Nés avec la télé

Michel Soulé, Marcel Rufo, Bernard Golse, ESF, 1999, 107 p

Ce que les médias ont changé dans le comportement des enfants et ce que les équipes médico-sociales doivent en savoir  

Ce couple d’amis avait résisté plus de 10 ans à l’introduction de la télé à la maison jusqu’au jour où il s’aperçut que les longues sorties du petit dernier, le samedi, étaient consacrées à camper toute l’après-midi devant l’étrange lucarne à la FNAC ! Cela l’incita à rompre ses bonnes résolutions. « Les chercheurs en la matière sont unanimes : la télévision est une partie essentielle de l’écologie naturelle chez l’enfant moderne » (p .60). La journée scientifique de Michel Soulé était dédiée en 1998 à cet instrument qui s’est progressivement imposé à la quasi totalité des foyers.

Certes, on peut assister à de véritables « abandons cathodiques », les parents reléguant  le soin d’éduquer leur progéniture à cette fascinante boite noire. Effectivement, Liliane Lucat répertoriait dans Le Point en 1988 la liste des actes violents qu’elle s’était amusé à décompter : 670 meurtres, 15 viols, 848 bagarres, 419 fusillades, 14 enlèvements, 11 hold-hups, 8 suicides, 32 prises d’otages, 27 scènes de torture, 18 drogués, 9 défenestrations, 13 tentatives de strangulation, 11 scènes de guerre, 11 streap-teases et 20 scènes d’amour poussées !

Mais le temps est révolu où éducateurs et psychologues ne voyaient dans la télé qu’un instrument pervers de déstructuration. Etonnamment, les études démontrent que les meilleurs élèves sont aussi ceux qui sont des téléspectateurs réguliers. L’enfant n’est pas en danger face à l’écran, s’il sait introjecter ses perceptions, c’est à dire les digérer. D’où l’importance de lui apprendre à la décoder et à symboliser ce qu’il a vu. L’adulte joue un rôle essentiel en lui permettant de parler et de mettre des mots sur ses ressentis. « Ne peuvent agir défavorablement sur le psychisme que les images qui rencontrent des failles psychiques dues à des expériences de vie insurmontées. Les images de crime ne fabriquent pas des criminels. Elles peuvent réveiller des impulsions meurtrières mais elles ne créent pas ces impulsions » (p.34) Un enfant ne reçoit pas de la même façon une image violente ou dégradante selon qu’il est lui-même confronté à un rapport d’humiliation ou de soumission brutale ou qu’il bénéficie d’un authentique équilibre familial respectueux et épanouissant. L’écran cathodique remplit de nombreux rôles positifs tel celui le lieu de distanciation (tiers séparateur), ou encore de repère dans le temps, mais aussi de tranquillité, de facilité et d’apaisement, de défense contre l’angoisse, d’aire de jeu, de plaisir et d’émotions, de lieu d’identification etc … En fait, le débat des détracteurs et des défenseurs de la TV, n’est pas sans rappeler ce conflit religieux entre les iconodoules (adorateurs des icônes) et les iconoclates (ceux qui refusent toute représentation de Dieu par l’image).

 

Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°491 ■ 17/06/1999