Un vieil indien explique à son petit fils que chacun de nous possède en lui deux loups qui se battent. Le premier loup représente la sérénité, l'amour et la gentillesse. Le second symbolise la peur, l'avidité et la haine. « Lequel de ces deux loups gagne ? », demande l'enfant. « Celui que l'on nourrit », lui répond le grand-père. Cette petite histoire de la tradition amérindienne illustre fort bien l’attitude des européens face aux réfugiés qui fuient la guerre, les massacres et la misère. Cette migration vient alimenter tant l’empathie, la solidarité et la fraternité que la part d’égoïsme, d’indifférence et de rejet de l’autre que recèle le coeur des habitants de notre continent. L’entraide est inhérente à l’espèce humaine. Sans elle, l’homo sapiens aurait disparu de la surface de la terre, depuis bien longtemps. Mais, l’égocentrisme est tout aussi présent. Entre le 2 et le 9 septembre, l’équilibre s’est inversé : l’approbation par les français de l’accueil des réfugiés est passé de 44 à 53 %. Combien de ces 47 % d’opposants ont des (arrières) grands parents parmi les 400.000 italiens s’installant dans notre pays dans les dernières décennies du XIX^ème, les 500.000 polonais qui les rejoignent dans les premières décennies du XX^ème siècle et les 465.000 espagnols fuyant la dictature franquiste venant trouver refuge en France ? On a oublié  avec quelle violence une partie de l’opinion publique et de la presse accusa alors ces « polacks », ces « ritals » et cette « tourbe carnassière » d’envahir notre pays et de menacer sa civilisation. Nous n’aurions prétendument pas les moyens d’accueillir toute la misère du monde ? Michel Rocard, l’auteur de cette citation trop souvent tronquée, rajoutait qu’il nous fallait en prendre notre part. Et la possibilité existe amplement, mais inégalement répartie : 10 % des plus riches du monde détiennent 86 % de la richesse mondiale alors que la moitié de la population mondiale ne dispose que de 0,5 % de cette richesse.

Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°1171 ■ 15/10/2015