Refuser le stigmate d’où qu’il vienne

Le mâle de l’espèce humaine a longtemps été chargé par ses différentes sociétés d’appartenance de la mission d’occuper le rôle du prédateur. C’est lui qui tue pour manger de la viande fraiche. C’est lui qui se bat pour défendre son territoire. C’est lui qui roule des muscles pour imposer sa domination. Il est difficile d’affirmer que cela a toujours été le cas, puisque les seules traces du fonctionnement social remontent à l’invention de l’écriture. Si elle a été inventée il y a de cela 3 300 ans, l’homo sapiens existe, quant à lui, depuis 300 000 ans. La répartition des rôles genrés n’est donc documentée que sur un peu plus d’1 % de son existence.

Il faut dire que depuis des millénaires, cela n’a guère changé. Il suffit d’écouter Miss Maggy, la chanson écrite par Renaud en 1985 qui rend hommage à la gente féminine, tout en expliquant sa haine de cette virilité qui abêtit, qui rend con et qui tue : « aucune femme sur la planète/N’s’ra jamais plus con que son frère ». Ce rejet de la masculinité s’en prend aux exploits et fiertés de tant de messieurs : « Lorsque le sport devient la guerre/Y’a pas de gonzesses, ou si peu / Dans les hordes des supporters / Ces fanatiques fous furieux / Abreuvés de haine et de bière /Déifiant les crétins en bleu / Insultant les salauds en vert » Et de continuer sur le même ton : « Femme je t’aime parce que / Une bagnole entre les pognes/ Tu n’deviens pas aussi con que/ Ces pauvres tarés qui se cognent / Pour un phare un peu amoché /Ou pour un doigt tendu bien haut /Y’en a qui vont jusqu’à flinguer/ Pour sauver leur autoradio » 

Si l’on s’en tient à l’actualité récente, on est loin d’être rassuré. Un mari qui invite 50 hommes (voire sans doute plus), à venir violer sa femme qu’il prend soin d’endormir à chaque fois. Des centaines d’enfants (voire sans doute plus) livrés aux viols et aux coups d’hommes d’église ou de laïcs aussi brutaux qu’eux. Un assistant familial de Loire Atlantique invitant son réseau pédocriminel à venir agresser sexuellement les enfants qui lui étaient confiés par l’ASE. On ne peut pas dire que cela s’arrange ! Sans compter cette mouvance masculiniste qui revendique la suprématie de l’homme, cultivant la virilité et incitant à préserver et amplifier une position dominante face aux femmes.

N'y aurait-il pas un risque à confier des prises en charge d’enfants ou de femmes à des professionnels hommes et ne faudrait-il pas en flécher la répartition en privilégiant pour ce type de public des intervenants de sexe féminin ? Cette précaution pourrait apparaître légitime, si elle ne venait pas enfermer nos représentations dans une essentialisations discriminante. Peut-on se libérer d’un fonctionnement patriarcal qui colle à la peau de tant d’hommes … mais aussi de femmes ? En chaque homme y aurait-il un violeur, ou un pédocriminel en puissance qui sommeille et serait prêt à se réveiller au moindre soubresaut de la pulsion d’agression qu’il ne peut, par nature, maîtriser ? Formuler de tels propos, c’est les invalider, tant une telle généralisation semble abusive.

Au final, renoncer à mettre un accompagnateur masculin au contact d’un enfant vulnérable ou d’une femme fragilisée, c’est passer à côté de toute possibilité de démontrer que chaque homme n’est pas prisonnier de cette endurance, de ce stoïcisme émotionnel et de cette posture de protection qui lui sont systématiquement attribués. Il peut aussi se montrer bienveillant, empathique et attentif aux autres, à l’écoute, patient et soutenant, qualités trop souvent identifiées comme féminines. Plus que jamais, ce n’est ni le genre, ni la couleur de la peau, pas plus que la nationalité ou la religion qui fait d’un homme un prédateur, mais l’éducation qu’il a reçue et l’imprégnation culturelle qui l’a formaté. C’est une construction qui n’est pas inéluctable et qui peut être déconstruite.