Le métier de l’éducateur spécialisé consiste à accompagner dans la proximité des enfants souffrant d’autisme, de troubles du comportements ou victimes de maltraitance, des adultes atteints de handicap, vivant dans la rue, ou confrontés à la toxicomanie etc. Depuis quelques années, de nouvelles fonctions lui sont proposées, relevant des compétences d’un chef de projet : référent du projet individualisé ou coordinateur du projet pour l’enfant. Son rôle ? Articuler les membres d’une équipe pluridisciplinaire, animer l’interface entre les partenaires, ajuster les objectifs et moyens en les adaptant aux évolutions constatées. Noble fonction s’il en est, à une époque où le réseau et le partenariat se démultiplient et où la coordination permet d’éviter que la diversité des intervenants se traduise en cacophonie. Pourtant, tou(te)s ne s’y retrouvent pas. Telle étudiante éduc’ remarque amèrement qu’elle ne s’est pas engagée dans cette formation pour faire de la coordination. Tel professionnel, en recherche d’emploi, refuse un poste dont le profil précise qu’il s’agit d’assurer « la cohérence des actions et la cohésion des professionnels dans la mise en œuvre des projets de vie des résidents. » Tel éducateur préfère aller travailler ailleurs, car le recrutement massif de moniteurs éducateurs le contraint, de fait, à occuper une place de « faisant fonction » de chef d’équipe. Quelles raisons peuvent donc conduire ces collègues à réagir ainsi ? S’ils ont fait le choix de cette profession, c’est pour être en contact avec les personnes accompagnées, se confronter à leurs difficultés et participer directement à leurs progrès. La relation, ils veulent la vivre en direct, non à distance. La rencontre, ils veulent l’éprouver, non se contenter du récit qui peut leur en être fait. L’échange d’humanité, ils veulent l’expérimenter personnellement, non par procuration. En un mot comme en cent, ils ne veulent pas renoncer à ce qui, à leurs yeux, constitue leur cœur de métier.

Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°1182 ■ 31/03/2016