Beck Philippe - Punir et sanctionner

dans Interviews

Faire de la sanction un acte éducatif

Coach et formateur d’adultes, Philippe Beck travaille notamment avec des publics qui rencontrent des difficultés avec les enfants ou autres personnes placés sous leur responsabilité. Ce sont des enseignants, des parents et des éducateurs qui sont confrontés aux dialogues difficiles, à la désobéissance, aux conflits, etc… Il s’attache ici à démontrer l’importance du sens contenu dans la sanction.
 
Face à un enfant qui transgresse une règle, n’a-t-on vraiment le choix qu’entre la punition et le laisser faire ?
Philippe Beck : Pour moi, ces deux attitudes sont aussi désastreuses l'une que l'autre. La punition, parce qu'elle est un acte de représailles, empreinte le plus souvent d'émotions trop vives, et visant en tous les cas à faire souffrir l'enfant (c'est son sens étymologique). Mais, le laisser faire est tout aussi néfaste, parce qu'il laisse l'enfant sans repères stables, sans cadre contenant : les règles, censées ordonner et réguler la vie de chaque moment, ne sont plus alors que paroles en l'air, dont la transgression ne provoque aucun effet. Or, pour se développer, l'enfant a besoin qu'on le respecte ET qu'on l'aide à s'adapter au monde et à ses règles.
 
Peut-on distinguer des sanctions qui auraient un caractère éducatif de celles qui ne l’auraient pas ?
Philippe Beck : Aucune sanction n'est éducative en soi. Pour qu'elle le soit, il faut qu'elle aide tel enfant qui a transgressé telle règle dans telle situation et tel contexte, qu’elle lui permette d’en assumer les conséquences à l’égard du groupe concerné (famille, classe, colonie de vacances…) ou des victimes éventuelles de son acte ou encore qu’elle le fasse progresser dans sa connaissance de ses besoins et des manières licites de les satisfaire. Et, qu'il soit accompagné dans ces progrès par un adulte aimant, ou du moins respectueux – tout le contraire de l'individu rouge de colère qui vous punit d'une voix aiguë…
 
Pourquoi, dans la gestion des conflits entre adultes et enfants, établissez-vous une différence entre poser des limites et faire respecter des règles ?
Philippe Beck : Il me semble que le terme de « règle » gagne à être réservé à ceux des repères, celles des limites, qui enseignent, promeuvent, protègent une ou des valeurs : sécurité, propreté, respect, hygiène de vie, tranquillité… Par définition, je vois les règles comme quelque chose de stable et d'immuable (du moins à court terme). Lorsque seuls des besoins sont concernés (ceux de l'enfant lui-même ou ceux des adultes ou de l'institution qu'ils représentent), je pense qu'on peut d'habitude se borner à établir des limites, que celles-ci soient temporaires ou conventionnelles.
 
Comment réagir face à la colère irrépressible d'un enfant, quand la menace de punition semble être la seule réponse pour le calmer ?
Philippe Beck : A mon avis, ainsi posée la question mène à l'impasse : face à une colère irrépressible, que faire d'autre qu'accompagner patiemment l'enfant, en l'aidant progressivement à retrouver son calme ? On n'a jamais calmé qui que ce soit de force… Et même si cette colère a fait des victimes (par coups, injures, etc.), ce n'est pas le moment de sanctionner, sauf éventuellement à rappeler la règle, surtout au bénéfice des autres enfants éventuellement présents, le principal concerné n'étant pas en mesure d'entendre nos remontrances !
 
Peut-on comparer les sanctions données à un enfant et celles prises contre des adultes ?
Philippe Beck : Oui, bien sûr. Avec cette importante différence que, d'habitude, vous n'avez pas de responsabilité éducative à l'égard d'adultes, donc pas de droit à sanctionner institué : vous n'êtes pas responsable de vos collègues, de votre conjoint, de vos voisins ou amis… Cela n'empêche nullement, si l'un d'eux a transgressé une règle et que cela vous cause un dommage ou un problème, de lui rappeler le sens et l'utilité de cette règle pour le groupe, de lui démontrer le tort que vous avez subi de son fait, et de lui demander quel était son véritable besoin et comment il pourrait à l'avenir nourrir ce dernier sans transgresser… Tous propos qui participent d'une saine résolution du conflit, gagnant/gagnant comme il est à la mode de dire…
 
 
Son livre
La punition fait mal, fait honte, fait rage. La sanction éducative fait réfléchir, fait s’amender, fait grandir. Elles réaffirme la règle et aide l’auteur d’une transgression à assumer ses responsabilités. Elle s’inscrit dans l’équilibre  entre écoute attentive et cadre contraignant. Ce livre donne à travers 65 exemples pratiques des explications simples pour apprendre à la mettre en œuvre et se déprogrammer des habitudes punitives.
« Ni punir, ni laisser faire. La sanction éducative en pratique » Ed Jouvence, 2017
 

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Jacques Trémintin - Journal de L’Animation  ■ n°183 ■ novembre 2017