Gueguen Pierre-Yves - Formation d'éducateur
L’apprentissage dans la formation d’éducateur : Un dispositif qui répond aux mutations du travail social
Apprenti éducateur spécialisé en deuxième année de l’IRTS de Rennes, Pierre-Yves Gueguen est titulaire d’un contrat à durée déterminée au sein de l’IME Rosbriand (Les genêts d’or) à Briec (29).
Quel est le cadre exact de la formation d’éducateur en apprentissage ?
Pierre-Yves Gueguen : Ce dispositif a été ouvert aux moniteurs éducateurs et aux éducateurs spécialisés que ce soit dans le secteur associatif ou dans la fonction publique. Les élèves sont soumis au régime du droit commun de l’apprentissage. Ils sont rémunérés en pourcentage du salaire minimum d’un professionnel, en fonction des conventions collective en vigueur (1951 ou 1966). Quand il n’y a pas de convention, la base de calcul est le SMIC. En première année, cela représente 65%, 75% en seconde année et 78% en troisième. Le maître d’apprentissage doit être agréé et avoir logiquement le même niveau d’étude que le diplôme préparé. Il doit consacrer à l’apprenti deux heures et demi par semaine de suivi. Concrètement, cela ne se passe pas toujours comme cela. Cela se négocie au cas par cas. Il était prévu que le maître d’apprentissage reçoive 120 heures de formation spécifique. Dans la réalité, ils ont commencé cette formation en même temps qu’ils accueillaient les premiers apprentis. Le cursus est organisé avec les mêmes exigences que celles de nos collègues en voie directe : nous sommes tenus aux mêmes 1450 heures de formation théorique. Nous bénéficions toutefois d’un certain nombre d’aménagements. Certains modules sont assurés par l’employeur. C’est le cas pour « technique éducative » et « découverte de l’institution ». Pour ce dernier, l’employeur est même rémunéré par l’IRTS. Nous pouvons aussi bénéficier plus facilement d’une dispense pour le stage de quatre semaines prévu à l’extérieur de l’éducation spécialisé. Cela dépend de notre expérience antérieure. Nos stages de première et seconde année (de 20 semaines chacun) ne se font pas chez l’employeur. Mais c’est chez lui que nous effectuons nos 10 mois de troisième année.
Quel bilan après trois années presque d’expérimentation ?
Pierre-Yves Gueguen : Le dispositif a été lancé en septembre 2000 par l’Etat. Mais il revenait à chaque Conseil régional (qui est en charge, depuis la décentralisation, de l’apprentissage) d’accorder son agrément, en déléguant à une association la mise en place de la formation théorique. Certains Conseils régionaux ont refusé de donner leur agrément, comme par exemple celui des pays de Loire. Les apprentis qui en sont issus sont obligés de venir jusqu’à l’IRTS de Rennes. Au départ, il avait été prévu une promotion expérimentale par région qui aurait fait son parcours de septembre 2000 à juin 2003. Un bilan aurait alors été réalisé avec la possibilité de pérenniser le dispositif. Et puis, dès septembre 2001, une deuxième promotion a été lancée, puis une troisième en septembre dernier. La première année (2000) n’a pas fait le plein : 14 places ont été pourvues sur les 24 agréées. La seconde a été un peu plus importante (22). La troisième est retombée à 12. Cette désaffection peut s’expliquer d’abord, par l’ignorance de l’existence et des modalités du dispositif. Beaucoup parmi les candidats et les employeurs hésitent à s’engager s’ils ne savent pas où ils vont. Il y a ensuite notre faible temps de présence sur le terrain. Pour un directeur, ce n’est pas forcément facile de voir si peu un éducateur qu’il a recruté. Pour donner un exemple de cette difficulté, j’ai calculé qu’entre le mois de janvier et le mois de juin 2003, je serai sur mon poste seulement deux semaines ! L’apprentissage présente pourtant beaucoup d’avantages pour les employeurs dont le moindre n’est pas l’exonération des charges sociales tant patronales que salariales. Il peut, en outre, bénéficier d’un retour sur investissement. Cela lui permet de renouveler son personnel, d’apporter du sang neuf. Il peut même essayer de fidéliser l’apprenti en signant un contrat qui peut aussi être à durée indéterminée.
Quel avenir pour ce dispositif ?
Pierre-Yves Gueguen : L’apprentissage peut vraiment répondre à la pénurie de main d’œuvre qualifiée dont souffre le secteur médico-social. Des améliorations pourraient être apportées. Pourquoi ne pas imaginer d’étendre le cursus sur quatre ans, pour permettre une présence plus régulière chez l’employeur, comme cela se passait en cours d’emploi, quand ce dispositif était encore utilisé. Les apprentis ne peuvent signer un contrat de plus de trois ans. Mais s’ils échouent à leur examen, ils sont autorisés à signer un avenant pour une quatrième année. De toute façon, l’Etat a toutes les possibilités s’il veut d’aménager le dispositif. Pour l’instant, pour la suite, on est dans le flou artistique. Pourtant, cette filière ne présente que des avantages pour la formation d’éducateur. Dans chaque promotion, c’est toujours la même galère pour financer ses études. Il n’est pas rare que sur une promotion, 4 ou 5 doivent abandonner au bout de quelques mois, par manque de ressources financières. De ce point de vue, la voie de l’apprentissage offre un confort irremplaçable. Autre avantage : le regard différent et complémentaire qu’apportent les apprentis. Les étudiants en voie directe partent de la théorie pour aller vers la pratique, alors que, pour nous, c’est le contraire. Cela s’explique très bien : nous sommes, avant tout, salariés et en poste d’éducateur en responsabilité. Ce dispositif répond donc avec souplesse à un travail social en pleine évolution. Il serait dommage de ne pas le pérenniser.
Propos recueillis par Jacques Trémintin
LIEN SOCIAL ■ n°663 ■ 24/04/2003