Le syndrome de Judas
Jacques ROBION, Edition Cassiopée (5 bis place de la Chapelle 44100 Nantes), 1998, 99p.
L’essai de Jacques Robion place le lecteur au cœur de la problématique de l’AEMO. Il se veut une réplique à la confusion.
Confusion, tout d’abord, qui s’établit quand l’intervenant se laisse engloutir par la relation duelle avec la famille. D’un côté, il y a la demande de cette dernière, de l’autre l’exigence de la commande sociale. Le professionnel n’est pas là -selon l’auteur- pour jouer un rôle de médiation mais bien de synthèse. Ce qui va en ressortir n’est pas de l’ordre du contrat -qui impliquerait l’accord des deux parties sur les objectifs et les moyens- mais seulement un “ pacte éducatif ” qui se limite à une entente sur les modalités d’action dont les fins sont définies par ailleurs (par le magistrat ou l’autorité administrative). En la matière, il est très fréquent de voir l’éducateur refuser la demande qui lui est faite par la famille de jouer un rôle de délégation dans son autorité. Le risque est effectivement réel de basculer dans la substitution. Pour autant, un tel danger peut être limité dès lors que le travailleur social s’attache à lire ce qui l’anime inconsciemment et s’appuie sur l’institution qui triangule son action. Fort de ces garants, il peut alors exercer un rôle prothétique de délégation fonctionnelle. “ Une abstinence stricte et professionnalisée à l’excès n’aura pas plus d’effets positifs qu’une substitution contre-transférentielle. ”(p.33)
Par contre, ce qui est tout aussi courant, et c’est là la deuxième confusion abordée par l’auteur, c’est celle qui amène l’intervenant à proposer une offre de service qui dépasse son champ de service officiel et réel. S’il est important qu’il sache identifier la souffrance et l’accompagner vers les instances adéquates, son action ne se limite pas à “ n’être que la préparation de la résolution noble et véritable du problème éducatif par le soin psychique ”(p.38). Elle est encore moins de se charger de faire passer à la conscience les causes inconscientes des dysfonctionnements familiaux. L’aide ne s’identifie pas à la seule thérapie. Elle prend aussi une dimension éducative essentielle : l’éducateur est là pour négocier, suggérer, conseiller, ordonner, s’affronter, faire réfléchir dans une alternance d’écoute, d’accompagnement et de contrainte. Mais son but reste la modification comportementale, là où le thérapeute se situe dans le changement du système interprétatif.
En recherchant l’effet thérapeutique, il va faire parler l’usager et se retrouvera dans une logique d’investigation judiciaire qui, le confrontant au traitement pénal, le plongera dans le syndrome de Judas.
Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°468 ■ 07/01/1999