Fouache Christel - Education sexualité
« L’éducation à la sexualité est un thème sur lequel les autorités de tutelle, les usagers et les professionnels convergent »
Christel Fouache est Directrice du Pôle Mayenne de l’IREPS (Instance Régionale d'Éducation et de Promotion de la Santé) des Pays de LoireVotre association a accompagné, dès le départ, l'IME de Montaudin : quel regard portez-vous sur l'action qui y a été menée ?
Ce qui a été mené dans cet IME est remarquable. Rien d’étonnant, quand on connaît le dynamisme de cet établissement et sa culture du changement et de l’innovation. Il a réussi, en quelques années, à placer dans une position centrale l’éducation à la vie affective et sexuelle, à former ses professionnels, à modifier leurs pratiques, à leur permettre de créer des outils. On a là un vrai cas d’école. Cela ne signifie pas que tout a été simple. Il y a eu des moments de doute ou de découragement, périodes où les professionnels au travail sur cette question ont pu avoir le sentiment de patiner. Comme il s’agissait de créer des séances d’éducation à la vie sexuelle et affective et des outils et qu’ils n’avaient aucune formation préalable pour le faire, ce fut extrêmement lent. Ce qui s’y est passé est assez représentatif de ce que l’on retrouve dans les autres établissements qui mènent, depuis, le même type d’action. Le temps de maturation est à la fois nécessaire et très chronophage. Avant que les effets sur les enfants ne puissent se vérifier ou que la plupart des membres du personnel aient été en contact avec le programme, cela reste un peu confidentiel et l’on ne voit pas toujours à quoi tout cela va servir. Comme pour toute nouvelle pratique, il peut en outre il y avoir des blocages. Il est important que l’institution s’implique totalement. Si la culture de l’établissement n’est pas favorable à la créativité ou s’il n’y a qu’un petit groupe porteur, le reste de l’équipe étant réticent, l’action risque de ne pas aboutir. Toutes les conditions étaient favorables à Montaudin, c’est pourquoi cela a bien fonctionné.
Comment sont nées les actions de formation que vous proposez ?
L’accompagnement du projet de l’IME de Montaudin est l’une de nos premières expériences à l’origine de notre propre activité, puisque jusque là, nous ne travaillions pas avec le public atteint de handicap. C’est important de le noter, car si depuis, les autorités de tutelle encouragent ce type d’action, quand cet établissement a décidé d’agir, c’est sans la moindre sollicitation extérieure. Mais, même s’il y a bien là une initiative pionnière, cette démarche s’inscrit quand même dans une préoccupation générale. A chaque fois que l’on pose la question à nos collègues des autres régions, on constate que, partout, il y a une sensibilisation des professionnels du secteur médico-social qui viennent fréquemment chercher de la documentation et des outils sur la santé en général et plus particulièrement autour des questions de sexualité. Mais le constat est général : il existe peu d’outils adaptés sur ces sujets. Nous savons qu’en Poitou Charentes, en Bretagne, en Champagne Ardennes, en Picardie ou encore en région PACA, il y a des projets ou même des programmes déjà élaborés. Mais, tout cela est assez disparate, sans pour l’instant aucune coordination nationale.
Concrètement, en quoi consiste l'aide que votre association peut apporter ?
Nous intervenons à deux niveaux. Le premier est celui de l’amélioration des compétences des professionnels. Nous proposons une formation de base, d’une durée de six jours, et huit modules d’approfondissement qui durent de 3 à 5 jours. Ces cycles ont été fréquentés depuis 2002, par 260 participants issus pour la plupart du secteur médico-social. Notre deuxième axe d’intervention concerne plus une offre de service, en tant que organisme ressource. Nous allons sur le terrain pour accompagner les équipes. Nous contractualisons avec les établissements, à partir de ce qu’ils souhaitent mettre en place : nous travaillons actuellement avec une vingtaine de structures différentes, sur les cinq départements des Pays de Loire. Ce peut être des actions très limitées dans le temps ou au contraire la conception d’un programme sur plusieurs années. Notre démarche ne consiste pas à travailler immédiatement sur l’outil pédagogique des 5-6 ans, par exemple, mais bien à réfléchir sur les implications de la démarche pour l’établissement, concernant notamment la cohérence avec le règlement intérieur ou le projet d’établissement. Cela fait parfois un peu peur, quant à l’ampleur de l’investissement. Mais, notre approche est systémique : il est difficile de se centrer uniquement sur les usagers, si tous les niveaux de l’institution ne sont pas en cohérence (du Conseil d’administration aux familles, en passant par les équipes).
L'éducation à la vie affective et sexuelle dans les établissements médico-sociaux a-t-elle le soutien des autorités de tutelle ?
Les autorités de tutelle en Pays de la Loire ont été très intéressées et ce, à double titre. D’abord, parce que c’était un sujet connu de la plupart des médecins inspecteurs et inspecteurs des DDASS et DRASS qui ont souvent été confrontés, lors de leurs inspections, à des situations de non respect de la vie sexuelle et affective, voire même à des abus. Ils étaient nombreux à penser qu’il fallait que les pratiques changent. Mais ils ont tout autant pu constater l’état de dénuement des équipes éducatives et l’absence d’interlocuteurs vers qui se tourner. Ces mêmes autorités avaient aussi à cœur à la fois de promouvoir les lois de 2002 et de 2005 qui élèvent l’usager au rang de citoyen et à la fois d’encourager la prévention de la maltraitance. Des initiatives comme celle de Montaudin et la notre ne pouvaient donc que retenir leur attention. Notre programme de sensibilisation a eu aussi un autre effet, tout aussi important : celui de créer un lieu de convergence entre les deux secteurs de la santé publique et du médico-social. La nouvelle Agence Régionale de Santé qui est en train de se structurer peut, elle aussi, trouver dans ces dispositifs à la fois une application de la politique de transversalité qu’elle préconise et à la fois un indicateur de la qualité des pratiques qui constitue le cœur de sa stratégie d’évaluation et d’amélioration de la prise en charge des établissements.
DVD disponible sur simple demande, en écrivant à IREPS Pays de la Loire – Pôle Mayenne – 90, av de chanzy - 53000 Laval ou par mail ireps53@irepspdl.org
Lire le reportage L’éducation à la sexualité des enfants déficients
« Vie affective et sexuelle des personnes vivant avec un handicap mental »
L’IREPS des Pays de Loire vient d’éditer un DVD interactif fort bien conçu qui se propose de sensibiliser les professionnels, mais aussi les associations, les autorités de tutelle, les familles etc … à son programme régional portant sur l’éducation à la vie affective et sexuelle des publics porteurs de handicap mental. D’une conception résolument dynamique, ce DVD ne se présente pas sous la forme d’un film se déroulant de manière continue. Quatre entrées sont proposées, elles-mêmes subdivisées en plusieurs écrans, chacun pouvant être regardé selon le choix de l’utilisateur. Au programme : les concepts, les programmes éducatifs auprès des jeunes, les professionnels et la formation et enfin les partenaires financiers. On peut y retrouver les témoignages vivants et précis des différents acteurs de ces actions. Les jeunes d’abord qui expliquent en quoi ces programmes leur permettent d’apprendre sur les choses de la vie, leurs émotions, le respect des autres, la sexualité, la parentalité… Poser des questions qu’ils ne peuvent évoquer nulle part ailleurs vient répondre à leurs appréhensions et est source d’une meilleure confiance en eux. Les professionnels, ensuite, qui reconnaissent leurs déstabilisations passées face aux « passages à l’acte » des publics qu’ils avaient en charge et évoquent volontiers ce que la formation leur a apporté. Les animateurs des programmes (dont l’équipe de l’IME de Montaudin), encore, qui décrivent les supports qu’ils utilisent et les activités qu’ils mènent avec les enfants et les jeunes. Des spécialistes aussi, qui expliquent les fondements conceptuels et éthiques de ces actions. Les financeurs, enfin, qui confirment en quoi ces programmes constituent de véritables outils de management et de cohésion d’équipe, au service du projet individualisé des usagers. Laissons la conclusion à nos collègues qui décrivent, avec beaucoup de sensibilité, comment l’ouverture qui s’est opérée dans ces espaces protégés de parole et de temps n’a pas concerné que les enfants et les jeunes. La vie affective est présente chez chacun d’entre nous, sans que la déficience ne vienne l’abolir en quoi que ce soit. L’intégrer dans l’approche éducative, c’est aussi aborder l’usager dans une dimension bien plus globale de sa problématique.
Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°1005 ■ 10/02/2011