L’enfant de la lune

Jean-Claude AREVALO (Longuesep 81530 Viane), 2000, 184 p.

Les romans écrits par  professionnels du secteur ne sont pas légion. Aussi méritent-ils d’être signalés, surtout quand ils sont bien écrits. Jean-Claude Arevalo plonge le lecteur dans la région du Quercy, à quelques kilomètres de Cahors. Ici, pas d’histoire de banlieues, de délinquance ou de paysages dominé par l’asphalte. Plutôt un vieux pont en pierre enjambant une rivière, une grotte à laquelle on accède en plongeant dans un trou d’eau, un grand tilleul à l’ombre duquel on prend le frais. « Un pays de légende où la création toute entière se régale de vivre. » Et puis il y a Jean, ce vieux paysan bougonnant qui rumine et fustige tout individu survenant dans son champ de vision comme autant d’envahisseur venant gâcher son paysage ! Barbara est une enfant qui vit dans un autre monde. Les arbres, les fleurs, les animaux n’ont aucun secret pour elle. Ses plaisirs, elle les prend, en gambadant dans la nature et en fréquentant Jean plus qu’en faisant ses devoirs. Quand il est question de sa réorientation en institution spécialisée, intervient le troisième personnage clé du roman : l’assistante sociale. On ne peut douter un seul instant que l’auteur aie des comptes à régler avec les services sociaux. La description qu’il nous en fait est jubilatoire et cruelle à la fois.  L’assistante sociale : « il était temps qu’elle intervienne, grâce à la guidance on en saurait plus, on pourrait déterminer si cette enfant courait des dangers. Si besoin, on l’éloignerait d’un milieu qui bien qu’apparemment serein, recelait peut-être un côté pervers ». Son directeur: « cachée derrière un collier de barbe, son énergie passait pour la plus grande partie à éviter les conflits, les bruits et les fureurs  qu’engageaient les éducateurs et assistantes sociales dans leur travail. Depuis dix ans qu’il avait été projeté à la tête du service social, sans rien en avoir prémédité, il cochait sur un grand calendrier les années qui le séparaient de la retraite (...) Sa stratégie consistait à être ni trop pour, ni trop contre, ce merveilleux esprit de modération avait au fil des années, brisé bien des passionnés.  » La psychologues : « rien n’est plus bavard qu’un psychologue qui sort de sa réserve. La petite chose qui du bout de la table écoutait avec le recul nécessaire les discours contradictoires, avait analysé la situation, pesé le pour, préparé le contre et s’apprêtait à discourir. Le directeur ne lui en laissa pas le temps. La psychologue ravala sa salive, puis se réfugia aussitôt dans la profondeur de sa réflexion et de son analyse. » Je n’ai pas résisté à l’envie  d’évoquer ces portraits plein d’humour et de sagacité. Ils ne font toutefois pas imaginer qu’ils occupent l’essentiel d’un récit par ailleurs plein de poésie et de fraîcheur dont je me garderais bien de raconter ici le déroulement, mais dont je ne peux que conseiller la lecture.

 

Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°577 ■ 17/05/2001