Thorgeir Benjaminsen, Norvégien de 20 ans, a été arrêté par la police en état d'ivresse. Jusque là rien de très inattendu. L’originalité, c’est qu’il circulait sur son fauteuil roulant motorisé. Pour éviter un trottoir encombré de neige, il était passé sur la chaussée qui, elle, avait été déblayée. Cet incident a provoqué les protestations de la Fédération norvégienne des personnes handicapées, pour qui les individus en fauteuil roulant étant assimilés à des piétons, ces poursuites étaient illégales. Ce fait divers pose une problématique qui va bien au-delà de la seule sécurité routière ou de l’interprétation du droit. Les personnes avec handicap sont-elles avant tout citoyennes, avant d’être atteintes d’une déficience ? Ou bien leur fragilité leur donne-t-elle un statut incitant à une quelconque mansuétude ? Le risque de les infantiliser, en en faisant des sous-citoyens, nécessite de réaffirmer qu’elles relèvent du droit commun, dès lors où elles bénéficient effectivement de la compensation due par la société. Circuler alcoolisé sur la route est dangereux. Mais, le jeune homme y serait-il descendu si le trottoir avait été déneigé ? Jean-Luc Simon, président l’Année Européenne des Personnes handicapées organisée en 2003, et lui-même atteint de handicap physique, revendiquait dans un colloque son désir d’être traité comme les autres. Et d’évoquer l’incident survenu dans un supermarché, alors qu’ayant buté avec les cale-pieds de son fauteuil dans les chevilles de la personne qui le précédait à la caisse, cette dernière s’était dans un premier temps retournée furibonde. Constatant qu’elle avait à faire à un homme en fauteuil roulant, elle se confondit en excuses : « j’aurais tant aimé qu’elle m’engueule, comme n’importe qui d’autre ». A peine avait-il terminé son propos, que son portable se mit à sonner. Il fut alors copieusement sifflé par la salle. D’abord surpris, il remercia l’assemblée, l’incident se terminant par un éclat de rire général.

 

Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°1133 ■ 23/01/2014