A propos de la maltraitance

En tant que Directeur de CVL, nous sommes responsables des enfants qui nous sont confiés : ils doivent être nourris, logés dans de bonnes conditions. Mais nous avons aussi un devoir de protection à leur égard. Leur sécurité doit être garantie à l’intérieur du centre. Mais, nous sommes aussi concernés par ce qu’ils peuvent vivre à l’extérieur. Parmi les atteintes qui le menacent, il y a la maltraitance.

Il n’est pas toujours facile de repérer ce qui relève de la maltraitance et ce qui n’en relève pas. La définition que l’on peut en donner varie avec le temps et l’espace. Ainsi en France, les châtiments corporels sont interdits à l’école depuis1887 ! Il y a moins de 10 ans que cette pratique a fini par être proscrite en Angleterre. Dans un pays comme la Suède, c’est la claque qui est  légalement interdite.

Peuvent néanmoins être considérés comme maltraitance à enfant tout acte ou toute ambiance qui entravent non seulement son évolution psychoaffective et son développement, mais aussi qui le font souffrir inutilement.

La réalité ainsi repérée est très vaste. Elle met en cause  les atteintes spectaculaires et voyantes. Mais elle concerne aussi celles plus courantes et plus banales qui peuvent tout autant miner et déstructurer la personnalité de l’enfant. Ainsi ne parle-t-on ici uniquement des mauvais traitements physiques. Il s’agit aussi des négligences graves, des carences de soin, des carences affectives, des sévices psychologiques et moraux ...      

           

Il est important de savoir que l’enfant qui subit la maltraitance ne va pas forcément s’en plaindre. Cela peut arriver qu’il l’intériorise au point parfois de relayer ses bourreaux. Un adulte opprimé peut haïr ses tourmenteurs. Un enfant maltraité par ses parents ne leur reste pas moins attaché. Par amour pour eux, il va refouler ses affects (colère, vengeance, ...) et justifier les cruautés dont il est victime en se culpabilisant. C’est lui le fautif. Il identifie l’injustice qu’il subit comme des mesures salutaires prise pour son propre bien. Le risque est grand dès lors de le voir transformer la colère contre ses parents qu’il refoule et s’interdit en colère contre d’autres êtres (violence, cruauté, délinquance, ...) voire même contre soi-même (toxicomanie, suicide, ...). A l’âge adulte, il pourra  reproduire contre ses propres enfants les humiliations et souffrances dont il a été lui-même victime, ultime preuve qu’il se donne de la justesse de l’attitude de ses propres parents. La reproduction transgénérationnelle de cette maltraitance ne pourra s’interrompre qu’à partir du moment où l’enfant (y compris à l’âge adulte) identifiera l’attitude de ses parents à une conception néfaste et nuisible.

Mais les familles n’ont pas le monopole de la maltraitance. Cela peut arriver aussi à l’école, dans un club de sport ou … au sein d’un CVL. Les violences vécues au sein des Institutions sont beaucoup plus difficilement dénoncées que celles dont se rendent coupables les familles. Là comme ailleurs, elles ne se résument pas à la simple claque qui part comme conséquence d’un énervement. C’est aussi le langage disqualifiant, le contrôle minutieux au point d’en être humiliant, l’arbitraire et l’excès d’interdits, les sanctions ne respectant pas la dignité de l’enfant, le non-respect de l’intimité ...

On peut toutefois, repérer des constantes à risque : personnel peu qualifié, directeur tout-puissant, équipe refermée sur elle-même, projet éducatif inexistant ou flou, résistance et inertie à tout changement, discours dévalorisant à l’égard des enfants, arbitraire des adultes, pédagogie noire considérant l’enfant comme un être avant tout à contraindre et à dresser ...

Le contre-poison serait alors: le respect du principe de transparence (existence d’un règlement avec des droits clairement énoncés et une identification des sanctions en cas de transgression), une large ouverture sur l’extérieur avec échange avec l’environnement proche, qualité des relations entre adultes et entre adultes et enfants (libre circulation de la parole et régulation des conflits) style de direction ouvert et démocratique laissant peu de place à l’arbitraire et à l’autoritarisme ...

                       

La famille joue un rôle d’humanisation pour le petit d’homme en l’inscrivant dans une généalogie et en lui apportant la confirmation affective qu’il compte pour l’autre à l’interface de l’individuel et du collectif. Mais en cas de défaillance partielle ou totale, les adultes ressources qui l’entourent peuvent servir de relais (famille élargie, réseau d’amis ...). Le Directeur peut être de ceux-là. Il a l’obligation légale sans oublier le devoir moral de veiller à la protection de l’enfant. Si son épanouissement lui semble compromis, il ne lui est pas possible de faire silence. Il doit tout mettre en œuvre pour vérifier l’existence d’un éventuel danger et de sortir l’enfant d’une situation de maltraitance si celle-ci se vérifie. La législation ne lui en laisse de toute façon pas le choix. En 1989, a été votée à l’unanimité une loi rendant obligatoire le signalement de tout mauvais traitement de mineurs de moins de 15 ans sous peine de 3 années d’emprisonnement et de 300.000 F d’amende (article 434-3 du code pénal). Placé devant la nécessité de signaler, le Directeur peut utiliser trois circuits : le Procureur de la république (ou ses services que sont la gendarmerie ou la Police Nationale), les services du Conseil Général (assistantes sociales de secteur) ou encore le Service National d’Accueil Téléphonique de l’Enfance Maltraitée (119).

 

 


Fiche pratique n° 1 : l’animateur et la maltraitance

Un enfant maltraité

Un enfant porte des traces de coups, apparaît manifestement négligé (vêtements, hygiène …), se comporte de façon agressive, utilise un vocabulaire inadapté pour son âge dans ses échanges avec les autres enfants ou dans une relation de provocation par rapport aux adultes. Il a tendance à se replier sur lui, à rester silencieux, à ne pas vouloir jouer avec les autres. Il a peur la nuit, fait des cauchemars ou encore refuse de se dévêtir.

Toutes ces indications ne sont pas toujours suffisantes en elles-mêmes. Ce sont néanmoins des signaux d’alerte qui doivent rendre vigilants.

Comment réagir ?

Une révélation de mauvais traitement envers un enfant est une situation douloureuse.

▪      Face à soi-même

Vous risquez :
-  de vous sentir déstabilisé, démuni, impuissant, paralysé, très seul,
-  d’être inquiet, perturbé, choqué,
-  ou même de revivre des souvenirs douloureux
N’ayez pas honte de vos émotions : on s’identifie facilement soit à l’enfant, soit aux parents. Sachez prendre du recul.

▪      Face à l’enfant

►       Ce qu’il ne faut pas faire :

-  Mettre en doute la parole de l’enfant : quelle que soit la situation, cette attitude est révélatrice d’un malaise.
-  Banaliser, voire minimiser son récit.
-  Penser qu’on n’y peut rien ou qu’il n’y a rien à faire.

►       Ce qu’il faut faire :

-  L’écouter, le laisser parler,
-  Respecter son silence s’il ne veut pas parler,
-  Le rassurer, le déculpabiliser, le valoriser,
-  Dans le cas de suites, lui expliquer ce qui va se passer.
▪      Au sein de l’équipe
-  Ne pas rester seul face à ses doutes
-  En parler à l’équipe d’animation lors des réunions
-  Surtout transmettre l’information au directeur
▪      Face à la loi
- Se taire tombe sous le coup de la loi sur l’obligation de dénoncer les mauvais traitements à mineur de moins de 15 ans.
-  Prévenir l’assistante sociale du quartier où habite l’enfant.
-  Contacter Jeunesse et Sport.
-  Si personne ne veut réagir au sein de l’équipe, il est toujours possible de contacter le numéro vert du Service National d’Accueil Téléphonique de l’Enfance Maltraitée (119).

L’animateur maltraitant ?

Mais la maltraitance ne se limite pas au milieu familial. On peut la retrouver aussi dans les écoles, les clubs sportifs ainsi que dans l’attitude de l’animateur. Cela peut se manifester sous forme d’actes physiques (donner des coups de pied, des claques, tirer les cheveux, etc …) mais aussi psychologique (négliger l’enfant, le persécuter, le brimer, l’humilier, le dévaloriser, le terroriser, ne pas respecter ses rythmes, exercer à son égard une autorité exagérée). C’est aussi parfois instaurer un climat ambigu : tentes et douches mixtes, langage et comportements déplacés, attouchement d’ordre sexuel, attentat à la pudeur …

 Il est important de fixer dès le départ des règles claires et des interdits en les expliquant et en les respectant soi-même. Les règles sont là pour préciser les limites, mais aussi pour garantir les droits de chacun.

Il doit s’établir une juste articulation entre le dialogue et la contrainte, entre l’appel à la raison et le conditionnement.

Fiche réalisée en collaboration avec la commission maltraitance des Francas des Pays de Loire

 

Jacques Trémintin – Mai 1998