Dans les années 1980, certains ethnologues ont pu prétendre que toute condamnation par les occidentaux des mutilations sexuelles pratiquées dans quelques pays africains, sous la forme de l’infibulation et de l’excision, relevait de l’ethnocentrisme et du néo-colonialisme. La critique des autres cultures doit-elle être systématiquement identifiée à de la xénophobie ? Ne doit-on pas être prudent, quand une indignation au demeurant légitime, nous place en douteuse compagnie ? Difficile exercice que de tenir l’équilibre entre la récupération raciste et la banalisation d’actes inadmissibles. Deux faits divers récents peuvent permettre d’y voir un peu plus clair. Le 17 juin, devait se tenir à Prunelli-di-Finmorbu, gros bourg de Corse, la traditionnelle fête des écoles. Les institutrices avaient pris l’initiative d’apprendre à leurs élèves la chanson de John Lenon Imagine. Ce texte devait être chanté devant les familles en anglais, en français, en espagnol, en corse et … en arabe. Réactions de quelques parents d’élèves : graffitis racistes sur les murs et menaces de mort. La fête a été annulée. On ne peut que rester estomaquée par tant de bêtise ! Le 22 juin, le journal Sud Ouest rapporte qu’une épicerie bordelaise dont la propriétaire, convertie récemment à l’Islam et voilée de la tête aux pieds, a posé une affiche sur sa devanture, annonçant à sa clientèle qu’elle serait exclusivement ouverte aux frères les lundi, mardi, mercredi et vendredi et aux soeurs les samedi et dimanche. On ne peut que rester stupéfait face à une telle discrimination ouvertement annoncée. Faut-il réserver notre colère à la seule manifestation raciste survenue à Prunelli-di-Finmorbu et minimiser la manifestation de sexisme survenue à Bordeaux ? Ou faut-il combattre sur tous les fronts, en dénonçant toute pratique ou réaction irrespectueuse de la différence, qu’elle soit culturelle ou de genre ? Le lecteur fera son choix. J’ai fait le mien, en refusant toute indignation sélective.
 

Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°1168 ■ 03/09/2015