Les Maisons d’enfants à caractère social entre histoire et mutations
EMPAN n°85, Éd. érès, Mars 2012, 195 p.
C’est à la fin des années 1970 que les orphelinats vont progressivement disparaître, léguant aux Maisons d’enfants à caractère social, qui leur succèdent, un bâti et un savoir faire pas toujours adapté au nouveau public accueilli. Car les enfants qui y sont placés, ne sont plus sans famille, mais se partagent entre leur foyer familial et l’institution. Progressivement, le travail en internat s’est adapté, subissant de profondes mutations. L’approche substitutive, cohérente face à des orphelins, s’est transformée en logique de suppléance, puis d’association avec les parents, voire de coparentalité. Ce travail avec les familles, s’il est apparu incontournable, a du bien sûr s’adapter à la réalité, la maltraitance subie, l’abandon vécu, la souffrance accumulé par les parents rendant parfois complexe la remobilisation de leurs compétences. L’objectif, un temps espéré, du retour en famille, a du répondre à des perspective bien plus réalistes d’un travail avec les familles quand cela est possible, sans quand cela ne l’est pas. Mais, quand une véritable collaboration s’avère du domaine du réalisable, encore faut-il qu’elle ne reste pas seulement formelle et que les déséquilibres entre professionnels et parents soient compensés. Les transformations des pratiques ont aussi concerné les modalités d’accueil qui se sont diversifiées, au fil du temps : unités à petits effectifs remplaçant les grosses institutions, internats scolaires relayant la vie dans le groupe, approche séquentielle alternant dans la semaine séjour en famille et séjour en établissement… La fonction éducative a connu ses propres mutations. Elle s’entend, dorénavant, comme un travail sur la subjectivité tant de l’usager que du professionnel. L’un et l’autre se retrouvent dans une réciprocité de la rencontre qui reste une surprise entre deux étrangetés spécifiques : l’éducateur doit accepter d’être traversé, modifié et réinventé par l’enfant à qui il demande de changer. Cette sollicitude se trouve au fondement de son action : aller vers l’autre avec bienveillance et attention, tout en acceptant de recevoir de lui. Car ce n’est pas tant l’individu qui doit être pris en compte, que le sujet. Pour autant, les efforts de compréhension et d’interprétation des actes posés, hérités de la psychanalyse, ne doivent pas évacuer la mission éducative qui vise à structurer, voire imposer. Les MECS se sont donc adaptés. Elles sont aujourd’hui confrontées à de nouvelles contradictions : gérer l’urgence tout en assurant la continuité, protéger le collectif de vie tout en garantissant le parcours individualisé de chaque enfant confié, répondre aux évaluations tout en évitant la tentation normalisatrice (« à trop cocher des cases, on cache des causes » Martial Chenut). Autant de défis à relever.
Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°1081 ■ 08/11/2012