Axel, vient toquer à la fenêtre de son ancien éducateur, arrêté à un feux : il lui annonce qu’il vient de signer un contrat en CDI, dans une entreprise de travaux publics. Bernard, qui l’avait croisé quelques mois plus tôt dans un vide grenier, lui avait expliqué avoir trouvé du travail, en fixe, dans une entreprise de mécanique. Cédric, qui le rencontre peu de temps après devant le foyer de jeunes travailleurs, l’informe avoir été recruté en emploi d’avenir au service des espaces verts de sa commune. Pourtant, rien ne laissait présupposer un tel dénouement pour ces trois adolescents, suivis durant des années et perdus de vue après qu’ils aient refusé un contrat jeune majeur. Axel fit péniblement le premier trimestre de sa 4ème, avant de décrocher et de refuser toute forme de rescolarisation, restant oisif au domicile familial. Bernard avait mené à bien l’intention affichée, après son exclusion de Maison familiale rurale, d’attendre ses dix huit ans, pour chercher du travail. Cédric, enfant d’une relation imposée à sa mère, par son grand-père, restera torturé par cette filiation incestueuse au point de mettre en échec placements successifs et projet professionnel. Des heures passées à tenter de les raisonner, de l’énergie consacrée à les accompagner dans une multitude de démarches, des échanges longs et fastidieux pour les remobiliser, rien ne semblait avoir servi à grand chose. Et puis, les voilà bien engagés dans leur vie d’adulte, donnant tort aux mises en garde inlassablement serinées de leur éducateur sur un avenir bien compromis, s’ils ne se ressaisissaient pas. Que s’est-il donc passé pour que ceux-là s’en sortent, quand tant d’autres échouent ? Le travail éducatif n’explique pas tout. Sinon, il aurait sensiblement le même effet sur tous. Quelle pulsion de vie leur a permis de dépasser leurs difficultés ? Énigme de la nature humaine qui n’en finira jamais d’étonner. Quelle fabuleuse capacité à rebondir possède l’être humain.

Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°1132 ■ 09/01/2014