Trouver le bon mot

Régulièrement, la question sémantique revient au-devant de la scène : quel vocabulaire utiliser pour désigner le public auprès duquel nous intervenons ? Certains contestent le terme d’usager, au prétexte qu’il véhiculerait la notion d’usagé… alors qu’il signifie « utilisateur d’un service public ». Idem pour bénéficiaire critiqué parce qu’être au RSA ne serait pas un « bénéfice » … alors que si sa définition désigne bien une : « personne qui bénéficie d’un avantage et d’un privilège », elle ajoute aussi « d’un droit ». Certes, il y a ces départements qui ont changé le nom de leur « Maison des personnes handicapées » en « Maison de l'autonomie », plus positive. Effectivement, les personnes avec handicap sont parfois désignées comme « personnes autrement capables », leur potentiel étant privilégié sur leurs manques. Assurément, les terminologies psychiatriques n’ont cessé d’évoluer au rythme de leur utilisation par le registre de l’insulte (idiot, imbécile, arriéré, taré, triso…). Si un certain vocabulaire est symptomatique d’un mépris et d’une stigmatisation, croit-on vraiment que changer de lexique suffira à promouvoir le respect ? L’euphémisation a aussi ses limites. A l’image de la Belgique, qui remplace « jeunes délinquants » par « mineurs ayant commis des faits qualifiés infraction » ? Pourquoi pas « personne n’ayant pas vérifié le consentement de son partenaire » plutôt que « violeur », pendant qu’on y est ? Les personnes différentes revendiquent à la fois la commune humanité que nous partageons avec elles et leur diversité. Banaliser le vocabulaire les concernant favorise notre identification commune, mais nie leur spécificité. Utiliser une terminologie particulière peut tout autant les stigmatiser que reconnaître leur altérité. Bien des mots peuvent véhiculer tolérance ou rejet, bienveillance ou malveillance, humour ou humiliation. Tout dépend du ton, du contexte et de l’intentionnalité. Le plus souvent, les destinataires ne s’y trompent pas. 

 

Jacques TrémintinLIEN SOCIAL ■ n°1278 ■ 01/09/2020

« Bienvenue sur le site de Jacques Trémintin, travailleur social qui n’a cessé d’écrire. Référent à l’aide sociale à l’enfance de 1992 à 2020, partie prenante de Lien Social de 1995 à 2023, contributeur au Journal du droit des jeunes de 1995 à 2017, pigiste dans le Journal de l’animation depuis 1999… l’accompagnement des enfants et familles, le maniement de la plume ou du clavier, l’animation de colloques ou de formations répondent au même plaisir de transmettre. Ce que fait aussi ce site, dont le contenu est à libre disposition à une seule condition : savoir garder son esprit critique et ne rien considérer d'emblée comme vrai ! »

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