Routine

Nous connaissons tous ces décisions intervenues, il y a des années, et qui s’imposent toujours, sans que personne ne réussisse à en expliquer la raison, ni à en retrouver la justification initiale. C’est comme cela, c’est tout. Et puis, il suffit d’un regard neuf, pour venir déranger le train-train habituel. C’est la réflexion du remplaçant, du nouveau collègue ou mieux encore du stagiaire -qui garde ce privilège de poser des questions dérangeantes- qui s’avère parfois bien utile. Dans cette MAS, Lucien n’est pas autorisé à consommer de café avec les autres résidents, à la fin du repas. Cela fait longtemps que l’interdiction pèse sur lui, provoquant sa frustration. Il lui arrive de profiter que l’éducateur aie le dos tourné, pour se précipiter sur la cafetière, se servir une tasse et de la boire très vite, au risque de se brûler. Une nouvelle venue dans l’équipe interroge en réunion la cause de cette décision. Tout le monde se regarde. Personne ne réussit à apporter ne serait-ce qu’un début de réponse. La référente s’engage à rechercher dans le dossier de Lucien d’éventuelles indications. A la réunion suivante, elle explique avoir trouvé dans un rapport, dont personne n’a gardé le souvenir, que Lucien avait vomi après avoir consommé du café. L’équipe avait alors établi un rapport de cause à effet. Il fut décidé de l’autoriser à nouveau à en consommer, pour voir. Depuis, Lucien prend son café chaque midi, en fin de repas, comme les autres résidents. Il n’a jamais vomi.

 

Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°1131 ■ 19/12/2013