Animateurs - 7-12 ans

Rencontre avec par celles et ceux qui côtoient au quotidien les 7-12 ans

Mercredi 18h00. Une fin d’après-midi de centre aéré comme il en existe des milliers à travers la France. Les papiers administratifs à remettre aux enfants non encore partis, les inévitables parents en retard, le moment de décompression de l’équipe d’animation. Pour l’heure, deux animatrices sont occupées à trier les trousses à pharmacie. Consigne de la directrice : on enlève les crèmes de protection solaire (il est vrai que le temps est bien gris en cette mi-septembre). Carole Biguet (animatrice, avec 6 ans d’expérience), Vanina Fleury (animatrice, avec 4 ans d’expérience) et leur directrice Edith Pennetier acceptent de répondre à nos questions sur les sept douze ans.

Journal de l’animation : Si vous aviez à retenir deux ou trois caractéristiques de la classe d’âge des sept douze ans, quelles seraient-elles ?

L’équipe unanime : nous travaillons ici à partir d’une séparation de cette classe d’âge en deux groupes : les sept neuf et les dix douze : ce ne sont pas les mêmes besoins, ni les mêmes comportements.

 

Journal de l’animation: Eh bien justement, quelle distinction faites-vous?

Vanina : les sept neuf ans demandent plus d’attention, ils ont bien plus besoin d’être guidés. Je les trouve aussi plus speeds …

Carole : c’est vrai qu’ils bougent beaucoup. Mais ce qui est le plus flagrant c’est qu’il faut adapter les jeux en les compliquant progressivement. Plus ils sont jeunes, plus il faut simplifier les explications.

Edith : pour les sept neuf c’est bien l’animatrice qui conduit le projet, alors que les dix douze revendiquent très fort de ne plus être considérés comme des petits et montrent leurs capacités à s’engager dans des actions autonomes.

 

Journal de l’animation: Justement, qu’est-ce qui pour les uns et pour les autres marche le mieux en animation ?

Edith : pour les sept neuf ans, c’est surtout les jeux collectifs et notamment ceux qui leur permettent de se dépenser…

Carole : je trouve qu’ils adorent aussi découvrir des nouvelles techniques. Il sont d’une très grande curiosité à cet âge et sont passionnés par toutes les expérimentations. C’est vrai, que je ferai une différence pour les plus grands et notamment les filles : on tourne souvent en rond quant aux activités proposées (défilés de mode, danse…)

Vanina : et puis à dix douze ans, il faut tenir compte de leur méfiance. Au départ, ils sont souvent réticents. Ensuite, ils peuvent s’investir très fort, quand ils s’aperçoivent que ça leur plaît. Mais la première réaction est souvent de ne pas vouloir se lancer dans l’activité proposée.

Edith : Pour les plus grands ce qui marche le mieux c’est le sport. Mais cela n’exclut les activités artistiques. Les enfants nous ont demandé cet été de faire du théâtre. Ils s’y sont consacrés avec beaucoup de passion, les animateurs intervenant à leur demande. Cela, les petits ne peuvent pas le faire, ou alors quelques sketchs, mais pas un scénario et des répétitions sur de longues périodes comme pour les grands.

 

Journal de l’animation: Qu’est ce qui est le plus difficile avec eux ?

Carole : pour les sept neuf ans, ce qui est le plus compliqué, c’est la difficulté à se concentrer. Ils changent souvent d’avis et n’arrivent pas à s’en tenir à une même activité. En plus, ce n’est pas toujours facile de les motiver. On a l’impression qu’ils ne sont jamais contents et en plus qu’ils se lassent vite. Quant aux dix douze, ils veulent souvent jouer aux grands, sans en avoir vraiment les moyens. C'est un peu comme les pré-ados : il faut leur apprendre à gérer leur liberté.

Edith : c’est plus facile d’emmener les sept neuf ans que de surprendre les dix douze ans. Le dynamisme des premiers n’est pas toujours facile à contenir et le scepticisme des seconds tout aussi compliqué parfois à dépasser, voilà à quoi on se heurte le plus souvent.

Vanina : sans compter les corvées de rangement difficiles à faire accepter ou pour les plus grands le respect du matériel…

 

Journal de l’animation: Quelles sont les qualités que doit avoir l’animateur ou l’animatrice qui veut travailler avec ce groupe d’âge ?

Edith : pour les sept neuf ans, il faut beaucoup de dynamisme et savoir poser des repères clairs qu’il faut ensuite arriver à faire appliquer sur du long terme. Je ne conseillerais pas de commencer dans l’animation en prenant les dix douze. Il faut en effet  avoir des facultés d’adaptation et d’improvisation qu’on acquière avec l’expérience. Surtout, il ne faut pas en s’impliquant trop dans l’activité nuire à la capacité d’autonomie des enfants. S’ils sont capables de faire et qu’on l’a vérifié au préalable, il faut les laisser faire.

Carole : pour les petits, il faut être capable de beaucoup se renouveler. Pour les plus grands, il faut savoir se faire respecter et surtout ne pas jouer aux copains/copines. C’est vrai que le peu de différence d’âge peut renvoyer le jeune animateur à sa proche pré-adolescence. Mais celle ou celui qui rate son démarrage avec les enfants peut ensuite avoir du mal à assumer. Il faut donc avoir un certain degré de maturité.

Vanina : pour les dix douze ans, la base, c’est se faire respecter en imposant des limites. Il faut aussi savoir rebondir par rapport à une activité programmée initialement et qui peut ne pas plaire…

 

Journal de l’animation: avez-vous un souvenir particulièrement fort de votre travail avec cette classe d’âge ?

Carole : moi, c’est plutôt les fins de centre avec ce mélange de bonheur d’avoir vécu ensemble des moments sympas et la tristesse de devoir se quitter. Je suis toujours émue quand un gamin se souvient encore de mon nom quelques années après …

Vanina : moi, je pleure toujours à la fin. Au début on a plus tendance à crier beaucoup et à la fin c’est dur de se quitter …

Edith : Mon plus beau souvenir, c’est ce mini-camp monté de A jusqu’à Z par les enfants de dix douze ans qui nous a permis d’avoir des échanges très riches avec eux. J’ai beaucoup apprécié leur prise de conscience des difficultés auxquelles on se heurte dans ce genre d’organisation et qu’ils ont appris à assumer sans tout mettre sur le dos des adultes.

 

Il se faisait tard. Chacun avait bien gagné le droit de retrouver sa famille. Nous avons néanmoins décidé de continuer notre enquête et sommes allés dans les jours qui ont suivi interroger trois autres directeurs directrices et trois autres animateurs animatrices.

Erick Bouzidi (Directeur d’un Office Socio-Culturel qui gère un centre aéré) : « Il faut distinguer entre les sept neuf ans et les dix douze ans. Les premiers ont besoin d’être encadrés. Pour eux, tout passe par le jeu. L’école constitue une référence essentielle : c’est l’âge des apprentissages de base. Quant aux dix douze ans, c’est un âge invisible, invincible et insaisissable. On retrouve chez eux, ce qu’on rencontrait il y a quelques années chez les treize quatorze ans. C’est la période des grands copains. Ils sont aussi très attirés par la consommation et influencent beaucoup les parents à ce sujet. Si pour les sept neuf ce qui marche le plus ce sont les activités d’éveil, pour les dix douze, ce qui compte surtout c’est le sport et la dépense physique. Le plus difficile pour les premiers c’est d’arriver à éveiller leur sens critique. Un animateur convainquant peut les entraîner assez facilement. Ce n’est pas le cas des seconds qui se méfient beaucoup plus. Il faut que le contenu de l’activité soit solide pour réussir à les faire participer. Ils ne veulent plus être pris pour des petits. Nous leur proposons un espace junior où on entre à partir de la sixième et que nous avons le fonctionnement sur les clubs de jeunes. Les animateurs doivent savoir s’adapter aux besoins différents des uns et des autres. Pour travailler avec les sept neuf ans, les qualités essentielles relèvent de la patience, du sens de l’équité. je pense aussi qu’il faut justifier d’une culture générale importante qui permettent de répondre à la grande curiosité de ces enfants. Pour les dix douze ans, il faut présenter un grand sens du dialogue et une toute aussi grande capacité d’adaptation : j’ai vu en assemblée générale des enfants mis eu cause le programme d’activité élaboré par l’équipe d’animation jusqu’à deux heures du matin la veille ! Il leur a bien fallu s’adapter ! »

Loïc Chanu (directeur permanent de centre aéré) : « Ce sont des gamins qui ont beaucoup d’énergie, de dynamisme et de curiosité. On sent qu’ils ont envie de découvrir plein de choses. Plus ils grandissent, moins c’est vrai, d’ailleurs. Ce qui compte aussi à cet âge-là c’est la découverte de l’autre. C’est alors important de leur apprendre à vivre ensemble. Avant dix ans, ils sont surtout attirés par la découverte de l’activité. Au-delà ils chercheront avant tout s’il y a  un de leur copain ou de leur copine qui est dans le même groupe qu’eux (ou qu’elles). L’animateur ou l’animatrice doit être avant tout disponible, car les enfants, à cet âge sollicitent beaucoup. Il ou elle doit être en capacité de répondre à leurs attentes, à leurs questions. Il lui faut pour cela de la patience et être en capacité de s’adapter. S’occuper des sept douze, ce n’est pas vraiment la planque. S’il faut des encadrants qui aient la pêche, il en faut aussi qui puissent accueillir certains des enfants qui cherchent plus le calme. Cela peut être complémentaire. C’est un public très exigeant. Avant de se lancer dans une activité, ils veulent savoir de quoi il s’agit. On ne les emmène pas comme cela là où on veut. Il faut les convaincre au préalable. Là où c’est le plus dur avec eux, c’est quand il faut les canaliser. Quand ils sont énervés, on peut passer la journée à répéter les mêmes consignes. Ils ont alors une énergie folle pour se chamailler, et c’est parfois épuisant. Mais, c’est leur façon à eux de se tester les uns les autres et d’apprendre à vivre ensemble. Le moment le plus intense que j’ai pu vivre avec eux, c’est un grand jeu. Quand on sollicite leur imaginaire, ils ne font pas semblant. Ils s’engagent à fond. Et là, c’est vraiment très très fort ! »

Nathalie Matinal (directrice permanente de centre aéré) : « Je distinguerai les sept neuf ans des dix douze ans, parce que ce n’est pas tout à fait la même chose. Les sept neuf sont très demandeurs d’activités : on peut faire avec eux beaucoup de choses. Pour les dix douze, ils commencent à se comporter déjà comme des pré-ados.  C’est plus des sorties et des discussions qui les intéressent. Mais, on se rend bien compte que la structure de type centre de loisirs ne leur convient pas vraiment. Pour les uns comme pour les autres, on essaie ici de les associer le plus possible à l’organisation des activités. L’important c’est qu’ils deviennent autonomes. Ce n’est pas que des grands mots, on essaie vraiment d’y arriver concrètement. Je me souviens d’une fois où ils avaient demandé à organiser une grande chasse aux trésors. C’est les enfants qui l’ont organisé de A jusqu’à Z. Ca a été une belle réussite. Je demande aux animateurs animatrices d’être très à l’écoute pas seulement des enfants mais de l’enfant. Quand cela est possible, c’est bien qu’un animateur puisse se détacher de l’activité du groupe pour être disponible auprès d’un enfant. Le remarque-t-on plus qu’avant ou bien est-ce plus fréquent, je ne le sais pas, mais on constate une montée de l’insolence à la limite du respect de l’autre (qu’il soit enfant ou adulte d’ailleurs). Le plus dur avec eux, c’est pour les sept neuf ans de savoir bien répondre à la fois à leur demande et à leurs besoins, car ils changent beaucoup d’avis et ne se tiennent pas à une demande unique. Pour les dix douze c’est de poser un cadre et de le leur faire respecter. »

Anthony Daucé (animateur 5 ans d’expérience) : « Il y a une grande différence entre celui qui a sept ans et celui qui en a douze. Mais ce qui domine quand même c’est l’esprit créatif et le dynamisme. Surtout les sept neuf qui se dépensent beaucoup. C’est aussi leur envie de découverte qui est très forte. Les sept neuf demandent plus d’attention et sont très branchés sur les activités manuelles. Pour les dix douze, il y a un besoin de s’évader et de découvrir de nouvelles choses. Ils sont surtout très sensibles au fait qu’on les consulte et qu’on leur demande leur avis sur les activités. C’est un âge intéressant : mon plus beau souvenir, c’est leur participation aux grands jeux. Les enfants de cet âge partent tout de suite dans l’imaginaire et adorent les rebondissements et surtout les jeux où ils peuvent devenir acteurs. Mais le plus dur avec eux, c’est de toujours répéter les mêmes règles : ranger les affaires, ne pas dire de gros mots. D’une fois sur l’autre, c’est comme s’ils avaient tout oublié. Pour bien travailler avec eux, il faut être polyvalent, savoir passer d’une activité bricolage à un jeu sportif et réussir à repérer quand ils ont envie de bouger avant qu’ils ne s’énervent. Ce qui a changé, depuis que j’ai commencé à travailler comme animateur ? Je trouve qu’on rencontre plus d’enfants issus de familles monoparentales qui ont des problèmes. »

Solenne Carré (animatrice stagiaire) : « J’ai travaillé cet été avec des sept neuf ans. Ce qui m’a frappé, c’est leur énergie : ils courent partout. Ils ont besoin d’être encadrés et de bénéficier d’activités où ils se dépensent. J’ai remarqué aussi leur besoin de parler d’eux et de leur famille (surtout les filles). Ceux que j’avais ne choisissaient pas tant une activité que l’animateur ou l’animatrice avec qui ils avaient envie d’être. D’où l’importance pour l’adulte de prendre en compte cette demande affective. Etre à l’écoute tout en prenant le recul nécessaire. C’est super important que l’animatrice ait bien préparé son activité et soit elle-même motivée. Si ce n’est pas le cas, les enfants le repèrent tout de suite et se mettent très vite à chahuter. C’est ça le plus dure avec eux : obtenir qu’ils écoutent et ne se dispersent pas. Je garde un très bon souvenir de l’activité peinture sur plâtre que j’ai faite avec eux sur plusieurs jours. Ca a très bien marché. Les enfants qui n’ont pas pu être là le dernier jour où nous faisions l’encadrement, ont emporté leur plâtre chez eux, pour terminer l’encadrement.» 

Nicolas Auvray (animateur, 2 ans d’expérience) : « Cette classe d’âge n’est pas homogène. Il y a une grande différence entre les sept huit ans qui demandent à vous donner la main quand on se déplace dans la rue, et les onze douze ans qui revendiquent plus de liberté et d’autonomie. Les premiers ont besoin encore de beaucoup de proximité et d’affectif, les seconds plus d’activités sportives et de sorties. Ce qui marche le mieux avec tous, ce sont ces journées pique-nique où l’on sort du centre. Cela nous permet à nous d’être parfois plus proches de chacun. C’est qu’il faut vraiment être très disponible et avoir un grand sens de l’adaptation afin de répondre aux demandes très diversifiées des uns et des autres. Entre l’année dernière et cette année, j’ai été un peu déçu de constater le peu d’évolution sur le même groupe d’enfants que j’ai eu. J’ai retrouvé le même rapport difficile à l’obéissance et à l’autorité pour des enfants issus pour beaucoup de familles monoparentales. Cela m’a posé un problème un jour dans le bus : je me suis fait engueuler par les passagers parce que les enfants ne laissaient pas leur place aux personnes âgées. J’ai essayé de m’expliquer, mais me suis fait encore plus incendier. Les gamins ont pris alors ma défense du style « touche pas à mon animateur ». J’ai trouvé ça très sympa ! »

 

On remarquera, à la fois la diversité des réponses, mais aussi la cohérence des perceptions qui semblent dessiner une vision assez nette de cette classe d’âge. Les sept neuf ans sont à la fois imprégnés par leur petite enfance toute proche et à la fois en train de s’en éloigner : difficulté à se concentrer, recherche affective, besoin de guidage et de protection de la part de l’adulte, mais aussi grande curiosité, soif de connaissance et fort dynamisme. Quant au dix douze ans, on les sent comme happés par une préadolescence qui les attire avec beaucoup d’intensité : besoin de reconnaissance qu’ils ne sont plus des petits, aspiration à l’autonomie, capacité d’investissement, méfiance face à ce qu’on leur propose, sens critique très développé. Tout cela rend d’autant plus pertinentes, ces structures passerelles qui leur sont ouvertes et qui tentent de répondre à leurs besoins spécifiques entre centre aérés et clubs de jeunes.

 

 

Propos recueillis par Jacques Trémintin

Journal De l’Animation  ■ n°13 ■ nov 2000