Méthodologie de l’observation sociale: comprendre, évaluer, agir

Hélène HATZFELD et Jackie SPIEGELSTEIN, Dunod, 2000, 1888 p.

A une époque marquée par l’effondrement des croyances et des systèmes de pensée, il apparaît incontournable d’essayer d’avoir une représentation la plus fidèle possible de l’état du social. Cela est utile pour le décideur comme outil d’élaboration des politiques locales, mais aussi pour le travailleur social pour évaluer l’impact de son action et le guider dans ses choix d’intervention. L’observation sociale répond à cette quête : centrée sur la connaissance des populations et de leurs comportements, elle s’étend à l’estimation de l’efficacité des dispositifs et des modes d’action. Cette méthodologie nous est décrite avec grand talent par Hélène Hatzfeld et Jackie Spiegelstein dans un ouvrage particulièrement didactique. Les auteurs nous expliquent cet art particulier qui n’appartient pas aux seuls chercheurs ou statisticiens mais qui peut aussi être utilisée par des professionnels de terrain. Elle s’appuie sur une logique à la fois macroscopique et microscopique (à l’échelle de l’ensemble d’une population donnée et de l’un de ses membres), quantitative et qualitative (les faits dans leur importance numérique et dans leur signification profonde), diachronique et synchronique (comparaison dans le temps et comparaison entre catégorie ou lieux du même espace temps). Il s’agit, non seulement de décrire, mais aussi d’expliquer pour tenter de mieux agir. Car, observer, ce n’est pas seulement voir, c’est aussi chercher à comprendre en organisant les éléments observés. Deux étapes apparaissent donc essentielles dans la méthodologie proposée ici : d’abord une constatation sous forme d’une mise à plat des faits observés, puis dans un deuxième temps leur analyse, en faisant parler les chiffres. Cette interprétation cherchera à mesurer, comparer, dégager des tendances et donner du sens au simple constat. Toute cette démarche permet de mieux appréhender les comportements, de questionner les évidences et les à priori en les soumettant à l’épreuve des chiffres, et ainsi de pouvoir déterminer des typologies tant des personnes reçues que des demandes ou d’élaborer des profils. L’efficacité de cette méthode dépend de trois conditions : une intégration au travail quotidien, la définition d’un cadre commun dans le recueil des données et le respect d’une méthode rigoureuse et fiable. Il faut néanmoins faire attention que de tels outils n’aboutissent à la stigmatisation, voire au fichage de certaines populations. Les intervenants sociaux doivent être vigilants à toujours rester maîtres de ce qui doit est transmis, en évitant notamment la confusion entre corrélation et causalité (le fait que 70% des gens meurent dans leur lit n’implique pas que le lit est dangereux !) et en respectant la vie privée des usagers envers qui ils sont tenus au secret professionnel. A ces conditions, ils acquérront une nouvelle crédibilité liée à cette nouvelle position d’expertise et de compétence.

 

Jacques Trémintin -  Décembre 2000