Enfants en danger et enfants dangereux

Peut-on placer un enfant uniquement parce que ses parents n’ont pas suffisamment de revenus, comme l’affirmait encore récemment ATD-Quart monde ? Quel est le pouvoir de la DASS ? Existe-t-il encore des maisons de correction ? La justice est-elle impuissante face aux jeunes délinquants ? Autant de questions qui traversent une opinion publique bien peu au fait du dispositif français de protection de l’enfance. Les professionnels de l’animation sont confrontés aux mêmes interrogations, notamment quand ils côtoient des mineurs bénéficiaires de mesures d’aide (placement en foyers éducatifs, mesures judiciaire, aide éducative en milieu ouvert, incarcération …) mais aussi des intervenants (juge des enfants, assistantes sociales, éducateurs spécialisés) qui ont la particularité de s’enfermer dans un jargon souvent bien hermétique !  D’où la difficulté pour eux, à bien se repérer sur les tenants et les aboutissants des procédures, alors même qu’ils ont leur place aux côtés des autres travailleurs sociaux dans la prise en charge des enfants et des jeunes les plus en souffrance.
L’occasion pour nous, ce mois-ci, de proposer une perception plus précise d’un système qui pour être parfois un peu complexe n’en est pas moins tout à fait compréhensible, pour peu qu’on se donne la peine d’entrer dans sa logique interne. C’est à ce voyage que nous convions le lecteur, en gageant qu’à la fin de la lecture de ce dossier, ce dispositif aura perdu pour lui, quelque peu de son mystère et de  sa nébulosité.
 

Enfants en danger

D’un enfant à l’autre

Face aux enfants et aux jeunes en difficulté, l’opinion publique a traditionnellement tendance à raisonner en termes un peu manichéens.
Il y aurait d’un côté les bons : ce sont les enfants maltraités qui subissent la violence des adultes et qui par là même méritent qu’on s’intéresse à leur sort. On aurait, non seulement le droit, mais le devoir de s’apitoyer sur le destin tragique qui les concerne, et de leur venir en aide.
Et puis, de l’autre côté, il y aurait les mauvais : ce sont les voyous, les sauvageons  qui sont responsables de l’insécurité, des nuisances, des incivilités. Ceux-là sont voués aux gémonies. On réclame pour eux plus de répression. On accuse la police et surtout la justice de ne pas bien faire son travail.
Le dispositif français de protection de l’enfance considère qu’il s’agit là des deux faces d’une même médaille. Des circonstances tant individuelles que collectives plongent certains enfants ou certains jeunes dans un mode de vie déstructurant et aliénant, dangereux tant pour leur avenir que parfois pour la société. Ce dont il est question dès lors, c’est bien de tenter de répondre au mieux à cette détresse, en proposant une réaction appropriée, individualisée et adaptée à chaque situation. Il s’agit  donc d’accompagner le mineur pour lui permettre de gagner en autonomie et de pouvoir accéder dans les meilleures conditions à la vie adulte. Cela implique de développer sa capacité à gérer ses dépendances et ses pulsions, à pouvoir faire la place à l’autre et à entrer en relation d’une façon responsable.
Les mécanismes de ce dispositif sont peu ou mal connus. On ignore généralement l’essentiel du travail qui est fourni et surtout les résultats qui sont obtenus. Seuls ses échecs sont visibles et médiatiquement traités.
Enfants en danger et enfants dangereux sont donc destinataires d’une même sollicitude qui se fixe pour objectif leur sauvegarde et leur insertion sociale dans les meilleures conditions pour eux et pour la société. C’est ce que nous allons détailler à présent.
 

L’enfance en danger

De Saint Vincent de Paul à l’ASE …
Le sort de l’enfance abandonnée a commencé sous de mauvaises augures : les civilisations grecques et romaines autorisaient l’infanticide des enfants difformes ou non voulus. La religion chrétienne a proscrit cette pratique, lui préférant l’abandon. C’est de l’an 787, que date la création du premier hospice ouvert aux enfants délaissés, parallèlement aux hôpitaux qui reçoivent aussi les pauvres.  Saint Vincent de Paul donne à partir de 1638 beaucoup d’ampleur à l’aide apportée aux enfants abandonnés. A la charité chrétienne, la Révolution de 1789 substitue la notion de solidarité qui reste toutefois au niveau du principe. En 1811, Napoléon 1er  réorganise dans son ensemble les services des enfants trouvés. Il crée l’Assistance Publique qu’il charge de gérer les abandons (les fameux « tours » où étaient déposés anonymement les bébés), les orphelinats, sans oublier le placement familial rural (auprès de nourrices jusqu’à 12 ans et auprès de cultivateurs, artisans ou manufacturiers au-delà). En 1953, l’Assistance Publique est rebaptisée Aide Sociale à l’Enfance (ASE). Elle rejoint en 1964, au sein des toutes nouvelles Directions Départementales de l’Action Sanitaire et Sociale, le Service Social Départemental (assistants sociaux de quartier) et la Protection Maternelle et Infantile (puéricultrices et consultations médicales pour les 0-6ans).
Il subsiste encore une confusion courante entre les termes d’Assistance Publique, de « Dass » et d’ASE qui désignent la même administration.
Ce qui est venu encore compliquer les choses, c’est la décentralisation  qui a enlevé à l’Etat l’essentiel de l’action sociale. La DASS s’est vue réduite à portion congrue et limitée à des tâches relevant d’une logique nationale (lutte contre la prostitution  ou les épidémies). L’ASE avec ses deux consoeurs (SSD et PMI) est passée avec arme et bagage sous l’autorité du Président du Conseil Général qui en a profité, pour simplifier les choses, pour proposer une appellation différente selon les départementaux (SDASS, DISS, DASSMA, etc ...).
 

La protection administrative & judiciaire

L’ASE prend en charge plus particulièrement le domaine de la prévention, correspondant aux risques encourus par l’enfant. Cette compétence relève de la protection dite administrative. Elle propose aux familles rencontrant des difficultés éducatives son concours dans toute une gamme d’actions possibles :
-  Ce peut être des aides financières ou le soutien de travailleuses familiales (qui permettent d’éviter ou de retarder un éventuel placement de l’enfant),
-  Ce peut être encore l’intervention au sein de la famille, de travailleurs sociaux au travers de ce qu’on appelle l’aide éducative en milieu ouvert (AEMO).
-  Ce peut être enfin, le placement en internat rééducatif, en famille d’accueil ou en lieu de vie.
Il est important d’expliquer que ces offres de service ne peuvent intervenir qu’avec l’accord des familles. Une loi de 1984 a rendu obligatoire pour l’établissement d’une AEMO ou d’un placement effectués à la demande des familles, la signature d’un contrat entre les détenteurs de l’autorité parentale et le représentant de l’administration. Ce contrat précise la durée et les modalités d’application de la mesure envisagée. Il peut être dénoncé à tout moment par l’une des parties concernées.
 
Le dispositif français de protection de l’enfance a la particularité de posséder deux niveaux d’intervention. Au-delà de la prévention que nous venons de voir, se situe l’action face à une situation de mise en danger de l’enfant, compétence qui relève alors de la justice. C’est l’ordonnance  du 23 décembre 1958 (qui prendra place dans le code civil à l’article 375) qui autorise l’intervention du juge des enfants, au cas où la santé, la sécurité ou la moralité d’un mineur s’avéreraient menacées. Le magistrat opère alors d’une manière autoritaire. Il peut soit ordonner des investigations (policières, éducatives, psychologiques…) permettant de l’éclairer sur la situation de l’enfant, soit décider de mesures de protection, en imposant un suivi par un service éducatif ou décider d’un placement en établissement, en famille d’accueil ou auprès d’un « tiers digne de confiance » : l’AEMO ou le placement est dit alors judiciaire car il n’est pas conditionné par l’accord préalable des parents.
 

 

L’enfance « dangereuse »

Les enfants délinquants dans l’histoire

Jusqu’à la Révolution de 1789 l’enfant a été considéré comme pleinement responsable de ses actes à compter de ses 7 ans. A ce titre, il subissait les mêmes peines et les mêmes supplices que les adultes : bûcher, roue, noyade, pendaison… Un décret de juillet 1791 pose la nécessité de séparer les enfants des adultes dans l’application des peines infligées, proposant la création de « maisons de correction » qui constituent alors un net progrès. Ces intentions ne se concrétiseront pas avant 1836, date à laquelle ouvre le premier pénitencier pour enfants et jeunes adultes de 8 à 20 ans : la petite Roquette. S’y retrouvent mêlés des mineurs ayant commis des actes graves, mais aussi ceux qui ont volé un pain ou encore ceux qui sont enfermés sur simple requête du chef de famille au nom du droit de « correction paternelle ». Parallèlement, se développent les colonies agricoles fondées sur le principe de la « régénération par la terre ». Très vite, ces lieux deviennent de véritables enfers fournissant à des propriétaires sans scrupules une main d’œuvre à bon marché pour valoriser des terres arides. Sévices moraux et physiques sont la règle pour écraser toute velléité de résistance des jeunes incarcérés. La révolte gronde  pourtant, comme celle qui éclate à Belle-île en mer en 1934, après qu’un colon se soit fait violemment battre pour avoir osé manger son bout de fromage avant la soupe (alors que le règlement stipulait qu’il devait l’être après !). Les campagnes de presse menées par des journalistes comme Alexis Danan aboutiront à une réorientation de la politique pénale à l’égard des mineurs, le gouvernement décidant dans un premier temps en 1937 le détachement d’instituteurs volontaires auprès des jeunes incarcérés. Mais, il faudra attendre, la libération, pour que la leçon soit tirée de l’horreur des camps de concentration. La volonté politique de fermer les bagnes d’enfants et de priviliégier l’éducatif sur le répressif.

La justice des mineurs

La guerre de 1939-1945 n’est pas encore terminée, que le gouvernement provisoire se saisit de la question de l’enfance délinquante et décide deux mesures essentielles.          
- L’ordonnance du 2 février 1945 fixe pour objectif d’éduquer plus que de punir les délinquants juvéniles. Elle décide encore de spécialiser les juridictions pour mineurs, en créant une fonction de Juge pour Enfant. Elle introduit, en outre, l’excuse atténuante de minorité (toute peine encourue pour un acte de délinquance est divisée par deux quand il s’agit d’un mineur), l’individualisation des mesures et une gamme de réponses diversifiées (allant du suivi dans leur famille jusqu’au placement dans un centre rééducatif).
- Le 1er  septembre 1945, la prise en charge des mineurs délinquants échappe à l’administration pénitentiaire : c’est dorénavant, la direction de l’Education Surveillée (devenue en 1993 Protection Judiciaire de la Jeunesse) qui devient seule responsable de cette population. Sous son autorité, les bagnes d’enfants vont progressivement se transformer en Internats Professionnels d’Education Spécialisés, les gardiens cédant petit à petit la place à des professionnels formés à la pédagogie et à l’action éducative.
Les adversaires de l’ordonnance de 1945 l’accusent de laisser les mineurs impunis quand ils commettent des délits. Ce n’est pas exact. La justice des mineurs a montré depuis plus de 50 ans son efficacité : 80 à 85 % des jeunes qui passent devant le Tribunal pour Enfants, ne s’y représentent jamais plus, 12 à 15% y passent plusieurs fois avant de réguler leur comportement. Seuls 3 à 5 % sont très régulièrement confrontés à la justice et constituent un noyau responsable de la plupart des récidives. En dernière extrémité, quand l’incarcération apparaît la seule solution pour arrêter un jeune dans ses dérives et ses passages à l’acte, les juges des enfants ne renoncent pas à la solution de la prison.
                       

La prise en charge des mineurs

Dans le jargon de la protection de l’enfance, on distingue donc 3 formes d’intervention socio-éducative :
1) la protection administrative  nécessitant l’accord explicite des parents sous la forme, comme nous l’avons vu, de la signature d’un contrat qui convient d’une aide destinée tant aux parents qu’aux enfants en difficulté (= Code de la famille et de l’aide sociale)
2) les enfants et les jeunes en « 375 » (= pris en charge au titre de l’article 375 du code civil sur l’enfance en danger),
3) les jeunes faisant l’objet d’une mesure pénale en « 1945 » (= prise en charge au pénal au titre de l’ordonnance 1945 sur l’enfance délinquante).
 
Pour exercer ces mesures, il existe tout un réseau d’institutions et de services. Il n’y a plus ni « maisons de redressement », ni d’orphelinats pléthoriques. Aujourd’hui l’hébergement des mineurs séparés de leur famille est assuré dans des foyers éducatifs regroupant la plupart du temps entre 10 et 20 enfants ou jeunes, en familles d’accueil ou en structures d’accueil non traditionnelles encore appelées « lieux de vie » (qui propose 5 ou 6 places). Il existe aussi des services proposant des interventions en milieu ouvert. Les uns et les autres sont habilités pour travailler soit dans un cadre administratif, soit en « 375 », soit en « 1945 ». Dans un certain nombre de régions, des schémas départementaux ont été conçus qui permettent de répartir au mieux, dans une logique de complémentarité et de réponse aux besoins les offres d’interventions. Il existe un secteur public dépendant soit du ministère de la justice, soit du Conseil général (administration de tutelle de l’Aide Sociale à l’Enfance). Mais, c’est le secteur associatif qui constitue l’essentiel du dispositif : les associations peuvent gérer une toute petite unité ou être à la tête de nombreuses institutions (comme par exemple l’Association Française de Sauvegarde de l’Enfance et de l’Adolescence gestionnaire dans de nombreux départements de beaucoup de services et d’institutions).
 

 


Fiche N° 1 : les intervenants de la justice des mineurs

Le substitut du procureur chargé des mineurs est le magistrat du parquet qui est chargé de recevoir toutes les doléances concernant les moins de 18 ans. Elles peuvent relever d’actes de délinquance : ce sont alors des plaintes déposées par des citoyens victimes ou des procédures adressées par les service de police ou de gendarmerie (on est donc au pénal). Elles peuvent aussi consister en signalement écrits ou oraux visant des situations en danger (on est donc au civil). Le substitut évalue les éléments qui lui sont transmis en faisant éventuellement procéder à des investigations supplémentaires. Il décide alors soit de classer sans suite (il ne donnera pas de suite à la doléance), soit de saisir le Juge des enfants.
Le Juge des enfants est un magistrat spécialisé qui est investi d’une double mission qui relève à la fois de la protection et de la répression.
-  Il est d’abord compétent au titre de l’article 375 du Code civil : il peut être saisi d’un danger pouvant compromettre la santé, la sécurité ou la moralité d’un mineur ou quand les conditions de son éducation sont compromises. Il est alors chargé de prendre toute mesure permettant d’assurer sa protection.
-  Il est aussi compétent au pénal au titre de l’ordonnance 45 : il peut être saisi de procédures établies par la police ou la gendarmerie à l’occasion de délits commis par des mineurs et est alors chargé de leur jugement. Toujours au pénal, il exerce, de fait, en amont les fonctions dévolues traditionnellement au juge d’instruction (il ordonne toute enquête et expertises susceptibles de permettre la manifestation de la vérité) et en aval celles dévolues au juge d’application des peines (suivi des mineurs qu’il a décidé d’incarcérer).
L’avocat est un auxiliaire de justice qui sert d’intermédiaire entre la Justice et le justiciable. Professionnel du droit, il apporte ses connaissances et son savoir-faire au service de celles et de ceux qui se trouvent en difficulté. Il est tenu au secret professionnel, ce qui garantit à chacun de pouvoir tout lui dire, sans craindre que ses confidences soient révélées sans son accord. Les honoraires des avocats sont libres. Toutefois, l’Etat accorde, sous certaines conditions de ressources, une prise en charge financière qu’on appelle aide juridictionnelle qui permet aux plus démunis d’être défendus. L’enfant ou le jeune peut bénéficier dans toute procédure qui le concerne (au civil comme au pénal) de l’assistance d’un avocat et ce à sa demande ou à celle de sa famille.
Le Service Educatif Auprès du Tribunal (SEAT) est présent auprès de chaque Tribunal pour enfants. Il tient une permanence quotidienne ouverte à toute personne désireuse de le rencontrer. Il peut en outre être saisi tant par le Substitut du procureur chargé des mineurs que par le Juge des enfants pour procéder à une enquête rapide et ce tant au pénal (ordonnance 1945)  qu’au civil (article 375) afin d’éclairer le magistrat demandeur sur la suite à donner à une plainte/ procédure ou à un signalement. Les éducateurs du SEAT s’attachent à rechercher toute solution éducative qui permettent de constituer une alternative à l’incarcération, quand celle-ci menace. Enfin, ils sont chargés d’exercer les mesures éducatives pénales prises à l’encontre des mineurs : liberté surveillée (suivi d’un jeune délinquant au sein de sa famille), contrôle judiciaire (obligation faite au mineur de venir pointer sa présence à échéance régulière), sursis avec mise à l’épreuve (suivi dans le cadre d’une peine de sursis, en cas d’incident, le sursis pouvant tomber)…
L’incarcération des mineurs est séparée de celle des adultes. Il existe trois Centres de Jeunes Détenus (Aix Luynes, Bordeaux-Gradignan et Fleury-Mérogis). 51 établissements, essentiellement des maisons d’arrêt, disposent de quelques cellules ou de quartiers réservés aux mineurs. Un dispositif spécial est prévu pour eux : une cellule individuelle par jeune, des instituteurs assurant un enseignement adapté, des moniteurs proposant une formation professionnelle pour les longues peines, des activités de loisirs (bibliothèque, ateliers socio-culturels, théâtre …), des activités sportives ( terrains de sport, salle de musculation …). L’enfermement constitue une sanction suffisamment pesante pour ne pas y rajouter des conditions de vie dégradantes. L’objectif est là encore de favoriser la réinsertion sociale à l’issue de la peine. Malheureusement, les conditions de surpopulation carcérale ne permettent pas toujours de garantir ces conditions minimales. Ainsi, est-on passé en 1993 de 2.368 mineurs emprisonnés à 4030 en 1998. A Fleury-Mérogis en début 1999 et à Lyon, en fin d’année dernière, les personnels pénitentiaires ont alerté leur administration et l’opinion publique à propos de la dégradation inquiétante des modalités d’incarcération des mineurs, provoquant beaucoup de violence et d’incidents.
 
 

Fiche N° 2 : les professionnels au service de l’enfance

La Puéricultrice et le Médecin de la Protection Maternelle et Infantile sont chargés du suivi des mères enceintes et des enfants de moins de 6 ans. Quand la Caisse d’Allocation Familiale reçoit la déclaration de grossesse de la future maman, cet organisme informe la PMI dont dépend le domicile des parents. Celle-ci adresse un courrier de mise à disposition proposant l’intervention à domicile de la puéricultrice (parfois d’une sage-femme) et des visites médicales gratuites pour l’enfant. Cette action permet d’apporter conseils et aide pratique à toutes les familles le souhaitant et plus particulièrement à celles en difficulté, permettant ainsi d’organiser une prévention à grande échelle.
L’assistante sociale de secteur, du Service Social départemental est présente dans chaque quartier. Elle reçoit lors de permanence ou sur rendez-vous toute personne rencontrant des difficultés d’ordre social, économique, psychologique, familial ou de santé. Elle est donc compétente pour apporter une aide tout autant au nourrisson qu’au vieillard, au célibataire qu’aux familles. Ses nombreuses attributions comportent l’aide aux enfants, aux jeunes et aux parents en difficulté éducative. Elle les conseille et peut les accompagner vers une assistance éducative d’ordre administrative ou judiciaire. Elle peut aussi effectuer un signalement, si elle a connaissance d’une situation de danger concernant un mineur.
Les Travailleuses familiales interviennent au domicile des familles en difficulté, soit sur financement de la Caisse d’Allocation Familiale (en cas de fatigue de la mère au cours d’une grossesse ou d’une maladie), soit sur financement de l’ASE (en cas de problèmes rencontrés face à l’éducation des enfants). Il s’agit pour elles d’aider non seulement dans les tâches ménagères, mais aussi dans le soutien moral et éducatif des parents.
L’éducateur ou l’assistante sociale d’AEMO intervient à domicile tant auprès du mineur que de sa famille pour leur apporter l’aide éducative, psychologique voire matérielle qui apparaît nécessaire dans une situation où les difficultés sont trop importantes pour être réglées en interne.  Il agit au titre d’un contrat signé entre l’ASE et les parents ou au titre d’une décision de justice. Son action consiste à tout mettre en œuvre pour permettre une stabilisation puis une résorption des principales perturbations qui déséquilibrent la famille. Il peut arriver, en cas de trop grosse dégradation, que son concours ne permette pas d’éviter au bout de quelques temps un placement du mineur.
L’assistante maternelle à titre permanent, à la différence de l’assistante maternelle de jour, reçoit au sein de sa famille un enfant ou un jeune placé à temps complet (soit par une mesure administrative de type ASE donc avec le plein accord des parents, soit du fait d’une mesure judiciaire donc autoritaire). C’est le placement dit en famille d’accueil qui intervient quand il apparaît nécessaire de donner au mineur un cadre de vie familial.
L’éducateur d’internat a pour fonction de prendre en charge la vie et l’éducation d’un groupe de mineurs qui lui est confié. Il se consacre dès lors à tous les aspects de l’existence du jeune : scolarité, formation professionnelle, santé, hygiène, loisirs, activité culturelle et sportive, socialisation, intégration professionnelle… Son rôle se situe dans la suppléance par rapport à la défaillance plus ou moins prononcée des parents. Il ne se substitue pas à eux, mais les relaie pour des périodes qui peuvent être très courtes (de l’ordre de quelques mois) ou très longues (sur de nombreuses années). Des rencontres régulières peuvent être organisées entre l’enfant ou le jeune et sa famille. Elles permettent de maintenir les relations mais peuvent contribuer à préparer les conditions d’un retour définitif. Le travail d’internat s’organise en équipe, plusieurs professionnels se relayant auprès du même groupe d’enfant ou de jeunes.
Les psychologues sont présents à tous les niveaux du dispositif de protection de l’enfance, tant dans les phases de prévention que dans les situations de placement. Ils interviennent au sein des centres médico-psycho-pédagogiques (CMPP) en consultation externes aux institutions, mais aussi au sein de l’ASE ou des services judiciaires de milieu ouvert ou encore des foyers d’hébergement. Leur rôle consiste à accompagner les enfants, les jeunes et leurs familles dans la compréhension et la résolution des troubles psychologiques qui peuvent être à l’origine des difficultés éducatives rencontrées.
 
 

Fiche N° 3 : les professions et leur formation

▪ Assistant de service social : l’accès aux études se fait après le BACCALAUREAT ou un examen de niveau. La formation se déroule sur trois ans et comporte 1450 heures d’apport théorique et 14 mois de stage. Elle débouche sur LE diplôme d’Etat d’Assistant Social qui est indispensable pour l’exercice de la profession. On comptait début 1996 33.758 assistants de service social qui n’exercent pas tous auprès de l’enfance inadaptée.
▪ Educateur spécialisé : l’accès aux études se fait après le BACCALAUREAT ou un examen de niveau. La formation se déroule sur trois ans et comporte 1450 heures d’apport théorique et 14 mois de stage. Elle débouche sur un diplôme d’Etat d’Educateur Spécialisé. Un cinquième de la profession ne possède pas le diplôme qui n’est donc pas une des conditions d’exercice du métier. En 1996, on comptait 47.721 éducateurs spécialisés qui n’exercent pas tous auprès de l’enfance inadaptée.
▪ Educateur de la Protection judiciaire de la jeunesse : l’accès se fait par concours de la fonction publique. Le niveau exigé est celui du DEUG. La formation se déroule en deux ans et comporte 1320 heures d’apport théorique et 9 mois de stage. Elle ne débouche sur aucun diplôme, mais sur une titularisation. Aux 3.000 professionnels en place, le Conseil de sécurité intérieure, tenu début 1999, a décidé de recruter 1.000 éducateurs supplémentaires, sélectionnés à partir d’une expérience de 3 ans minimum auprès de l’enfance en difficulté.
▪ Travailleuse familiale : le niveau exigé en matière d’études correspond au premier cycle secondaire. Depuis septembre 1999, une réforme vient d’instituer un diplôme d’Etat de Technicien de l’Intervention Sociale et Familiale qui se prépare sur deux ans. La formation comporte 950 heures d’apport théorique et 8 mois de stage pratique. On comptait début 1996 8.812 travailleuses familiales.
▪ Les assistantes maternelles à temps complet qui veulent exercer comme famille d'accueil ne doivent justifier d'aucun diplôme préalable. Elles sont agréées par le service de la Protection maternelle et infantile au titre d’un certain nombre de conditions à la fois matérielles (conditions offertes pour l’hébergement de l’enfant attendu) et éducatives (motivation, capacité à laisser la place à la famille naturelle, seuil de tolérance …). L’agrément est accordé pour 5 ans. Il ne peut être renouvelé que si l’assistante maternelle a suivi 120 heures de formation continue. On comptait début 1996 71.995  assistantes maternelles à temps complet.
 
Les centres de formation qui assurent la préparation aux diplômes d’assistant de service social, d’éducateur spécialisé ou de travailleuse familiale, ont tous leur propre modalité de sélection.
 

 

Sigles  les plus courants :

A.S.E. : Aide Sociale à l’Enfance
AEMO : Aide Educative en Milieu Ouvert
AEMN : Aide Educative en Milieu Naturel (utilisé parfois pour distinguer l’AEMO judiciaire de l’AEMN administrative)
C.A.F. : Caisse d’Allocations Familiales
C.C.P.D. : Centre Communal de Prévention de la Délinquance
C.D.J. : Centre de Jeunes Détenus
C.M.P.P. : Centres Médico-Psycho-Pédagogiques
D.D.A.S.S. : Direction Départementale des Affaires Sanitaires et Sociales
P.J.J. : Protection Judiciaire de la Jeunesse
P.M.I. : Protection Maternelle et Infantile
S.S.D. : Service Social Départemental
 
 

Bibliographie

« Jeunes reclus, souvenirs de galères et d’éducation active » François Rimaire, érès, 1999, (176p.)
Témoignage d’un des premiers éducateurs à pénétrer en 1938 au sein des bagnes d’enfants avec pour mission de travailler à les réformer de l’intérieur.  Jeune instituteur stagiaire, François Rimaire découvre le traitement dégradant réservé aux mineurs incarcérés : nuits passés dans des cages, régime d’une douche par semaine (« Prendre des douches chaque jour dans un local chauffé constituerait un luxe oriental et décadent, donc nuisible à de jeunes voyous »), tradition de prostitution des plus jeunes au bénéfice des plus grands… Profondément convaincus par le nouveau credo basé sur la rééducabilité des jeunes délinquants ainsi que par les méthodes d’éducation actives, l’auteur et ses camarades se heurteront à l’hostilité de l’administration et du personnel en place qui se sentent à juste raison menacé par les nouveaux venus. 
«  Guide du secteur social et médico-social : professions, institutions, concepts » de Marcel Jaegger, Dunod, 1999, (156 p.)
En une centaine de concepts, classés part ordre alphabétique, l’auteur présente le secteur social et médico-social avec une grande rigueur : définition précise, explication détaillée reprenant l’historique du concept, références administratives et juridiques essentielles, sans oublier une bibliographie permettant d’aller plus loin dans l’élaboration et la recherche. Le lecteur y trouvera précisés tous les rouages du dispositif de protection de l’enfance, qui sont traités à côté des institutions concernant l’enfance et les adultes handicapés. D’une consultation pratique qui permet d’aller à l’essentiel, ce guide est de ceux à garder toujours sous la main.
« L’enfant et la justice en soixante questions » Michel Huyette, Dunod, 1999, (80p.-220 p.)
Auteur d’un monumental et passionnant « guide de la protection judiciaire de l’enfant » (près de 600 pages), Michel Huyette qui a exercé pendant dix ans comme juge des enfants, propose une sorte de « digest » à destination des non spécialistes et des non professionnels du droit. Il s’intéresse à trois types de situations : le mineur face au divorce de ses parents, le mineur en danger, le mineur délinquant. Des questions concrètes telles que « un enfant peut-il refuser de rencontrer le parent qui dispose d’un droit de visite et d’hébergement ? », « comment se déroule le procès d’un enfant ? », « un enfant peut-il porter plainte ? », « un enfant peut-il déclencher une procédure judiciaire ? » … trouveront pour le lecteur une réponse précise et concrète.
« Justice pour les enfants » Jean-Pierre Rosenczveig, Laffont, 1999, (414 p.)
Figure emblématique s’il en est de la justice des mineurs, Jean-Pierre Rosenczveig, quand il n’est ni à la télévision, ni à la radio, ni au sein des nombreuses associations qu’il préside, exerce sa fonction comme Président du tribunal pour enfants de Bobigny. Son dernier ouvrage nous décrit une semaine de son activité. C’est l’occasion de mieux comprendre qui sont ces enfants en danger, qui sont ces délinquants, qui sont ces familles qu’on dit démissionnaires, qui sont ces intervenants (juges, éducateurs, procureurs, avocats …) et ces institutions sociales, judiciaires, médicales, pénitentiaires qui prennent une place si importante dans la justice des mineurs. Ouvrage de témoignage qui nous place en prise directe et nous met sur le vif aux côtés d’un magistrat de la jeunesse convaincu de l’ampleur de sa mission.


Jacques Trémintin – Journal de L’Animation  ■ n°04 ■ déc 1999