Repenser l’action sociale
Philip MONDOLFO, Dunod, 1997, 216p.
Philip Mondolfo dirige la formation d’assistant social à l’université de Paris-Nord. Le livre qu’il nous propose est très didactique. Il reprend d’une manière synthétique et claire l’itinéraire historique du métier d’assistant social et notamment sa confrontation aux mutations imposées à l’action sociale par la crise.
Au sortir de la seconde guerre mondiale se mettent en place deux dispositifs chargés de garantir le bien-être de chaque citoyen : la Sécurité sociale qui couvre ceux qui ont cotisé et l’Aide sociale qui fait intervenir la solidarité nationale. Les failles laissées par ces deux grands systèmes sont investies par le Service social qui constitue à partir des années 50, sous l’égide de l’Etat, un réseau dense sur l’ensemble du territoire : c’est la Polyvalence de secteur. Les Assistantes sociales sont recrutées, à partir de 1970, à raison de 1000 chaque année. La profession préserve sa déontologie : indépendance vis à vis de soi-même (préjugés, a-priori), de ses clients, de son service comme de l’ordre établi. Mais, la crise économique, avec son lot de désinsertion massive d’une population jusqu’alors largement intégrée, va bousculer les habitudes de fonctionnement. Les usagers cessent d’être en majorité des mères de famille pour se masculiniser et confronter les professionnels aux problématiques de l’insertion (logement, chômage, formation professionnelle, accès aux soins, ...). De plus, la Polyvalence est très vite chargée de nombreuse missions supplémentaires : gestion du RMI, accueil des personnes âgées et handicapées, prévention et signalement des mauvais traitements, suivi des dossiers de surendettement et des plans FSL ... En de nombreuses circonstances, l’assistante sociale perd sa position centrale et le monopole de ses actes. Elle devient le maillon d’une logique taylorienne : son évaluation et son intervention s’articulent en amont ou en aval à des décideurs ou à des partenaires. La profession est dès lors confrontée à une crise de légitimité. Philip Mondolfo plaide pour une diversification du métier qui tout en préservant les tâches fondatrices d’écoute, de médiation, d’information et d’orientation, se chargerait d’un rôle de développement, de coordination et de rationalisation. L’AS devenu « AS développeur » ou « AS manager de service » participerait à la valorisation des ressources du milieu et à l’organisation des acteurs de l’insertion : découvrir les niches d’emploi ou rapprocher les espaces socio-économiques et culturels différents afin de favoriser l’innovation.
Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°416 ■ 06/11/1997