Choisir sa mort
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dans Billets d'humeur
Le débat est vif et sans concession de part et d’autre. D’un côté, les farouches opposants à toute forme d’euthanasie, de suicide assisté ou de la moindre possibilité de décider de sa fin de vie. De l’autre, les partisans du droit à mourir dans la dignité qui élèvent cette opportunité au rang d’ultime liberté. Les arguments des premiers sont sectaires et dogmatiques : ils sont persuadés de détenir la seule vérité qui vaille, considérant que toute abolition de l’interdit fondateur de se donner la mort signerait la fin de la civilisation. Les seconds acceptent que l’on puisse sacraliser la vie, au point d’estimer que d’aucune manière on puisse y attenter, même pour abréger les pires souffrances. Ce qu’ils réclament c’est que la possibilité soit donnée à chacun(e) d’entre nous de pouvoir prendre la décision qui lui convient. Se font face une infime minorité de l’opinion publique qui prétend imposer à toute la société sa conception de l’existence et de son issue fatale et l’écrasante majorité évoluant entre 90 et 96 % qui revendique que chacun(e) puisse choisir. Mais, pour qu’il soit possible de trancher, encore faut-il qu’une alternative existe. C’est le cas avec ces unités de soins palliatifs. Notre pays dispose de 152 unités et de 426 unités mobiles. Si beaucoup d’efforts ont été réalisés, leur nombre ayant triplé en vingt ans, on compte encore vingt-six départements qui en sont dépourvus, soit un hôpital sur quatre. Et deux patients sur trois qui pourraient y avoir recours n’en bénéficient pas, faute de moyens. En 2021, 4 316 lits d’hôpital ont encore disparu. Qui va nous faire croire que nos gouvernants qui dégradent, année après année, les conditions de soins pour les patients vivants vont se mobiliser pour ceux qui sont en train de mourir ? Dès lors, la petite musique que ne cessent de faire entendre les pourfendeurs de l’euthanasie prend une autre résonance : et si cette pratique venait prendre le relais d’un système de santé à bout de souffle ?
Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°1331 ■ 17/01/2023