Mi-fugue, mi-raison

ALIOUA Madani, Éd. l’Harmattan, 2023, 74 p.

Quand un éducateur est aussi auteur de fiction, la question se pose de l’usage qu’il fait dans ses intrigues, des blessures et des souffrances des publics qu’il accompagne. C’est bien cette interrogation que se pose le personnage central de Madani Alioua, dans ce petit roman mettant en scène un professionnel pouvant tout à fait être l’un de ses collègues, à moins que ce ne soit son propre avatar. Voilà donc notre éducateur d’internat lancé dans un « road movie » à la recherche de l’invétéré fugueur Marvin ou plus exactement un « raylway-movie », puisqu’il se rend à la gendarmerie qui a intercepté l’enfant, en voyageant en train. Le Marvin en question, à l’image de Godot, n’apparaitra jamais dans le récit, seules les descriptions de son dossier nous le faisant connaître. On y apprend que fils d’un cheminot, il dispose de toute liberté pour emprunter les lignes SNCF gratuitement. Et il ne s’en prive pas. Ce trajet va être l’occasion pour cet adulte en quête de réparation de son petit protégé de mesurer combien c’est son propre passé qu’il cherche à restaurer : « tu crois que ton devoir est de t’occuper des enfants, mais non c’est ton enfance qui t’occupe » (p. 46). Et les souvenirs de s’égrener mêlant le va- et-vient du wagon présent et celui du temps passé. Au final, un récit montrant combien les travailleurs sociaux tricotent souvent leur histoire personnelle avec celle des personnes qu’ils accompagnent.