Verdier Pierre - Origines
Quoi de neuf dans la recherche de ses origines ?
Le 17 janvier 2001, Ségolène Royale présentait en Conseil des ministres un projet de loi relatif aux origines personnelles. Le 11 décembre dernier, la loi était définitivement adoptée par l’Assemblée Nationale. Pierre Verdier, Président de la CADCO nous donne ses réactions.
Qu’est-ce que cette loi apporte de nouveau ?
Pierre Verdier : la nouvelle loi va inciter les mères désirant accoucher dans l’anonymat, à laisser leur identité. Jusqu’ici, c’était surtout l’inverse. On leur disait : « si vous voulez que votre enfant soit rapidement adopté, si vous voulez que ce soit gratuit, accouchez sous x ». Dorénavant, on leur demandera si elles souhaitent donner leur nom. On leur proposera alors de placer cette information dans une enveloppe cachetée. Le secret sera préservé tant qu’elles ne décideront pas de le lever. Ce document sera gardé dans chaque département. Nous avons évité la création d’un « Conservatoire national des abandonnés » qui représentait le risque de dérive inhérent à tout fichier. Si un enfant, qui a été remis en vue d’une adoption, souhaite connaître sa première filiation et se rapprocher de ses parents de naissance ou de ses collatéraux, il pourra saisir, dès lors qu’il sera majeur, un « Conseil national pour l’accès aux origines personnelles » qui est créé par la loi. C’est ce Conseil qui est chargé alors, d’organiser une médiation entre tous les acteurs concernés, qui devront avoir donné leur accord préalable. C’est aussi cet organisme qui sera l’interlocuteur des parents qui désirent prendre l’initiative de lever le secret. Ce Conseil aura autorité pour recueillir auprès des départements et des œuvres d’adoption les éléments relatifs à l’identité, mais aussi pour accéder aux actes de naissances annulés et aux documents archivés. La loi prévoit aussi une meilleure identification du lieu où il faut s’adresser : tout le monde saura où aller. Elle prévoit en outre la responsabilité personnelle du directeur de l’établissement de santé dans l’établissement de ce recueil.
Ces avancées vous semblent-elles suffisantes ?
Pierre Verdier : c’est, à notre avis, une étape importante. On ne pouvait sans doute pas aller plus loin dans un premier temps. Mais, on peut remarquer que si le recueil de l’identité est amélioré, il n’est pas obligatoire. La mère peut remettre une enveloppe cachetée vide ou avec une fausse identité. Il est quand même étonnant de constater que pour tous les actes banals de la vie, comme faire un chèque, on demande une pièce d’identité et que pour accoucher, ce n’est pas indispensable ! Certains pays, comme le Portugal, ont fait le choix de rendre obligatoire, au moment de la naissance, l’inscription à l’état civil du nom de la mère, mais aussi celui du père, et ce, en application de la Convention internationale des droits de l’enfants. Toute la question, finalement, est de savoir si la filiation constitue un droit des enfants ou un droit des parents. Le secret est avant tout là, pour protéger les pères contre toute divulgation qui viendrait établir une parenté non officielle. Pour ce qui nous concerne, ce qui nous gène, ce n’est pas tant l’accouchement secret qui peut toujours être réversible, mais l’anonymat qui, lui, est irréversible . Nous allons continuer à nous battre pour qu’un nouveau texte législatif rende obligatoire l’identité des parents et en contrôle l’authenticité, que la communication de cette identité à l’enfant devenu majeur ne soit plus soumise à la seule volonté des parents.
Vous avez vous-même effectué de telles médiations : pouvez-vous nous dire comment cela s’est passé ?
Pierre Verdier : la CADCO aide les personnes qui le lui demandent, à retrouver un parent. Les stratégies de recherche sont multiples. Certains vont jusqu’à voler leur dossier. C’est illégal, mais, après tout, c’est quand même leur dossier. En agissant ainsi, ils ne portent atteinte à personne. C’est toujours impressionnant de constater l’énergie dépensée pour essayer d’identifier ses racines. Il y a là un acharnement et un entêtement qui dénotent un besoin irrépressible de savoir. J’ai souvenir de cette femme qui avait eu comme seule indication que son grand-père était devenu général juste avant de mourir, et que son père, était entré à Saint Cyr à l’âge 26 ans, l’année de sa naissance. Par recoupements et recherches multiples sur les promotions ayant fréquenté cette école, elle a réussi à retrouver son père. Elle a appris qu’il était hospitalisé au Val de Grâce et est allée le voir dans sa chambre d’hôpital ! Il arrive parfois que la personne n’ose pas entrer en relation directement et demande une médiation. J’ai été amené personnellement à intervenir une dizaine de fois. Quand je suis entré en relation avec un parent, à la demande de son enfant, je n’ai quasiment jamais rencontré d’hostilité. C’est parfois, dans un premier temps, un déni : « je n’ai jamais eu d’enfants » ou encore « vous devez vous tromper, ce doit être une homonymie ». Si la personne en reste à cette opposition, l’enfant le plus souvent n’insiste pas. Il respecte alors le refus de son parent de le voir. Mais il est aussi très fréquent que le parent dise « je savais qu’il reviendrait un jour » voire « je l’espérais » … Quand on est enfant et qu’on recherche son parent ou le contraire, c’est souvent extrêmement difficile à vivre. Le site Internet de la CADCO propose de favoriser cette recherche mutuelle.
Contact : Coordination des Actions pour le Droit à la Connaissance des Origines (CADCO) : 43 rue Liancourt 75014 Tél. : 01 43 22 05 48 www.cadco.asso.fr
Propos recueillis par Jacques Trémintin
LIEN SOCIAL ■ n°606 ■ 24/01/2002