Chanu Michèle - Petite enfance

« Rassurer pour autonomiser »

Michèle Chanu est auxiliaire de puériculture. Elle intervient comme ATSEM dans une école maternelle. Elle est responsable de stage petite enfance aux Francas.

Journal de l’animation : quelles sont les qualités requises pour une animatrice ou un animateur pour intervenir auprès d’un public petite enfance ?

Michèle Chanu : Il faut d’abord beaucoup de patience. Les tout petits n’ont pas le même rythme que les adultes. Il n’est pas rare que pour accélérer les choses, on fasse à leur place. C’est vrai qu’à ce moment là, cela sera peut-être mieux fait. Mais, c’est alors, rater l’occasion de les faire grandir. Le quotidien est fait de plein de ces petits évènements qui sont autant d’occasions de les placer en situation de réussite. C’est l’époque de la vie où on apprend à faire plein de choses (manger, s’habiller, ...) et où il est important d’apprendre à le faire tout seul. Les aider dans ces petits apprentissages, c’est favoriser leur progression et leur maturation. Il faut ensuite être beaucoup dans l’écoute. A cet âge, on pose beaucoup de questions et on a besoin qu’on s’intéresse et qu’on s’occupe de vous. On a aussi besoin d’être sécurisé. On ne sait pas toujours où l’on va et ce que l’on va faire. L’animateur est là pour servir de repère tout au long de la journée : c’est quelqu’un vers qui on peut se tourner à tout moment. L’enfant reste encore très demandeur. Son autonomie est limitée. Il a besoin d’être rassuré.

 

Journal de l’animation : quels changements percevez-vous entre 3 et 6 ans ?

Michèle Chanu : entre ces deux âges, cela change beaucoup. Chaque année correspond à des évolutions importantes, ne serait-ce qu’au niveau physique. Mais, c’est aussi très visible au niveau des jeux. Jusqu’à 3, 4 ans, les enfants ne jouent pas ensemble. Il sont plus les uns à côté des autres. C’est, progressivement, qu’ils vont se socialiser. Les petits sont, en fait, très égocentriques : ils ramènent tout à eux. Dès que l’un d’entre eux veut un jeu, tous les autres le réclament. Nous intervenons alors pour qu’ils se le prêtent au bout d’un moment. Mais, cela ne les intéressent plus, ensuite. Ils vivent beaucoup dans leur désir de l’instant. C’est, petit à petit, que nous allons pouvoir les inviter à aller les uns vers les autres.

 

Journal de l’animation : on parle souvent de leurs difficultés à se concentrer et à rester sur une même activité, très longtemps ?

Michèle Chanu :  c’est vrai qu’ils ont du mal à rester longtemps sur la même activité. Mais, je crois qu’il y a un autre facteur qui joue et qui est très important : c’est la motivation de l’animateur. Si celui-ci croit à ce qu’il fait, et y prend du plaisir, il entraîne alors les enfants dans le jeu et cela peut durer plus longtemps qu’on ne le pense. Dès qu’on sollicite leur imagination, on a parfois du mal à les faire s’arrêter ! Par contre, le jour où on n’est pas en forme, les enfants le ressentent et c’est alors qu’ils ont du mal à entrer dans l’activité. Le jeu constitue pour eux un moyen essentiel de grandir. Mais, en même temps, il ne recouvre pas la totalité de ce qu’on peut faire avec eux. C’est peut-être cela qui fait la différence avec les autres classes d’âge : le moment de l’accueil, de la sieste, du passage aux toilettes, du goûter sont aussi des supports à la relation qui sont tout aussi importants. J’insiste beaucoup auprès des animateurs pour qu’ils prennent en compte aussi ces moments-là.

 

Journal de l’animation : que trouvez-vous de plus facile et de plus compliqué avec cette classe d’âge ?

Michèle Chanu : ce qui me plaît le plus, c’est, je crois, la spontanéité des petits et leur facilité à entrer dans le jeu et l’imaginaire. Si l’adulte est prêt à rêver avec eux, cela se passe très bien. Quand je vois des enfants qui s’enferment sur eux-mêmes ou qui deviennent particulièrement turbulents, je m’interroge d’abord sur la qualité de notre présence à leurs côtés. On n’est pas toujours disponible. Mais, il faut faire attention au temps qu’on peut passer à leur contact. Par contre, ce qui me contrarie le plus, c’est de constater les difficultés de certains petits par rapport à d’autres. C’est là où on prend conscience qu’ils n’ont pas tous les mêmes chances. On essaie alors de les aider le mieux possible, mais on se sent parfois désarmés. On les écoute, on est présent auprès d’eux, on les stimule et on les aide à gérer leur problème et surtout, mais cela est vrai quelque soit l’enfant, on n’hésite pas à les encourager et à les valoriser dès qu’ils ont réussi quelque chose aussi minime soit-il, afin de les placer dans une dynamique de réussite. Cela c’est essentiel.

 

Propos recueillis par Jacques Trémintin

Journal de L’Animation  ■ n°21 ■ sept 2001