L’égalité des sexes

Agir pour l’égalité des sexes

Les relations entre les hommes et les femmes semblent constituer une pomme de discorde depuis les débuts de l’humanité. Malheureusement, si l’histoire a laissé quelques rares traces de rapports égalitaires, l’ère de l’oppression de ce que les chinois appellent la moitié du ciel, par la partie mâle de l’espèce s’est pendant très longtemps imposée. Alors qu’on pouvait croire que dans la seconde moitié du siècle dernier, l’évolution avait atteint un cours irréversible, on voit réapparaître des signes de régression. De quoi faire le point sur cette question sensible et d’une actualité constante.

Dans l’un de ses ouvrages (1), Elisabeth Badinter défend une théorie qui propose une synthèse de la guerre des sexes. Au cours des premiers millions d’années d’existence de notre espèce, explique-t-elle, se serait développée une complémentarité basée sur la nécessaire et vitale coopération pour la survie, les hommes chassant et les femmes assurant la cueillette (« l’un et l’autre »). Puis, se serait imposé un patriarcat de plus en plus brutal, la gente masculine écrasant toute velléité d’autonomie féminine (« l’un sans l’autre »). Ce régime se serait mis à se déliter à compter de la Révolution française, faisant advenir notre dynamique égalitaire actuelle qui ne serait toutefois pas tant basée sur le respect réciproque des différences, que sur une ressemblance et une fusion (« l’un est l’autre »). Que penser de cette trajectoire qui fait cheminer notre espèce d’une égalité imposée par les circonstances à une recherche d’harmonie basée sur la volonté de garantir une égale dignité, en passant par la plus longue des iniquités ? Il reviendra au lecteur de se faire son opinion, après avoir pris toute la mesure de la complexité de la question.

 

De la fin du matriarcat…

C’est le juriste suisse Johann Jacob Bachofen (1815-1887) qui, le premier, a émis l’hypothèse d’une préhistoire marquée un temps, par le pouvoir tant domestique que politique des femmes. Cette conviction, contestée et tombée en désuétude au début du XXème  siècle a repris de la vigueur dans les années 1970, avec l’essor du féminisme. Certains historiens contemporains comme Michel Rouche (2,) ont récemment repris cette idée, décrivant les débuts de la civilisation humaine comme dominée par le matriarcat. La division du travail qui avait réservé aux hommes la chasse, s’explique en partie sans doute par le simple fait qu’il n’est guère facile de courir après le gibier, quand on est enceinte ou qu’on allaite un bébé … Lorsqu’il y a environ dix mille ans, l’agriculture commença à être pratiquée, c’est sans doute les femmes, déjà coutumières de la cueillette, qui s’en occupèrent. De là, pourrait venir le prestige féminin et donc son pouvoir, le travail agricole permettant de stocker des réserves de nourriture en quantité jusqu’alors inconnue. C’est de cette époque que l’on retrouve les représentations artistiques de déesses aux formes rebondies, symbole de la fertilité. Tout part alors du ventre fécond de la mère qui est largement divinisée. Le mode d’organisation de la société est conçu autour des femmes. Ce sont bien ces dernières qui choisissent leurs époux. Ceux-ci se succédant ou cohabitant, la multiplicité des conjoints rend impossible l’identification du père. C’est donc l’oncle maternel à qui revient la tâche d’éduquer l’enfant qui naît. Le père n’est donc pas biologique, mais adoptif. La consanguinité domine ainsi que l’endogamie : l’inceste mère/fils n’est pas une exception mais une règle.

 

…au règne du patriarcat

Ce matriarcat initial s’éteint définitivement quand le patriarcat s’impose, aux environs de 900 avant notre ère. Il s’agit alors d’arracher l’enfant au ventre de sa mère, le père devenant le seul apte à le faire advenir à une naissance sociale. Une longue période s’instaure qui place la femme en situation d’infériorité et de soumission face à un homme tout puissant. Le paterfamilias s’impose et gardera longtemps droit de vie et de mort sur sa femme mais aussi sur ses enfants. C’est la religion chrétienne qui lui enlève cette prérogative au Vème siècle après JC, la remplaçant par le droit de « correction paternelle » qui, lui-même, ne s’éteindra qu’en ... 1935 ! Les sociétés traditionnelles ont longtemps été hiérarchisées, établissant une stricte distinction entre ce qui relevait de la femme (la sphère privée) et de l’homme (la sphère publique). Dans l’ancienne France (3), le mélange entre les hommes et les femmes était inconcevable. Le régime d’apartheid qui s’imposait alors, constituait un acte initial et initiatique. La révolution dont le point culminant est le parricide de Louis XVI marque le refus de la domination du père. Mais, ce rejet s’appuie alors encore, sur la suprématie du paradigme masculin. Le souverain est présenté comme incapable de sortir du gynécée et son pouvoir comme soumis aux femmes (au premier rang desquelles Marie Antoinette) dont l’essor dans la politique serait à l’origine de la décomposition monarchique. Les femmes qui participèrent activement au mouvement révolutionnaire verront d’ailleurs leurs clubs être dissous en 1793.

 

Le long chemin vers l’égalité

Napoléon résumait bien la conception dominant encore à cette époque : « la femme est donnée à l’homme pour qu’elle fasse des enfants. Elle est donc sa propriété comme l’arbre à fruits et celle du jardinier ». Le code civil qu’il impulsera en 1804, pose alors, comme principe, que la femme est mineure et entièrement sous la tutelle de ses parents, puis de son époux. Il faudra attendre 1944 pour qu’en France le droit de vote soit accordé aux femmes, 1970, pour qu’elles partagent l’autorité parentale venue remplacer la puissance paternelle, 1984 pour qu’elles soient réputées avoir les mêmes pouvoirs de décision que le père (d’où la persistance dans certains formulaires de l’expression « chef de famille »). L’émergence des femmes, en tant que citoyennes à part entière, est donc un évènement des plus récents, et l’inégalité entre les sexes est loin d’avoir disparu. C’est encore les femmes qui assument 80% du travail domestique et consacrent près de deux fois plus de temps que les hommes à garder les enfants. Mais ce sont les hommes qui occupent l’essentiel des positions de pouvoir, que ce soit à la tête des grandes entreprises (par exemple, dans le secteur des finances, elles n'occupent que 8.2% des postes de direction, 18,2 % des postes de gestion, et 27,2 % des emplois administratifs), ou des appareils d'Etat (18.06% des femmes au sein des institutions communautaires, 21,4% dans les parlements nationaux, 23,5% dans les gouvernements nationaux).

 

Quand le masculin se distingue du féminin

Nos sociétés, organisées sur les modèles du masculin et du féminin, ont engendré la nécessité individuelle et sociale pour chacun d’affirmer une identité sexuée. Ces rôles de sexe déterminent l’être, l’agir et le faire, autrement dit, comment chaque homme ou chaque femme doit être, se comporter et faire, pour être reconnu à une place et bénéficier d’un statut. Nos représentations implicites distinguent entre des qualités dites masculines (énergique, agressif, ambitieux, rationnel, bon en maths, sens technique…) et des qualités dites féminines  (sensible, compréhensive, sociable, bonne en lettres, peu de sens technique…). En fonction de son degré d’adhésion aux rôles assignés à son sexe biologique, la personne développera une identité sexuée plus ou moins en adéquation avec les normes de féminité ou de masculinité. Cela explique pourquoi l’on constate une séparation assez systématique entre hommes et femmes dans tout le corps social et une large division sexuelle tant à l’école qu’au travail. Ainsi, si la section littéraire regroupe 82,4% de filles, la section science et technique industrielle n’en compte plus que 7,6%. Si la coiffure est féminine à 99,7%, tout comme d’ailleurs le métier d’assistante sociale (et ce à 97,6%), on trouve par contre  95,9 % d’hommes dans les métiers de l’électricité. Sur 255 professions, 167 emploient 90% d’hommes. Quant aux femmes, 60% se retrouvent dans 6 métiers (99% de sages-femmes, 98,9% de puéricultrices, 98,2% de secrétaires...).

 

Stéréotypes sexués

Comment cette conformation se joue-t-elle ? Il est tout aussi invraisemblable d’imaginer qu’il existerait une prédisposition génétique que de prétendre qu’on est là dans une pure et exclusive détermination sociale. En fait, il est complexe de distinguer le biologique du culturel. A ceux qui arguent de la prédominance de l’hémisphère gauche du cerveau chez les femmes et de l’hémisphère droit chez les hommes, répondent ceux qui soulignent l’éducation quotidienne qui tend à favoriser sinon induire certains comportements distincts chez l’enfant mâle (agressivité, compétition, efficacité) et chez l’enfant femelle (altruisme, docilité, soumission) … Sans nier ce qui peut distinguer la nature féminine du tempérament masculin (à l’origine d’une agressivité inégalement répartie, l’on trouve à l’adolescence, un taux de testostérone huit à dix fois plus concentré chez le garçon que chez la fille, provoquant), les représentations que chacun(e) d’entre nous pouvons avoir des compétences respectives de chaque sexe jouent un rôle essentiel. Or ce sont justement ces convictions qui viennent légitimer les positions et rôles masculins et féminins en les faisant passer pour spontanés.  Nous allons illustrer le poids de ces images mentales à partir de deux stéréotypes d’ordre culturels très marqués qui ont très longtemps été naturalisés et présentés comme relevant du plus profond de chaque sexe .

 

Du propre de l’homme…

Du côté des hommes, le fondement le plus fort de leur masculinité est sans conteste, l’élaboration de la virilité. Celle-ci a pris au cours des siècles des formes très diverses. Si l’on remonte à la période post-révolutionnaire c’est tout d’abord, la conscription qui, malgré une large résistance (désertion massive), devient l’acte de distinction par essence entre l’homme véritable d’un côté et la femme, l’enfant et le vieillard, de l’autre. Qui plus est, le militaire couvert de blessure et de gloire apparaît comme le surmâle et le héros, par excellence : c’est la culture du corps souffrant. Le guerrier donne la mort là où la femme donne la vie. Jouer chaque jour son existence au combat devient le critère principal de l’honneur. Pour mesurer sa virilité, on se bat à tout propos. Puis, vient une autre référence : celle de l’idéal bourgeois qui valorise la prospérité et la réussite individuelle. La compétence supplante alors la naissance. Colères, irritations, chagrins n’ont plus droit de cité sur la scène publique et sont remplacés par la froide planification de l’homme d’affaire. Aujourd’hui encore, un homme, « un vrai », c’est celui qui souffre en silence, qui reçoit les coups sans se plaindre, qui encaisse les moments les plus durs de la vie, sans montrer ni partager ses émotions ou ses chagrins. Pour la gente masculine, l’art de subir et d’endurer sans perdre sa dignité confère une marque d’excellence, propre à le distinguer du sexe qu’il est convenu d’appeler « faible » parce qu’il se laisse aller aux émotions et aux sentiments.

 

… à la spécificité féminine

Du côté des femmes, une des marques les plus fortes de la féminité sera pendant longtemps attribuée au stéréotype de l’instinct maternel. L’altruisme des femmes et leur sacrifice naturel au profit de leur petit les prédisposeraient à une maternité automatique. Dans un ouvrage récent, Sarah Blaffer Hrdy (4), a dénoncé cette illusion naturaliste qui confond ce qui arrive parfois avec ce qui devrait toujours être. Le monde animal connaît des gardiens d’enfant des deux sexes, des nourrices trouvées dans la parenté et des crèches permettant de soulager les parents tout comme les couvaisons, l’approvisionnement ou même des gestations assurées par des mâles. Si, beaucoup de femelles lèchent leur bébé et avalent le sac amniotique, il n’existe pas chez les humains de tels comportements universels. Le maternage apparaît comme un mécanisme complexe qui n’est jamais totalement ni prédéterminé génétiquement, ni produit par le seul environnement. L’un et l’autre facteur s’entremêlent en permanence. Le processus d’attachement intervient dès les premières minutes après l’accouchement, par imprégnation de l’odeur maternelle. D’où l’importance d’un contact précoce pour être investi. Mais, chaque mère diffère dans l’investissement qu’elle porte à son enfant. Il n’y a pas d’instinct maternel, mais juste une adaptation liée à un ensemble de facteurs culturels et environementaux.

 

Des rôles parentaux réversibles

C’est bien le propos tenus lors d’un colloque consacré aux fonctions paternelle et maternelle, qui tendaient à démontrer que notre manière d’être homme ou femme, père ou mère dépendait de la façon dont nous avons rencontré, au sein même du fonctionnement de chacun de nos parents, le maternel et le paternel, le féminin et le masculin, alors que nous étions enfant, (5). C’est aussi le produit de ce bébé imaginaire que nous avons été dans l’esprit de nos parents et auquel ils nous ont confrontés, mais aussi celui que nous aurions voulu être. L’interaction entre cet imaginaire et ce que nous avons été s’est en outre, trouvée interpellée par tous les incidents de parcours (infertilité, insémination artificielle, fécondation in vitro, amniocentèse, échographie, naissance prématurée ou à risque). La qualité des soins que nous apportons à l‘enfant en tant que parents ou en tant que professionnel dépend aussi de la qualité de l’intégration de la bisexualité psychique qui est propre à chacun d’entre nous. En fait, l’enfant naît deux fois : la première en venant au monde du vivant, la deuxième en émergeant dans le monde humain, celui du langage et de la culture. Et c’est bien autant à cette deuxième naissance qu’à la première à laquelle procèdent les parents. Mais, pas forcément de la même manière. Etre maman, ce n’est pas seulement apporter des soins (cela une infirmière peut très bien l’accomplir), c’est aussi assurer la continuité de l’origine.

 

L’attitude maternante ou paternante

Le père quant à lui, en faisant limite et coupure, introduit de la différenciation. La psychanalyse a popularisé le concept de la triangulation. Dans la dyade fusionnelle que forment la mère et son bébé, il est nécessaire que soit introduit du tiers qui permette d’ouvrir l’enfant au monde extérieur et d’effectuer le nécessaire rappel à la loi. Mais rien n’oblige le père à jouer cette fonction qui peut tout autant être assuré par un beau-père, un grand-parent, un parrain ou une marraine. En fait, il est essentiel de ne pas confondre la fonction dévolue traditionnellement au père et à la mère et le sexe de la personne qui l’investit. Car ni le maternel, ni le paternel, ni le féminin, ni le masculin ne sont spécifiques à l’un ou à l’autre des deux sexes. Cela ne signifie pas qu’ils soient interchangeables. Mais cela ne veut pas non plus dire qu’il soient radicalement étrangers l’un à l’autre. Ils sont différents et complémentaires, sans que l’on puisse toujours figer les attributions toujours du côté des uns ou des autres.  Des études réalisées démontrent que dès lors que l’enfant repère bien cette place du parent qui joue dans son éducation, le rôle respectif de celui (ou celle)  qui est plus dans l’écoute, ou celui (ou celle) qui est plus dans le cadre, dans la protection ou dans la sanction, dans la congruence ou dans la sévérité, dans la consolation ou dans le reproche, l’équilibre est alors garanti. Chacune de ces attitudes peut traverser successivement chaque parent ou se fixer sur l’un ou sur l’autre au gré des caractères des uns et des autres. L’important est plus de trouver des parents acceptant d’endosser ces différents rôles que de savoir lequel adoptera l’un ou l’autre.

 

La part respective de masculin et de féminin en chacun(e) d’entre nous

Nous évoquions en introduction l’hypothèse d’Elisabeth Badinter, quant à la transformation de « l’un et l’autre » en « l’un est l’autre »… Finalement, nous en sommes arrivés à nous interroger sur l’existence parallèle et complémentaire de trois genres : aux côtés de la femme et de l’homme, n’y aurait-il pas une place pour l’androgyne ? Certaines théories affirment que l’être humain idéal est celui qui est en capacité d’adopter indifféremment des comportements féminin ou masculin en fonction des circonstances. En quelques sorte, un être capable de materner sa progéniture et dans l’heure qui suit de jouer un match de rugby ! Une étude permettrait de définir cette nouvelle catégorie androgyne dans une fourchette allant de 20 à 30% de la population : 36% chez les garçons et  29% chez les filles !

Mais, rien, absolument rien ne permet de considérer qu’un genre soit supérieur à un autre et de justifier qu’il puisse bénéficier d’une quelconque prérogative sur les autres. Ni l’histoire, ni la biologie, ni l’organisation sociale ne peuvent légitimer une quelconque ségrégation : la richesse de l’espèce humaine doit ouvrir sur l’ensemble des possibles et non à des configurations qui se limiteraient à quelques figures limitatives, surtout si celles-ci impliquent l’oppression d’une partie de l’humanité par une autre.

 
(1)      « L’un est l’autre » Elisabeth Badinter, Odile Jacob, 2002
(2)     « Sexualité, intimité et société sous le regard de l’histoire »Michel Rouche, CLD, 2002
(3)      « Le premier sexe- Mutations et crise de l’identité masculine » André Rauch, Hachette Littérature, 2000
(4)      « Les instincts maternels » Sarah Blaffer Hrdy, Payot, 2002
(5)      « Fonctions maternelle et paternelle » sous la direction de Georges Greiner, Dunod, 2000
(6)      « La différence des sexes, question de psychologie » M.C. Hurtig et M.F. Pichevin, Tierce, 1986
 
Lire interview Devreux Anne-Marie - Egalité des sexes

 

 

Jacques Trémintin – Journal de L’Animation  ■ n°65 ■ janv 2005

 

 

Matriarcat pas mort ?

Le pouvoir des femmes n’a pas complètement disparu avec le développement du patriarcat.  Certaines formes archaïques de matriarcat auraient perduré telles les cellules matrifocales des Antilles (grand-mère et mère constituant la base de la famille, l’homme n’étant là que pour “ensemencer” la femme) ou ces “mamas” dominant la famille italienne ... Mais le monde moderne aurait bien pu en réinventer d’autres. Ce sont ces 75% de divorce à l’initiative des femmes, ces 30% d’enfants qui ne revoient plus leur père après la séparation du couple parental, ces familles monoparentales qui placent la mère dans une multifonction (cumulant à la fois les tâches d’éducation, d’exercice d’un métier extérieur et d’énonciation de la loi) ou encore la féminisation massive des métiers en contact avec les enfants (enseignants, animateurs, éducateurs, juges …).

 

Inégalité face à la violence conjugale

En Europe, chaque semaine, on compte une femme tuée par son mari ou son concubin. Pour le Conseil de l'Europe, qui a réalisé l’étude qui le démontre, cette violence serait la principale cause de décès et d'invalidité avant le cancer, les accidents de la route et la guerre. En France, une autre étude évaluait, en 2001, à 1,35 million le nombre de femmes victimes. Le professeur Henrion qui a dirigé l’enquête auprès de 7.000 femmes, âgées de 20 à 59 ans, habitant la capitale et sa petite couronne, affirme que 10% d'entre elles ont subi des violences conjugales au cours des douze derniers mois (Parmi les victimes présentées dans le rapport, 30 % ont été poignardées, 30 % abattues par arme à feu, 20 % étranglées et 10 % rouées de coups jusqu'à la mort). Insultes, harcèlement moral, agressions physiques, viols, la liste est longue des sévices commis dans l'intimité des couples.

 

L’armée des pauvres de plus en plus au féminin

On évalue de six à huit millions, le nombre de femmes qui cumulent des formes de précarités professionnelles, juridiques, sociales, économiques ou psychiques. Plusieurs raisons à cela : elles représentent 60% des cinq millions de salariés engagés dans un emploi non qualifié et 80% de ceux qui sont payés au SMIC. Le temps partiel, qui est passé d’un million et demi d’actifs en 1980 à quatre millions en 2003 et est le plus souvent contraint, est à 82,5 % féminin. Les disparités de salaire entre les femmes et les hommes restent très importantes dans l'union Européenne, le salaire des femmes équivalent à 83% de celui des hommes. Les mères vivant seules avec leur(s) enfant(s) sont 24% à avoir moins de 600 € par mois. Il en va même jusqu’aux retraitées qui ne sont que 34% à percevoir un pension complète.

 

De Montaigne à Summers

Montaigne affirmait en son temps : « la plus utile et la plus honorable science à une femme, c’est la science du ménage » Le 14 janvier 2005, lors d’un discours, Lawrence Summers, Pprésident de l’université d’Harvard donnait les explications qui justifiaient à son avis la faible présence de femmes titulaires dans les matières scientifiques. Il avança trois raisons qu’il énonça par ordre décroissant d’importance : 1. les femmes font passer leurs obligations familiales avant les quatre-vingts heures de travail hebdomadaires pour réussir dans ces disciplines ; 2. elles sont moins nombreuses que les hommes à posséder les dons génétiques nécessaires ; 3. elles sont victimes de discrimination. Mais, Summers minimisa ce dernier point en spécifiant que si une femme de grand talent est rejetée par une université, il y a de grandes chances pour qu’un établissement concurrent la recrute.

 

 

 

Fiche n°1 : Les comportements éducatifs contre les discriminations de genre

Il est important que l’enfant reçoive à l’école, en CVL et à la maison des messages qui vont dans le même sens. Il choisit ses premiers modèles parmi les femmes et les hommes qui l’entourent.

Des attitudes qui privilégient des relations égalitaires entre filles et garçons 

- Accorder la même valeur au fait d’être fille ou garçon. Un sexe ne doit pas prévaloir sur l’autre.
- Encourager les filles et les garçons à développer leurs qualités, indépendamment du fait que ces qualités soient dites féminines ou masculines (exemple : la tendresse chez un garçon et la détermination chez une fille).
- Présenter les femmes et les hommes comme étant des personnes capables de belles réalisations tant dans leur vie personnelle que sur le marché du travail.
- Permettre aux enfants d’explorer toutes les facettes de leur personnalité en leur faisant essayer de nouvelles activités, en identifiant leurs habiletés, en valorisant leurs qualités…
- Apprécier des personnes de son propre sexe mais aussi de sexe différent (exemple : j’aime lire des histoires avec mon grand-père et m’occuper des animaux avec ma grand-mère).
- Permettre aux enfants de parler sans honte ni gêne de situations non traditionnelles (exemple : « ma mère est conductrice de bus, mon père est assistant social »).
- Permettre autant aux filles qu’aux garçons de s’exprimer ou d’affirmer leurs besoins lorsqu’ils se sentent lésés. Prendre le temps de les écouter.
- Régler les conflits de façon juste et respectueuse.

Les activités en CVL

Les activités faites en groupe poursuivront les objectifs suivants :

- Favoriser l’épanouissement de l’enfant, en lui proposant des modèles de femmes et d’hommes intéressants à imiter.
- Favoriser une appréciation positive de leur sexe : je suis fille ou garçon et je suis fier (ère) de l’être.
- Favoriser une appréciation positive des personnes de sexe différent.
- Favoriser des contacts entre filles et garçons qui se veulent respectueux, égalitaires, basés sur l’entraide et l’amitié.
- Augmenter chez l’enfant ses capacités à résoudre pacifiquement ses conflits avec les enfants de l’autre sexe.

Les activités pour la maison.

- Inviter votre enfant à faire une activité habituellement réservée aux enfants de l’autre sexe (cuisiner, jouer au football…). Enoncer les qualités dont il a fait preuve au cours de cette activité.
- Diversifier les petites tâches et responsabilités confiées aux enfants et inviter autant les garçons que les filles à y participer. Notez que jusqu’à 12-13 ans, les filles et les garçons ont les mêmes capacités physiques. Donc ne pas hésiter à alterner les tâches entre filles et garçons.
- Présenter des personnes de l’entourage qui ont accompli des choses peu ordinaires (parler d’une amie qui fait de la menuiserie ou encore d’une vieille tante qui a appris à conduire aussitôt que les voitures ont fait leur apparition, ou d’un vieil oncle qui faisait de bonnes crêpes à ses enfants tous les dimanches après-midi…).
- Inviter l’enfant à discuter de ses ami-e-s, filles ou garçons, de ce qu’il préfère chez l’un et chez l’autre, de leurs jeux préférés, du plaisir qu’il a à partager de bons moments avec eux.
- Lorsque l’on fait une activité avec l’enfant, ne pas hésitez à lui demander si une personne de sexe différent du votre (et aussi du sien) aurait pu faire cette même activité.
- Discuter avec l’enfant des métiers qu’il aimerait exercer plus tard. L’encourager à explorer une foule de possibilités.
- Lui demander parler des personnages qui retiennent son attention (dans une émission de télévision, un livre ou autre…). Une personne de sexe différent aurait-elle pu faire la même chose que ce personnage ?

(d’après www.lesptitsegaux.org)

 

 

Fiche n°2 : Répertoire d’activités visant la promotion de conduites non sexistes entre filles et garçons de 5 à 10 ans.

Ce répertoire est l’adaptation d’un programme québécois publié par la Direction de la santé publique de la Régie régionale de la santé et des services sociaux de Montréal-Centre en 1997. Il a été adapté pour la France, par la Mission départementale aux Droits des Femmes et à l’Egalité de Haute-Savoie. Sa version complète peut être téléchargée sur le site www.lesptitsegaux.org qui propose aussi de nombreuses données sur les inégalités entre les genres.

Nous présentons trois exemples de jeux parmi les quatorze proposés dans ce répertoire : ils sont l’occasion pour un groupe d’enfants d’échanger à partir de mise en situation qui leur sont soumises.

DES JEUX DE GARÇONS ET DES JEUX DE FILLES

Objectifs d’apprentissage
- Développer chez l’enfant une attitude respectueuse face aux préférences et aux habiletés des autres enfants.
- Développer le sens et le plaisir de l’amitié entre filles et garçons.

Mise en situation

« Enfin la récré ! se dit Arnaud, on a beaucoup travaillé ce matin et j’ai envie de m’amuser avec les copains ». Dans la cour, les filles de la classe commencent à jouer à l’élastique tandis que les garçons choisissent le basket. Arnaud se dirige vers les filles et leur demande : « Est-ce que je peux jouer avec vous ? ». Elles refusent parce qu’elles veulent être « juste entre filles ». Mais Arnaud n’est pas seul dans son cas. Il y a aussi Yasmina qui aurait aimé jouer au basket et les garçons lui ont répondu de la même façon. Arnaud et Yasmina décident de trouver une solution à leur problème. Ils veulent inventer un jeu tellement amusant que tout le monde voudra y participer. Ce jeu aura pour règle « qu’il faut que les filles et les garçons jouent ensemble » !

Demandez aux enfants :
- De citer les raisons invoquées par les enfants pour refuser à Yasmina et Arnaud de jouer avec eux.
- S’il leur arrive parfois de préférer être entre garçons seulement ou entre filles seulement (reconnaître qu’il est normal d’avoir cette préférence à l’occasion).
- S’il peut arriver qu’une fille ou un garçon ait envie de partager une activité choisie par des enfants qui ne sont pas de son sexe à elle ou à lui.
- D’essayer de se mettre à la place de Yasmina et d’Arnaud et d’identifier ce qu’ils ont pu ressentir lorsque les enfants ont refusé qu’ils se joignent à eux.
- Si les enfants de l’histoire ont été respectueux envers Arnaud et Yasmina en refusant de les accepter en raison de leur sexe.
- De donner leur opinion sur la solution trouvée par Arnaud et Yasmina. En auraient-ils une autre à proposer ?

LA COLONIE DE VACANCES

Objectifs d’apprentissage

Amener les enfants à considérer que les garçons tout autant que les filles peuvent exprimer leurs sentiments.

Mise en situation

Lucas part pour la première fois en colonie de vacances. Il est très impatient car il va enfin pouvoir découvrir la mer. Et puis, ce qui est vraiment chouette en colonie, c’est qu’on s’y fait plein d’ami-e-s : Nacéra grimpe aux arbres comme un écureuil, Clément est vraiment très fort pour construire de grands châteaux de sable, et Mathilde, qui est vraiment espiègle, n’arrête pas de mettre du sable dans les sacs. Clément est d’ailleurs drôlement fâché car son pain au chocolat est maintenant plein de sable et il ne peut plus le manger. Le soir, autour du feu, Lucas prend beaucoup de plaisir à chanter et à faire des jeux avec les moniteurs. Il y a à chaque fois de nouvelles histoires et des activités très amusantes. Mais ce que Lucas n’aime pas, c’est se retrouver le soir dans le noir sous la tente. Il fait très sombre la nuit dans les bois. Et puis il y a plein de bruits bizarres : Pffft ! Schruttt ! Mais qu’est-ce que c’est ? Peut-être un animal sauvage qui va l’attaquer ? Lucas a très peur. Il aimerait tant que ses parents soient là pour le prendre dans leurs bras et le rassurer ! A force d’avoir peur, Lucas se met à pleurer. Nacéra s’en rend compte et se moque de lui : « Poule mouillée, euh ! Poule mouillée, euh ! Un garçon, d’abord, ça doit pas avoir peur et ça doit pas pleurer ! ».

Demandez aux enfants :
- De se mettre à la place de Lucas et d’imaginer ce qu’il peut ressentir.
- De donner leur opinion à propos de Lucas qui a peur et qui pleure. A-t-il le droit d’avoir peur ? Est-il normal qu’il pleure, même s’il est un garçon ?
- De donner leur opinion à propos du commentaire « Poule mouillée, euh ! »
- S’il leur arrive à eux aussi d’avoir peur et envie de pleurer ? Dans quelles circonstances ? Le font-ils ?
Terminez l’activité en rassurant les enfants (garçons et filles) qu’il est normal d’avoir peur dans  certaines circonstances et qu’il est sain de pleurer.

KEN ET BARBIE
Objectifs d’apprentissage
- Amener les enfants à considérer que l’un et l’autre sexes ont les capacités de s’impliquer activement dans tous les aspects de la vie familiale (interchangeabilité des rôles).
- Amener les enfants à considérer qu’il y a plusieurs façons de partager les tâches à l’intérieur d’une même famille.
Première mise en situation
Barbie vient de se trouver un emploi et c’est Ken qui gardera les enfants. Barbie donne des conseils à Ken. Celui-ci lui répond de ne pas s’inquiéter car il est capable de prendre soin des enfants. Il se dit qu’il apprendra.
- Pourquoi Barbie donne-t-elle des conseils à Ken ? Est-ce qu’elle croit que Ken n’est pas capable de prendre soin des enfants ? D’après vous, est-ce que Ken en est capable ? Est-il normal que les papas s’occupent autant de leurs enfants que les mamans ?
- Est-ce que vous connaissez des papas qui restent à la maison pour s’occuper des enfants pendant que les mamans travaillent ? Est-ce que d’après vous les papas y arrivent ? Pourquoi certains ne peuvent pas ou ne veulent pas le faire?
Deuxième mise en situation
Un dimanche après-midi, Skipper rend visite à sa soeur. Elle trouve Barbie en train de lire sur le canapé pendant que Ken repasse le linge de la famille. Elle se dit: « Tiens, c’est bizarre ! Chez moi, c’est toujours maman qui repasse le linge. ».
- Comprenez-vous l’étonnement de Skipper ?
- Le plus souvent, qui repasse le linge à la maison ? Est-ce que vous connaissez des papas qui repassent ? Est-ce que d’après vous les papas y arrivent ? Pourquoi certains ne peuvent pas ou ne veulent pas le faire?

 

 

Bibliographie

►        « Mère et fils » Alain Braconnier, Odile Facob, 2005

On ne peut construire sa personnalité, explique l’auteur, que si l’on est reconnu par ses parents et en premier par sa mère. Dès la naissance, on trouve que son garçon est plus alerte et plus robuste, alors que sa fille lui apparaîtra plus douce, plus jolie, plus délicate ! Les bébés des deux sexes partagent pourtant les mêmes émotions. Mais ils ne les expriment pas de la même façon. Les garçons communiquent plus par des gestes et des cris que par des mots. Ainsi, pour calmer leurs angoisses, leur mère aura-t-elle plutôt tendance à les caresser, alors qu’elles choisiront de parler à leur bébé fille. Ces contacts physiques sont bienfaisants tant que l’enfant est, de par sa physiologie, immature. Mais, quand il grandit, ces touchers pourront provoquer colère et agressivité. Pour se sentir exister, un garçon utilise plus volontiers l’opposition que le charme. Ce qui n’est pas le cas de leurs mères qui sont toujours tentées d’associer la séduction avec l’autorité, ce mélange devant être manié avec précaution, trop de séduction pouvant détruire l’autorité et trop d’autorité annuler les effets de la séduction.  Car, ce qu’attend surtout un garçon, de sa mère, c’est un modèle féminin lui donnant envie de se tourner vers une autre femme.

►        « Comment être père aujourd’hui ? » Jean Le Camus, Odile Jacob, 2005

Longtemps despotique, fonctionnant sur un mode empreint de sévérité, de distance affective et de présence lointaine, le père traditionnel a vécu. Au modèle unique du père sévère duquel on n’attendait qu’une seule compétence (répondre au besoin d’autorité de l’enfant), a succédé bien des modalités différentes d’exercer cette fonction. Jean Le Camus nous en propose trois. C’est d’abord le « papa poule » qui adopte des comportements relevant traditionnellement de la mère : donner le biberon, le bain, changer la couche, câliner ... C’est ensuite le père libéré qui recherche avant tout dans la parentalité son propre accomplissement individuel. C’est enfin le père présent : investi, disponible, participant, consistant, responsable, conscient de sa fonction de parent masculin. Contrairement à ce que tentent vainement d’accréditer les nostalgiques du paterfamilias d’autrefois, ces nouveaux modèles, entre lesquels beaucoup de pères zigzaguent, ne sont pas responsables de l’enfant-roi tant décrié. Ce qui l’a fait émergé, c’est bien plutôt l’abandon, dans la relation parent/enfant, de l’asymétrie expert/novice (qui permet de donner des directives et d’interdire) que l’implication du père qui ne fait au contraire que renforcer les capacités relationnelles du petit d’homme.

►        « Les pièges de la mixité scolaire » Michel Fize, Presse de la renaissance, 2003

Miche Fize en tant que sociologue qui se respecte s’oppose ici à un idée reçue : la mixité scolaire serait par essence favorable aux filles comme au garçons. Au-delà de sa démonstration quant aux effets délétères induits pour des filles victimes de la violence des garçons et de leurs mauvaises influences dans la compétition scolaire, l’auteur dresse un tableau intéressant des rôles sexués que la mixité n’a pas permis de modifier. C’est par exemple ce sexisme qui se manifeste en tout premier lieu chez les enseignants (un garçon réussit grâce à ses capacités et échoue à cause de sa paresse, une fille réussit grâce à son travail et échoue du fait de ses inaptitudes). Mais aussi la hiérarchisation de la virilité (considérée comme un attribut masculin) sur la sensibilité (attribuée traditionnellement aux femmes) qui perdure. Qui plus est, mélangés, les filles et les garçons mettent tout en œuvre pour garder leurs marques les uns par rapports aux autres, préserver leurs repères respectifs, réaffirmer leurs différences et élaborer des conduites spécifiques. Il n’est qu’à regarder comment se forment les groupes dans les cours d’école ou à la sortie des collèges : les voies de la socialité se trouvent essentiellement entre pairs !