L’arbre et la forêt

« Les enfants, non brimés, non dégoûtés, ont naturellement envie d'apprendre », affirmaient-ils. « Considérer d'emblée les jeunes comme des personnes à part entière, à traiter sur un plan égalitaire » revendiquaient-il1. S’inspirant de Freinet, de Decroly ou de Dewey, ils avaient eu l’idée géniale de proposer une école de la vie à un équipage composé d’enfants âgés de dix à quatorze ans, navigant sur les mers du monde, pendant huit mois. Mais, le rêve s’est transformé en cauchemar. L’utopie s’est changée en tyrannie. L’émancipation a laissé place à l’assujettissement. Inutile de reprendre ici les détails glauques et insoutenables rapportés par les victimes venus témoigner, quarante ans après, au procès de leurs agresseurs. Qu’il suffise de dire que ces mômes ont servi de chair fraîche à des adultes ne pensant qu’à épancher leurs pulsions sexuelles pédoclastes2. Le massacre de ces innocences est abject. Mais que ces actes aient été accomplis au nom de pédagogies visant à l’épanouissement de l’enfant l’est tout autant. Léonide Kameneff, le gourou de « L’École en bateau » vient d’être condamné à douze ans de réclusion criminelle. Deux de ses co-équipiers à cinq et six ans. Mais, c’est bien la perversité qui est sanctionnée, celle qui peut s’instiller partout, y compris dans les milieux libertaires. Et pas la pédagogie de « l’école nouvelle », ni le support éducatif de la navigation qui continuent l’un et l’autre à être utilisés avec succès.


1 - Propos repris du site http://www.ecole-en-bateau.net encore consultable sur internet
2 - Du grec paîs (« enfant ») et klastos (« briser »)

 

Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°1101 ■ 11/04/2013