Paturel Dominique - Réseau et partenariat
Du réseau au partenariat: « faire avec » ou « faire ensemble » ?
Le secteur socio-éducatif a tôt fait de s’emparer d’un concept et de le conjuguer à toutes les sauces, au point parfois de le vider de tout son sens. Dominique Paturel, coordinatrice du service social à l’INRA avait exploré cette notion lors des Journées d’étude du travail de l’ANAS en 2007. Elle nous aide à y voir un peu plus clair.
Comment expliquez-vous l’appel fréquent depuis quelques années au partenariat?
Dominique Paturel : Dans un contexte marqué par la diminution des ressources octroyées aux services sociaux, il n'est guère surprenant de constater qu’un nombre croissant de décideurs institutionnels, aussi bien publics que privés, incite leurs personnels à définir de nouvelles formes de collaboration. L’essoufflement des pouvoirs publics face à la prise en charge des problèmes sociaux et à l'émergence du local les pousse, en outre, de plus en plus à donner aux collectivités de l’autonomie dans leur propre gouvernance et, en conséquence, de leur capacité à négocier directement avec les différentes instances de leur environnement. Du côté des professionnels, il y a un vrai souci de faire évoluer les pratiques, de faire mieux ce qu'on faisait avant et de chercher d'autres façons de faire autrement, plus efficacement. On assiste ainsi à une inflation tous azimuts de la notion de partenariat, au point de la présenter, rien de moins, comme une véritable panacée à tous les problèmes organisationnels modernes. Or, le partenariat relève d’un champ sémantique flou qui peut constituer une véritable boîte de Pandore. Autant il peut être porteur d'une réflexion stimulante et nous inviter à revoir nos pratiques, autant il peut nous mettre dans une situation de relative dépendance à l'égard des idées du type prêt-à-porter au salon de la dernière mode du service social. C’est pourquoi, il me semble essentiel de bien distinguer entre le « faire avec » et le « faire ensemble ».
Quelle différence établissez-vous entre l’un et l’autre?
Dominique Paturel : Le « faire avec » relève de la collaboration et concerne le travail individuel. A un moment donné, un intervenant peut être amené à mobiliser des acteurs d'institutions différentes ou d’associations dont les préoccupations ont à voir avec l'objet mobilisateur. S’il utilise son réseau pour trouver des solutions et des ressources à une problématique, il reste le seul décideur de l’action qu’il a engagée. Cette démarche n'est pas du partenariat, car elle ne produit pas de nouvelles pratiques. On est tout juste dans de la pluridisciplinarité et le plus souvent, dans de la juxtaposition de point de vue d'experts. Le « faire-ensemble » est bien différent, puisqu’il concerne le travail collectif et absolument pas le travail individuel. Il est basé sur la coopération, c'est-à-dire sur l'action conjointe. Et s'il y a de l'action conjointe, cela présuppose qu'il y a co-décision et co-production. Ce qui implique une relation privilégiée basée sur un projet partagé entre deux ou plusieurs « organisations », se manifestant par l'échange formalisé entre des personnes, d'informations ou de ressources. Quiconque a été confronté un jour à l'objectif de changer des habitudes, de modifier des pratiques, de mettre en place ou de revoir des modes de coopération avec des agents internes ou externes sait comme il est difficile et complexe d'engager une telle démarche.
Quelles sont les conditions à respecter pour entrer justement dans cette logique du partenariat?
Dominique Paturel : Cinq principes de base apparaissent incontournables. En premier, il y a l’intérêt mutuel des partenaires : le partenariat répond, d'abord et avant tout, à une logique et aux besoins de l'action. On ne décrète pas une relation partenariale ; cette relation s'instaure si les partenaires y trouvent chacun, dès le départ, une source d'intérêt. Second principe, celui de l’égalité entre les partenaires. Le partenariat repose sur des relations d'égal à égal, non fondées sur la hiérarchie. Il s'agit de relations privilégiées où les liaisons horizontales doivent être dominantes. Si cette caractéristique est hautement valorisée chez les tenants du partenariat, son application ne va pas nécessairement de soi. Toute relation est porteuse de situations de pouvoir qui nécessitent, elles aussi, d'être reconnues et clarifiées afin de préserver l'autonomie de chacun des partenaires. Troisième principe, celui de l’autonomie de chacun. Les différentes parties s'engagent de leur propre chef et demeurent libres dans leur action. Il se peut que les attentes varient en fonction des avancées et de la systémie de la démarche. C'est pourquoi l'évaluation en continue des résultats respecte ce principe d'autonomie. Quatrième principe : la coopération. Une entente partenariale s'inscrit dans un projet partagé et celui-ci n'a de sens que s'il y a entraide et échanges signifiants entre les partenaires. Enfin, dernier principe : l'évolution. Le partenariat constitue un processus évolutif. Il se construit dans une démarche de projet finalisé. Il s'instaure dans une durée et a tant un début qu’une fin anticipée. Il doit être l'objet de clarification et d'explicitation. C'est en ce sens que plusieurs aspects du lien partenariat nécessitent d'être formalisés afin de réduire les ambiguïtés et leurs corollaires bien connus : les conflits.
Propos recueillis par Jacques Trémintin
Non paru ■ 2008