Quadrature du cercle !
Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°1330 ■ 03/01/2023