Brient Guillaume - Animateur Spécialisé

Exercer comme éducateur de prévention ne fait pas perdre son âme d’animateur

Guillaume Brient est animateur au sein d’une équipe de prévention spécialisée

Vous avez suivi, je crois, un itinéraire assez classique ...

Guillaume Brient : Effectivement, tout a démarré, comme pour beaucoup d’autres je pense, par une démarche à l’âge de 17 ans pour trouver un travail. Je cherchai à être en contact avec des enfants et des jeunes. Je me suis tourné tout naturellement vers l’animation au sein des centres de vacances et de loisirs. J’ai passé mon bafa et ai travaillé pendant trois ans, l’été et les petites vacances scolaires. Puis j’ai suivi le Bafd et j’ai exercé comme directeur pendant trois ans environ. Pour me former, je m’étais tourné vers les différentes fédérations d’éducation populaire : UFCV, Cemea, Francas etc... J’ai accroché avec ce que pouvait proposer les Francas. Ca a été réciproque puisque, très rapidement, j’ai été coopté pour encadrer des stages comme formateur Bafa. Tout cela a été déterminant dans mon orientation. Mon action militante venait en écho avec un engagement parallèle en sport : j’entraînai tout au long de l’année une équipe de handball. Ca a été le déclic. J’ai voulu donner à ma démarche une dimension professionnelle : je me suis inscrit en DUT Carrières sociales option animateur socio-culturel. J’ai complété ce diplôme par une année de licence en science de l’éducation Puis, j’ai assuré un service civil : pendant deux ans, j’ai été objecteur de conscience au Francas. J’étais spécialisé en audiovisuel. Quand ce service a été terminé, je me suis mis à chercher du travail.

 

Et, c’est là où vous avez opté pour une orientation peu courante ...

Guillaume Brient : Ce que j’avais fait me plaisait beaucoup, mais j’avais quand même le sentiment de m’être heurté à des limites. J’avais l’impression de tourner un peu en rond et j’aspirai à élargir mon champ d’intervention. Un ami m’avait parlé de la prévention spécialisée. Cela m’a séduit : la démarche d’éducateur de rue n’est pas si éloignée que cela de l’animation. Elle est liée historiquement à l’éducation populaire dont je me sens très proche. En me tournant dans cette direction, je me sentais en continuité par rapport à mon engagement de choisir un métier qui favorise le développement de l’individu comme citoyen. J’ai assez vite trouvé un poste dans les Yvelines.

 

Comment avez-vous été reçu dans une fonction où l’on recrute surtout des éducateurs spécialisés ?

Guillaume Brient : La mission de la prévention spécialisée relève de l’aide sociale à l’enfance départementale et  de la convention collective de 1966. C’est donc bien une entrée éducative et non socio-culturelle qui est privilégiée. Très naturellement on y recrute des éducateurs spécialisés jugés plus proches de ce qu’on recherche comme profil professionnel. Plusieurs facteurs viennent moduler cette réalité. Il y a d’abord un certain nombre d’équipes qui font le choix d’une composition pluri-professionnelle : éducateurs, assistantes sociales, animateurs. Mais, un autre facteur joue aussi beaucoup : l’absence de véritable choix. Pour être franc, il faut dire que cela ne se bouscule pas au portillon pour entrer dans ce genre de service. Le recrutement se fait parfois avec un simple niveau Bac. Les diplômés ne sont pas légion ! Quand j’ai posé ma candidature, mon DUT et ma licence ont rassuré le chef de service. Il y avait une base commune entre la formation DUT et celle des éducateurs, en sociologie, psychologie etc. Et puis il était convaincu que les éducateurs spécialisés qui sortaient d’école n’avait pas forcément les compétences automatiques requises pour la prévention spécialisée. Autre élément positif : un collègue qui avait eu le même itinéraire que moi avait travaillé dans ce service et avait donné satisfaction. Quand je me suis présenté, j’ai donc bénéficié d’un a priori favorable. Pour autant, ce n’était pas gagné d’avance. J’ai signé un contrat de travail. Mais, nous avions convenu d’un contrat moral : si je sentais que je n’y arriverai pas ou que mon employeur constatait que j’avais trop de difficultés, nous aurions arrêté. J’ai eu la chance de travailler avec un chef de service qui a accepté de me recruter tout en assurant ma formation. Finalement, j’ai réussi à trouver ma place.

 

Justement, dans un tel service, en quoi le travail d’animateur se distingue-t-il de celui d’éducateur ?

Guillaume Brient : Je pense que le travail d’éducateur de rue se situe à la frontière de la prévention générale qui elle, englobe plus les loisirs et l’animation socio-culturelle. Même si nous nous adressons en priorité à un public qui a plutôt tendance à se marginaliser, l’objectif c’est bien d’essayer de le réintégrer aux dispositifs ordinaires. Pour mieux me faire comprendre, je vais prendre un exemple. Récemment, nous avons été contactés par une association du quartier à propos d’un groupe de jeunes qui posait des problèmes et traînait autour des structures sportives. Nous les connaissions et avions déjà mesuré la difficulté pour entrer en contact avec eux. Nous avons engagé une action pour leur proposer du football en salle qui se pratiquerait dans un gymnase  municipal. En réussissant ce projet nous pouvions faire d’une pierre deux coups. D’abord les réinscrire dans le réseau sportif officiel. Mais aussi créer un lien de confiance qui pouvait faciliter ensuite une relation plus sereine pour aborder des questions plus générales de formation ou d'intégration. Une telle démarche requiert de multiples compétences : monter un projet, travailler avec le réseau des partenaires, négocier avec les institutions, mais aussi parallèlement construire une relation éducative avec les jeunes. Je pense que le premier aspect relève plus de l’approche de l’animateur, la seconde de celle de l’éducateur. Ce qui me distingue d’avec mes collègues éducateurs c’est quand même la méthodologie de projet, le rapport au collectif et au groupe, l’intervention dans le développement social. Là où je me sens vraiment animateur, c’est dans mon souci d’utiliser toutes les opportunités pour faire émerger les potentialités issues du terrain et accompagner les personnes dans le montage d’un projet.

 

Vous n’avez donc pas le sentiment d’avoir été noyé dans une autre profession : on ne peut vous reprocher de « singer » les éducateurs...

Guillaume Brient : Mon expérience, ma formation initiale, mon itinéraire m’ont permis d’acquérir un certain nombre de fondamentaux que je préserve et qui me sont très utiles au quotidien. Parallèlement à mon travail, j’ai d’ailleurs passé mon Defa. Les équivalences que me donnaient mon DUT m’ont permis de valider ce diplôme plus facilement. Mais mon choix d’approfondir ma formation dans l’animation (plutôt que d’obtenir une qualification d’éducateur, par exemple) n’est pas un hasard : je reste un animateur dans l’âme. Un certain nombre de mes partenaires, d’ailleurs, connaissent ma formation initiale. Mais, tout cela n’a pas beaucoup d’importance, parce que moi, je m’y retrouve très bien. Je trouve très enrichissant de travailler avec des collègues qui n’ont pas forcément le même parcours que le mien. Je mets à profit ce que je sais faire dans un milieu où ne s’attend pas forcément à trouver des animateurs.

 

Vous considérez-vous comme un animateur « spécialisé » ?

Guillaume Brient : Je me considère plutôt comme un animateur travaillant dans un champ spécialisé plutôt que comme un animateur spécialisé. J’ai travaillé auparavant dans le domaine de l’audiovisuel et j’ai contribué à l’organisation de manifestations comme un festival du court métrage à partir de films réalisés par des jeunes  dans des lycées ou des centres de vacances. Je fais aujourd’hui un travail de prévention spécialisé. Je pourrai fort bien demain travailler dans le développement social urbain. J’estime avoir une approche polyvalente. En fait, il faut distinguer entre mon identité professionnelle (animateur) et la fonction que j’exerce actuellement qui m’identifie à un éducateur de rue. En final, on est bien dans une logique de compétences transversales et complémentaires.

 

Propos recueillis par Jacques Trémintin

Journal de L’Animation  ■ n°39 ■ mai 2003