Le 31 décembre 2015, un éducateur spécialisé travaillant en internat passe la soirée avec les quelques jeunes non accueillis dans leur famille. A minuit, il les emmène prendre un bain de mer initiatique, marquant ainsi la mort (d’une année) et la renaissance (d’une autre). Pour cela, il a récupéré des combinaisons de plongée, afin d’éviter tout choc thermique. Certains lecteurs ne pourront s’empêcher de poser bien des questions. Le professionnel a-t-il obtenu l’accord préalable de l’autorité parentale ? A-t-il prévu une annexe au projet pour l’enfant ? A-t-il adressé une demande d’autorisation à la mairie du lieu de la baignade ? A-t-il le diplôme de surveillant de baignade ? A-t-il bien rédigé les objectifs généraux de cette action, en les distinguant des objectifs intermédiaires et des objectifs opérationnels ? A-t-il contacté les assurances ? A-t-il obtenu l’aval du chef de service, du directeur, du directeur général, du Président de l’association, du référent du service gardien, du chef du service de protection de l’enfance, du directeur du service enfance famille, du Président du Conseil départemental ? A-t-il prévenu les pompiers du risque pris ? A-t-il prévu une équipe sanitaire de la croix rouge, au cas où il y aurait un malaise ? A-t-il, a-t-il, a-t-il ? Je l’ignore... Pour les plus légalistes d’entre nous, ce collègue a fait preuve d’une bonne dose d’inconscience. Sans doute. Il s’est montré irresponsable, en confrontant des mineurs placés sous sa protection à un danger potentiel. Certes. Il a pris des initiatives inconsidérées mettant en cause la sécurité. Sûrement. Mais, quelle audace ! Dans une société shootée au principe de précaution, aseptisée par la crainte du contentieux, allergique à tout prise risque, il a jaugé ce qu’il estimait devoir et pouvoir faire. En partageant avec des ados les mêmes sensations, les mêmes émotions et les mêmes appréhensions, notre collègue a célébré ce qui est au fondement de notre profession : le « vivre avec ».

Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°1185 ■ 12/05/2016