Comptes-rendus
« Passe-muraille » 2
Un lieu pour être écouté
Les 25, 26 et 27 mars se sont déroulées à Vannes les rencontres nationales des lieux d’écoute et d’accueil pour adolescents. C’était la première fois que se retrouvaient ainsi les structures qui se sont mises en place aux quatre coins de l’hexagone depuis quelques années.
La première journée fut consacrée à des communications sur la notion-même d’adolescence: concept démontrant notre incapacité à assumer une période de la vie qui cristallise les difficultés du monde adulte pour Patrice Huerre, psychiatre, authentique génération sociale ayant sa propre culture pour le sociologue Michel Fize, les spécialistes ne sont pas vraiment d’accord.
La seconde journée fut l’occasion d’un face-à-face inattendu: un groupe d’ados sur la scène face à des intervenants (psychiatre, psycho-sociologue, psychologue avocate, proviseur). Dialogue difficile: chacun de son côté pour commencer puis progressivement les échanges purent s’établir.
Enfin, le troisième jour, advint la rencontre tant attendue entre les différents acteurs de ces expériences d’accueil.
Lieux pour ados
Ces lieux qui ont fleuri un peu partout sont à la fois innovants et originaux. Ils s’épanouissent à la périphérie des institutions et en marge du cadre habituel du travail social.
Le premier type de centres créés offre une écoute. Ainsi, en va-t-il de « SOS-aide aux jeunes » qui propose à Rennes depuis juillet 1994 une permanence téléphonique de 18H00 à 7H00 du matin. Les écoutants sont des jeunes, recrutés entre 18 et 30 ans. Ils sont bénévoles et assurent quatre heures d’activité par semaine. Ils reçoivent une formation de quatre mois. A Lyon, c’est le Comité Communal de Prévention de la Délinquance qui a installé depuis 1992 un numéro vert « Cap Ecoute». Ce service animé par des professionnels bénévoles: éducateurs, assistants de service social, infirmières, médecins, enseignants, psychologues assurent un relais aux ados mais aussi aux parents en difficulté. Le passage d’un numéro de téléphone ordinaire à un numéro vert a abouti à un décuplement des appels en l’espace de 6 mois.
Ailleurs, ce sont des lieux de rencontre qui sont proposés. Ainsi à Valence, la municipalité a ouvert le « Point-Relais-Oxygène ». Trois fois par semaine, une permanence offre une possibilité d’écoute, mais aussi d’accueil aux ados comme aux adultes. A Cachan, en région parisienne, c’est l’Accueil-Ecoute-Rencontre-Adolescence qui met à disposition des jeunes 3 psychologues employés à mi-temps. A Colmar, Sépia se consacre depuis 1994 à la prévention contre le suicide. L’association travaille beaucoup avec l’Education Nationale, privilégiant la sensibilisation des adultes-ressources déjà au contact des jeunes (enseignants, Conseillers d’Education, Infirmière ...).
Et puis, il y a les structures à caractère plus médical: Point-Info-Santé à Chateauroux, Sésame à Alençon tenu par deux accueillants de formation en santé mentale. St Brieuc, quant à elle, dispose à la fois d’un point d’accueil adolescent dépendant du Centre Médico-Psychologique et d’un Espace-adolescents au sein du service-pédiatrie où les jeunes peuvent téléphoner 24H/24.
Deux autres exemples enfin tout à fait originaux. Tout d’abord, le Point-Jeune de Lille qui fonctionne depuis 1983, 24H/24 et 7jours /7 ! Financé par le Conseil Général sur la base d’une convention pluri-annuelle, cette structure bénéficie en outre d’une franchise de 24 heures en accord avec le procureur de la République. Elle peut donc héberger un mineur et dispose d’une journée pour l’aider à faire le point avant d’avoir à le signaler à l’autorité judiciaire. Ensuite, sur Montpellier, le bus Info-Jeune, qui fonctionne sur la base d’un constat: puisque les jeunes en difficulté ne viennent pas vers les lieux d’écoute, ce sont les lieux d’écoute qui doivent venir vers eux. Un bus a donc été réaménagé: bar sans alcool, vidéo, panneaux d’information et même bureau permettant des entretiens en particulier.
Vers quelle éthique ?
Toutes ces expériences passionnantes représentent une alternative aux institutions en place. Ces petites structures permettent d’éviter les traditionnelles déperditions d’énergie et une authentique disponibilité à l’égard des jeunes. La question qui se pose, c’est bien celle de leur officialisation: faut-il un socle législatif pour leur donner une reconnaissance sociale ? Mais n’y a-t-il pas là un risque d’institutionnalisation avec tout ce que cela peut entraîner comme perte de dynamisme ? Ces pratiques nouvelles ne doivent pas être uniformisées. Elles doivent au contraire garder leur multiplicité et leur diversité. Pour autant, une éthique, sinon une charte s’avère nécessaire pour poser un cadre de référence minimum pour ces techniques d’écoute et d’accueil. C’est là, la condition pour éviter toute dérive ou commercialisation de ces lieux.
Un certain nombre de constantes sont déjà partagés par toutes ces structures. Il y a d’abord la garantie de l’anonymat. L’adolescent(e) qui est reçu n’a nul besoin de décliner son identité. Ensuite, il y a la confidentialité par rapport à ce qui va être dit. On se heurte toutefois à la limite des situations d’enfant en danger. Une révélation de maltraitance et/ou d’abus sexuel ne pourra être tenue secrète (sauf si l’adolescent(e) n’a pas laissé ses coordonnées). Encore la gratuité: entretien, visite médicale, conseils ou écoute ne peuvent donner lieu à aucune transaction financière (sauf toutefois, en cas de ligne téléphonique non équipée d’un numéro vert). Enfin le (ou la) jeune, en entrant, reste libre de sa parole et de la démarche qu’il a engagées. Cela implique qu’il (elle) peut interrompre l’entretien quand il le souhaite.
Quelle action face aux ados ?
L’adolescence comporte une dimension indicible. Les structures d’accueil et d’écoute ne sont pas là pour combler notre désir d’adulte de complétude et d’absolu. Elles n’ont pas pour fonction de répondre à nos angoisses face au passage des jeunes générations de l’âge d’enfant à l’âge d’homme. Nous devons admettre que ces jeunes puissent emprunter une voie que nous jugeons dangereuse et accepter que nous n’ayons pas réussi à les en dissuader. Ces dispositifs en direction des jeunes sont là non pas pour prendre en charge les adolescent(e)s en difficulté, mais bien plus pour les prendre en compte. Et, si nous cessions de vouloir les comprendre pour enfin mieux les écouter ?
Jacques Trémintin - LIEN SOCIAL ■ n°363 ■ 05/09/1996
Au cours du Colloque, quarante jeunes de 15 à 18 ans se sont produits devant les 800 participants. Leur spectacle a été réalisé par Mado Chatelain-Le Pennec. Mais le scénario, c’est bien eux qui l’ont conçu. Et ce à partir de leurs désirs, de leurs besoins et de ce (ceux) qui les pousse(nt) à bout. Voilà donc mis en (et sur) scène les difficultés des jeunes dans leur relation avec les adultes: professeurs, pions, parents ... L’originalité de ce travail, c’est bien sûr un groupe d’adolescent(e)s qui utilise le théâtre pour adresser un message sur ce qu’ils vivent. Mais c’est aussi l’interaction proposée aux spectateurs, invités lors d’une nouvelle présentation de certaines parties du spectacle à venir remplacer l’un ou l’autre des acteurs placés en situation difficile. L’objectif est bien alors de trouver une solution permettant de débloquer le problème. La spontanéité et la créativité tant des acteurs que des spectateurs ont assuré un vif succès à cette soirée qui a permis de donner un relief particulièrement intéressant à la question de l’adolescence.
Contacts: Mado Chatelain-Le Pennec: Le passage 56450 St Armel Tél.: 97-43-91-73