Duthieuw Béatrice - Séjour de rupture
Pérenniser ce qui fonctionne bien.
Animatrice du lieu de vie « authentique azimut », Béatrice Duthieuw est aussi l’une des fondatrices d’un réseau regroupant les principaux séjours de rupture. Elle dresse pour nous le tableau des difficultés à exercer et les perspectives d’avenir.
Les structures proposant des séjours de rupture sont en train de se fédérer : qu'apporte le réseau que vous avez créé?
Béatrice Duthieuw : Pour l’instant, nous ne parlons pas de fédération, mais de réseau. Le Réseau des acteurs de séjours de rupture en milieu naturel (RASDRAM) a été créé pour rompre l’isolement dans lequel chacun d’entre nous se trouvait. Nous pensions qu’il était important de mutualiser les savoir-faire que nous avions accumulés. Nous avons donc conçu un lieu de réflexion et d’échanges entre des dispositifs qui, au départ, peuvent avoir eu un itinéraire différent, mais qui se retrouvent sur des valeurs communes. Certains sont issus de lieux de vie traditionnels, d’autres appartiennent à des associations de protection de l’enfance déjà anciennes. Mais les uns et les autres ont la même ambition : proposer à des jeunes ayant perdu toute ou partie de leur confiance dans le monde des adultes et des professionnels un projet individualisé susceptible de leur apporter une autre vision d’eux-mêmes et des autres. La notion de rupture implique de leur faire quitter la région où ils ont toujours vécu, pour aller à la rencontre de pays et de populations qu’ils ne connaissent pas et qui constituent la richesse et la diversité de notre planète. C’est de cet échange entre des jeunes plus ou moins à la dérive avec des personnes ou lieux ressources que peut émerger une expérience de vie susceptible de leur permettre un nouveau départ.
Vous êtes très demandeurs auprès des pouvoirs publics d'une reconnaissance: cela passe-t-il par un agrément spécifique, une labellisation, un contrôle renforcé ?
Béatrice Duthieuw : C’est le rapport IGASS/PJJ qui a été l’un des déclencheurs du regroupement des acteurs de séjours de rupture. Nous voulions faire entendre notre voix dans la construction réglementaire qui se préparait. Nous avons participé, en 2005 et 2006, aux côtés de la fédération nationale des lieux de vie, à un groupe de travail à Paris qui réunissait des représentants de Conseils généraux, de la PJJ et de la DGAS. Cela n’a pas abouti, comme nous le souhaitions, à une circulaire ou à un arrêté. Ce groupe a néanmoins produit un cahier des charges qui reprend les fondements de notre fonctionnement. Mais le ministère ne l’a pas, pour l’instant, validé. Nous sommes en train, de notre côté, d’élaborer une charte. La mort d’un adolescent en Zambie, en 2003, lors d’un séjour organisé par « Vagabondage », nous a tous fait beaucoup de mal. Mais ce n’est pas parce que des fautes ont été commises, à cette occasion, que tout le monde fonctionne de la même façon. Nous sommes tout à fait favorable à des contrôles. Mais nous revendiquons tout autant qu’on nous fasse confiance. Après tout, quand il s’agit de nous confier en urgence un jeune, on ne fait pas autant de difficultés. Notre association est en contact avec des structures équivalentes, tant en Suisse qu’en la Belgique, en Allemagne ou aux Pays-Bas. Nous ne pouvons que constater les mêmes difficultés administratives auxquelles elles se heurtent, elles aussi, dans leur propre pays.
Les séjours de rupture naissent, vivent et semblent disparaître assez rapidement. Quels sont les facteurs de longévité et de continuité dans ce secteur d'activité ?
Béatrice Duthieuw : C’est vrai que notre existence est fragilisée par l’absence de réglementation spécifique. Nous n’existons qu’au travers des agréments accordés au structures sur la base desquelles nous fonctionnons (lieu de vie, MECS, CER …). Nous pouvons disparaître, du jour au lendemain, au gré d’une décision d’un Conseil général ou d’une CROSMS, comme cela vient d’arriver à Désert Blues qui a été obligé de fermer après neuf ans d’existence, sans qu’on ait de reproche éducatif à leur faire. Nous sommes face à une dynamique contradictoire. D’un côté, nous sommes de plus en plus sollicités par des référents sociaux qui cherchent des solutions pour les jeunes qu’ils ont en charge. Mais dans le même temps, nous nous heurtons à une grande frilosité de la part de l’administration. Il y a certains Conseils généraux qui sont très favorables à l’idée des séjours de rupture et qui ont adopté une politique tout à fait volontariste et courageuse. Mais, il y en a d’autres qui refusent par principe ce type de démarche ou qui y renoncent par crainte des risques induits par ce type d’action. Nos structures ne peuvent fonctionner, sur un long terme, qu’en s’appuyant sur des équipes qui y croient et sont prêtes à s’engager. Il y a quand même une dimension militante dans notre implication. C’est en grande partie cela qui nous fait tenir.
Association Authentique Azimut 72 rue de Néchin 59115 Leers, (06 11 36 69 71) Courriel : authentiqueazimut@yahoo.fr
Propos recueillis par Jacques Trémintin
LIEN SOCIAL ■ n°920 ■ 12/03/2009