Le choix
Le peuple français vient de vivre, dans sa chair et dans son sang, la pire des horreurs : un massacre aveugle destiné à le plonger dans la terreur. Par delà la tétanisation, ce traumatisme terrifiant nous conduit, une fois de plus, à la croisée des chemins : choisir le repli sur soi ou persévérer dans l’ouverture à l’autre. Le sentiment d’être une cible possible pour n’importe quel fondamentaliste armé d’une kalachnikov peut provoquer un violent réflexe de rejet de l’étranger, comme ultime protection contre l’agression. Mais, elle peut aussi nous donner envie de partager avec les esprits libres présents dans toutes les nations ces valeurs universelles qui, dans toutes les cultures, s’opposent au sectarisme et au fanatisme. On peut désigner l’islam comme source de tous les maux, en dénonçant ce qui dans ses écrits encourage à la haine d’autrui. Mais on peut aussi se rappeler que toute idéologie, croyance ou conviction, quelles qu’elles soient, véhiculent potentiellement le poison de l’intolérance, et que tout esprit faible peut porter le fer contre le renégat, l’apostat ou le félon accusé de trahir la seule vérité révélée. On peut stigmatiser le réfugié comme le cheval de Troie de terroristes et décider de fermer encore plus nos frontières. Mais, on peut aussi commencer à accueillir ces populations, après avoir enfin réussi à comprendre que ce n’est pas une seule nuit de cauchemar qu’elles ont vécue, mais des centaines, et ce depuis des années. Épuisées et désespérées, elles fuient, tout simplement par peur d’être les prochaines victimes. On peut se limiter à accuser ces kamikazes d’être des tarés, des fanatiques et des criminels, ce qu’ils sont effectivement. Mais, on peut aussi essayer de s’interroger sur ce qui les a poussés dans les bras des intégrismes. Et, parmi les très nombreuses raisons, on ne pourra faire l’économie d’incriminer le racisme, la ségrégation sociale et la discrimination auxquels a été soumise toute une jeunesse, depuis des décennies.
Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°1174 ■ 26/11/2015