Platz

VERGNE Sacha, Conspiration éditions, 2022, 180 p.

Un polar en plein bidonville. Le dernier avait été éradiqué au milieu des années 1970. Les voilà qui réapparaissent à l’orée du XXIème siècle. Ils sont près de 400 sur le territoire français, ces taudis surnommés « Platz », par leurs occupants, du mot roumain qui signifie « terrain ».

La seule réponse proposée est répressive. Ils ont beau être expulsés, ils se reconstituent un peu plus loin. Toujours aussi précaires et boueux, insalubres, confrontés aux intempéries, aux maladies et aux épidémies.

Avec néanmoins, des suivis assurés par des travailleurs sociaux recrutés par des associations mandatées. Maraudes, visites régulières sur place, permanences d’accueil. L’objectif est d’ouvrir les droits aux familles : domiciliation, santé, droits sociaux …

Sébastien Marillac est l’un de ces professionnels intervenant pour l’association France Accueil Accompagnement (FAA). Bénévole à la fin de ses études dans des orphelinats roumains, sa connaissance de la langue de ce pays lui ouvrit bien des portes à son retour en France. Trois ans dans un Centre de rétention administrative l’avaient éreinté. Il avait rejoint FAA.

Ce matin-là, son chef lui téléphona aux aurores. Une caravane avait brûlé dans la nuit. Il fallait qu’il s’y rende aussitôt. Était-ce un acte criminel provoqué par les fachos qui ne cessaient de menacer de mettre le feu aux campements ou un règlement de compte de la part de Manouches vindicatifs ?

L’affaire se compliqua quand un corps carbonisé fut découvert, l’autopsie démontrant que la victime avait été tuée avant l’incendie. Sébastien la connaissait depuis longtemps déjà : c’était Léon qui venait de décéder brutalement.

Les péripéties qui s’ensuivent mènent le lecteur sur les pas de Sébastien au cœur de la communauté Roms et en Roumanie, jusqu’à la résolution finale de l’énigme. L’occasion de pénétrer les ressorts d’un monde guère familier.

Mais, il n’y a pas que les amateurs de polar qui y trouveront leur compte. Derrière l’enquête menée par le travailleur social Sébastien Marillac, se profile la dénonciation du social-business. Comme les autres salarié(e)s, Sébastien Marillac y avait pourtant cru, prêt à en découdre contre l’injustice. Et puis la lessiveuse FAA avait bien vite éteint ses passions.

Opérateur de terrain censé accompagner les publics des bidonvilles, l’association s’était transformée en machine à répondre aux appels d’offres. Les valeurs associatives étaient devenues une caution, la pauvreté un produit, les cadres des VRP, managers et gestionnaires. L’argumentation déployée auprès des pouvoirs publics pour favoriser les financements : la résistance des Roms à toute forme d’accompagnement, le poids de la culture, le nomadisme qu’il était si difficile de corriger … Tout était faux. Mais, une telle rente de situation devait perdurer, au prix des pires mensonges répétés aux autorités.

Sébastien Marillac mènera son enquête jusqu’au bout. Mais, sa rébellion contre la logique financière, seule préoccupation de son employeur, lui vaudra un licenciement pour faute grave.

Pure fiction ou récit lucide dans lequel bien des professionnels se retrouveront ? Il revient au lecteur d’en décider. Ce roman pourrait bien s’avérer beaucoup plus réaliste qu’il n’y parait !